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Il est avéré que le prince fut fusillé la nuit ; qu'une lumière était placée dans le fossé. Du reste, il n'y a point de traces, dans les dépositions des témoins, du fait d'une lanterne attachée à la poitrine de la victime (1). Suivant une autre relation, le duc d'Eng

(1) Ces circonstances ont été l'objet d'accusations portées devant l'opinion, dont la plus grave est que le général Savary aurait hâté l'exécution du prince. Le duc de Rovigo a publié, en 1823, un Extrait de ses Mémoires sur la catastrophe du duc d'Enghien, dans le but de repousser les attaques qui avaient été répandues contre lui. Cet écrit accusait plusieurs personnes. L'attention publique fut fortement excitée. D'autres publications eurent lieu de la part de quelques-uns des intéresrés. Les mémoires complets du duc de Rovigo, qui ont paru récemment, contiennent des réponses à toutes les insinuations dont il avait été l'objet.

Le général Hullin, président de la commission militaire, at affirmé, dans un écrit intitulé: Explication offerte aux hommes impartiaux, que l'ordre n'avait pas été donné de mettre le jugement à exécution. Il s'exprime ainsi : « A peine le jugement » fut-il signé, que je me mis à écrire une lettre dans laquelle, me rendant en cela l'interprète du vœu unanime de la commis»sion, j'écrivais au premier consul pour lui faire part du désir » qu'avait témoigné le prince d'avoir une entrevue avec lui, et >> aussi pour le conjurer de remettre une peine que la rigueur » de notre position ne nous avait pas permis d'éluder.

» C'est à cet instant qu'un homme qui s'était constamment >> tenu dans la salle du conseil, et que je nommerais à l'instant » si je ne réfléchissais que, même en me défendant, il ne me >> convient pas d'accuser... « Que faites-vous-là? me dit-il, en » s'approchant de moi. J'écris au premier consul, lui répon

hien aurait pris lui-même la lanterne et l'aurait tenue d'une main ferme jusqu'au moment de l'explosion. Tous les rapports, au surplus, s'accordent en ce point, qu'il a fallu le secours d'une lanterne pour éclairer l'exécution.

» dis-je, pour lui exprimer le vœu du conseil et celui du con>> damné. Votre affaire est finie, me dit-il, en reprenant sa >> place : maintenant cela me regarde. »

» J'avoue que je crus, et plusieurs de mes collègues avec >> moi, qu'il voulait dire: Cela me regarde d'avertir le premier » consul. La réponse, entendue en ce sens, nous laissait l'es» poir que l'avertissement n'en serait pas moins donné.

>> Je m'entretenais de ce qui venait de se passer sous le ves>>tibule contigu à la salle des délibérations. Des conversations >> particulières s'étaient engagées; j'attendais ma voiture, qui, » n'ayant pu entrer dans la cour intérieure, non plus que celle >> des autres membres, retarda mon départ et le leur. Nous >> étions nous-mêmes enfermés, sans que personne pût commu>>niquer au-dehors, lorsqu'une explosion se fit entendre... Bruit >> terrible, qui retentit au fond de nos âmes, et les glaça de ter»reur et d'effroi.

>> Oui, je le jure au nom de tous mes collègues, cette exécu>>>tion ne fut point autorisée par nous: notre jugeemnt portait » qu'il en serait envoyé une expédition au ministre de la guerre, » au grand-juge, ministre de la justice, et au général en chef, » gouverneur de Paris.

» L'ordre d'exécution ne pouvait être régulièrement donné » que par ce dernier; les copies n'étaient pas encore expédiées; >> elles ne pouvaient pas être terminées avant qu'une partie de » la journée ne fût écoulée. Rentré dans Paris, j'aurais été >> trouver le gouverneur, le premier consul, que sais-je ?.... Et

er

En 1803, M. Savary accompagna le premier consul en Belgique. L'année suivante, il fut nommé général de brigade, et général de division le 1a février 1805. Il eut en même temps le commandement d'élite de la garde impériale.

M. Savary était regardé à cette époque comme

» tout à coup un bruit affreux vient nous révéler que le prince » n'existe plus!

