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le roi le nomma à la direction-générale des postes, place qui lui fut retirée trois mois après (8 octobre 1815), et donnée à M. d'Herbouville.

Là finit la carrière administrative de M. Beugnot. Son entrée au conseil privé, comme ministre d'État sans portefeuille lui servit de retraite. Il reparut alors à la tribune parlementaire par sa nomination au collége électoral de la Marne, et fit partie de la fameuse chambre introuvable. Réélu en 1816, il se plaça au côté gauche de la chambre (seconde section), et s'écarta ou se rapprocha par occasion du pouvoir, dont il soutint assez généralement les projets dans le cours de cette législature quinquennale, après laquelle il n'a plus été question de lui.

Pendant ces six années, M. le comte Beugnot fit montre, comme autrefois, de ses connaissances spéciales en matières de finances, et devint enfin le rapporteur perpétuel de la commission du budget. Les opinions qu'il émit lors de la discussion financière, en 1820, furent souvent accompagnées de beaux souvenirs des grands principes de la liberté et de nouveaux témoignages du talent pur et oratoire. qui l'avait distingué dans toutes les assemblées. Cette teinte libérale avait été spécialement remarquée, en 1816, lorsqu'il insista pour que les pensions accordées aux ecclésiastiques mariés leur fussent continuées, et dans son opinion lors de la responsabilité des ministres. Il se fit encore honneur par la manière dont il combattit l'opinion de M. de la Bourdonnaye,

quand on s'occupa, en 1819, du second projet de loi sur la liberté et les délits de la presse.

A la même époque, en sa qualité de rapporteur d'une commission spéciale, il eut la plus grande part au rejet de la proposition Barthélemy, pour le renversement de la loi des élections.

Le libéralisme ne lui paraissant pas profitable, M. Beugnot n'hésita pas l'année suivante à appuyer, sous une autre forme, cette même proposition que son éloquence avait fait rejeter, et il combattit le noble principe de la liberté de la presse aussi fortement qu'il l'avait proclamé.

Ainsi les nobles mouvemens de M. Beugnot vers les principes libéraux n'ayant eu lieu qu'aux époques où il n'espérait pas partager le pouvoir, sont loin de pouvoir couvrir ses votes ministériels et trop souvent serviles; et, d'un autre côté, son monarchisme mitigé, ne convenant pas à un parti qui traduit le mot royauté par ceux de pouvoir absolu, M. le comte Beugnot a dû se trouver, et s'est trouvé en effet, sans appui et sans importance, relégué sur les banes des doctrinaires. Nommé pair de France, in petto, sous le ministère Pasquier, l'ordonnance qui le portait à la chambre haute resta dans les cartons comme non avenue. M. Beugnot ne figure plus aujourd'hui sur la scène politique. On ne retrouve son nom que dans l'Almanach royal, à son rang alphabétique, parmi ceux des ministres d'État membres du conseil privé.

Une pareille chute, car on ne peut appeler autrement le changement de position de M. le comte Beugnot, a fait douter à plusieurs critiques qu'il fût doué de talens véritables; au moins ne peut-on guère lui en attribuer d'après ses actes publics; peutêtre aussi les a-t-il affaiblis par l'usage qu'il en a fait, en servant tour à tour les partis (celui de la terreur excepté), et en poussant à l'excès la flatterie en plus d'une occasion. J'ai déjà rapporté ce qu'il disait du consul Bonaparte, dans son discours d'installation à la préfecture de Rouen. En 1811, chargé de présenter à Napoléon, empereur, l'hommage du collége électoral de la Haute-Marne, il lui adressait ces paroles « Sire, quels vœux pourrions-nous apporter aux pieds de Votre Majesté? nul autre que celui que nos pères apportèrent aux pieds de Louis XII: que le ciel conserve votre personne sacrée pour le bonheur de ses peuples et l'exemple des rois! Mais Napoléon, qui se connaissait en hommes, pouvait-il estimer beaucoup celui qui le flattait ainsi? ou faut-il croire qu'en effet il tint de lui le propos suivant, qui a été dans le temps regardé comme certain: «M. Beugnot est de haute stature, et je suis de petite taille ! je ne sais pas comment cela se fait, mais lorsque M. Beugnot me parle je suis forcé de me baisser si je veux entendre ce qu'il me dit. »

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A la restauration, il ne mit aucun délai à changer de bannière, et chercha à se signaler en encensant la royauté, qualifiant la puissance impériale d'usurpation. Sous се nouveau régime il se

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plaça sur la limite de deux partis, et bientôt déchu du pouvoir, dans l'exercice duquel il n'avait rien fait qui annonçât une capacité reelle, il chercha en vain à y remonter en frappant, comme on dit, à toutes les portes (1). N'étant plus rien, et voulant être quelque chose, il ne dédaigna pas, dit-on, de prêter sa plume à la défense des projets financiers de M. de Villèle. On lui attribue plusieurs articles du Moniteur où ces projets sont présentés comme des chefs-d'œuvre, et où l'on assure que leur application doit produire des résultats aussi solides que brillans. On ajoute que M. Beugnot riait lui-même avec ses amis du peu de fonds de ces articles, qui n'avaient pas exigé de grands frais de science ni de génie.

Homine d'esprit, mais doué de peu de connaissances solides, cherchant à y suppléer par une grande flexibilité de principes, et surtout d'affections politiques, plus que médiocre dans l'administration, tel a paru M. le comte Beugnot.

DANDRÉ OU D'ANDRÉ

(L. J. C.).

Si la police se réduit à de sourdes menées, à de l'espionnage, à entretenir des intelligences et des

(1) M. Beugnota, dans cet intervalle, occupé la place de directeur-général de la caisse d'amortissement: il y a été remplacé, au mois de juillet 1818, par M. Jules Pasquier, frère du ministre de ce nom.

correspondances secrètes; enfin à user, pour le soutien d'un parti, de ce genre de moyens dont la clandestinité fait toute la force. Dandré a fait longtemps et assez bien la police, en ce sens, dans l'intérêt d'un prince alors proscrit; mais il a cessé entièrement de se montrer utile et capable en cette partie dès qu'il en a été ostensiblement chargé.

Dandré peut être compté au nombre de ces hommes qui sont moins quelque chose par euxmêmes que par l'influence de certaines circonstances, jouant un rôle important à une époque, et tombant, après un période plus ou moins long, dans une nullité complète. Il leur faut une position donnée, hors de laquelle ils ne peuvent rien. Dandré la trouva dans l'Assemblée constituante, où montrant à la fois du zèle pour l'établissement d'une sage liberté, et une vive opposition contre les excès révolutionnaires, il acquit un assez haut degré de considération et d'influence.

Son entrée dans la carrière politique se vit marquée par une pleine adhésion aux premiers mouvemens de la révolution. Il était né aux environs de la ville d'Aix en 1759. Nommé par la noblesse de la sénéchaussée d'Aix député aux États - Généraux, il fut du nombre des quarante - trois membres de cet ordre qui vinrent se réunir au tiers - état le 29 juin 1789; il siégea d'abord au côté gauche de l'Assemblée. Dandré se prononça fortement dès lors en faveur des principes qui décidèrent, au 14 juillet suivant, le grand mouvement populaire

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