>> Nous ignorons si celui qui a si cruellement précipité cettc >> exécution funeste avait des ordres; s'il n'en avait point, lui >> seul est responsable; s'il en avait, la commission, étrangère à » ces ordres, la commission, tenue en charte privée, la commis>>sion, dont le dernier vœu était pour le salut du prince, n'a pu »ni en prévenir ni en empêcher l'effet. On ne peut l'en ac

»cuser. »

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Le duc de Rovigo a cru dévoir repousser les insinuations du général Hullin; il a consenti à se reconnaître pour l'homme qui l'aurait empêché d'écrire au premier consul; mais, s'écriet-il, « de quel droit me serais - je permis d'arracher la plume » des mains de ce président, écrivant pour l'accomplissement » d'une délibération de la commission ? Et le général Hullin lui» même se serait-il assez peu respecté pour céder ainsi à la me»> nace d'un subordonné, et renoncer à l'exercice du consolant » mandat de demander la grâce d'un infortuné qu'on aurait con» damné à regret? Aurait-il obtempéré à un ordre dont sa posi>>tion et ses fonctions ne lui auraient pas permis d'admettre >> l'existence entre mes mains, et que, par suite, il aurait dû » se faire représenter à l'instant même ?»

Le duc de Rovigo nie positivement ensuite tous les faits allégués par le comte Hullin.

chargé de diriger la police particulière de Napoléon, ou ce qu'on appelait la contre-police (1).

Avant la bataille d'Austerlitz, l'empereur l'envoya comme négociateur à l'armée austro-russe. Ce fut lui qui, le lendemain de cette bataille, reconduisit l'empereur d'Autriche dans son camp, et fut chargé de savoir de l'empereur de Russie s'il accédait aux préliminaires qui venaient d'être signés (2). Sur la déclaration affirmative de ce souverain, le général Savary porta au général Davoust l'ordre de cesser les hostilités. Peu de jours après, il fut nommé grandofficier de la Légion d'Honneur, et reçut le grand cordon de l'ordre de Bade au mois de mars 1806.

A l'ouverture de la campagne suivante, il alla diriger les opérations du siége de Hamelu, et prit possession de cette place, qui capitula le 20 novembre.

M. Savary faisait tous les jours de nouveaux pro

(1) Il a depuis nié avoir jamais été employé par l'empereur à ce genre de surveillance.

(2) Dans cette journée, la vie de l'autocrate russe fut à la merci de Napoléon, qui assura sa fuite. Le sauf-conduit donné par Napoléon, pour l'empereur de Russie, au général Savary, était entièrement de la main de l'empereur, et écrit au crayon. Cette pièce, d'une si grande importance pour Alexandre, a été vue et lue par beaucoup de personnes. Ce genre de générosité, presque toujours, en politiqne, et surtout à la guerre, 'un mauvais calcul, était parfaitement dans le caractère de Napoléon.

grès dans les bonnes grâces de l'empereur; il devint grand'croix de la Légion-d'Honneur.

A la bataille de Friedland, il chargea à la tête des fusiliers de la garde. L'empereur lui accorda une éclatante récompense, et le nomma duc de Rovigo. Peu de temps après, il l'envoya à Saint-Pétersbourg, où il fut remplacé par M. de Caulaincourt, duc de Vicence.

Lorsque Napoléon résolut de s'occuper de l'Espagne, le duc de Rovigo joua un rôle important dans la révolution qui suivit. Il reçut les confidences de son maître, qui l'envoya à Madrid pour engager la famille royale à se rendre à Baïonne, où son entrevue avec Napoléon devait avoir lieu. Il accompagna même cette famille, qui accourait pour se détrôner elle-même. Arrivés à Vittoria, il eut à vaincre les répugnances des conseillers de Charles IV, qui craignaient de se laisser entraîner dans un piége; il revint à Baïonne prendre les ordres de l'empereur, qui lui dit : « Il faudra cependant bien que nous nous entendions ici ou ailleurs ; >> autrement, comment s'arranger. » Puis il annonça qu'il était déterminé à écrire au prince des Asturies. Il ajouta : Si nous ne devons pas nous » entendre, il sera autorisé à dire que je l'ai attiré » dans un guet-apens, et dans le fait cela en aura » l'air. »

Le lendemain, M. Savary partit pour rejoindre les princes espagnols, qui, vaincus par ses protestations, consentirent enfin à prendre la route de

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