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qui se manifesta à Paris, et dont la commotion, semblable à celle que produit l'étincelle électrique, se fit sentir à la fois sur tous les points de la France. En partageant l'enthousiasme universel qu'excitèrent les premiers élans vers la liberté, Dandré crut, comme plusieurs autres, que la réformation des abus et des institutions vicieuses de l'ancien régime pouvait être opérée avec modération et sans secousses, et que les hommes d'une opinion semblable à la sienne suffisaient pour empêcher un entraînement trop fort et trop dangereux. Il se prononça en conséquence contre toutes les attaques envers le pouvoir, et parla en faveur de ceux qui trenipèrent dans toutes les fausses mesures prises par Louis XVI et ses conseillers.

Dès les premières séances de l'Assemblée constituante, on l'entendit s'élever contre les dépenses inutiles portées dans l'état des besoins. Il se chargea de présenter à l'Assemblée, au nom du parlement d'Aix, dont il était membre, l'adhésion de ce corps. aux maximes professées par les nouveaux législateurs sur l'organisation judiciaire. Il fit partie, avec Rewbel et Pétion, du Comité de recherches créé par le décret du 28 juillet 1789.

Nommé, en décembre suivant, commissaire du roi pour présider aux délibérations du conseil municipal de Toulon, lors des troubles élevés à l'occasion d'Albert de Rioms, il sauva cet officier-général, entièrement dévoué au service du roi, des suites dangereuses que devait avoir pour lui son imprudente conduite.

Dandré quitta cette place en février 1790, pour rester membre de l'Assemblée, où il revint, le 16 mars suivant, prêter le serment civique exigé de tous les fonctionnaires. Six mois après, il prit la défense du nommé Muscard « poursuivi, disait-il, par le ministre de la guerre à cause de l'attachement de ce sous-officier du régiment de Vivarais pour la révo– lution. »

La première occasion où Dandré se soit élevé contre les mouvemens insurrectionnels fut la prise des forts de Marseille par le peuple au mois d'avril 1790. En annonçant cet événement à l'Assemblée, il blâma fortement la conduite trop faible de la municipalité et de la garde nationale, et demanda qu'on suspendît les démolitions déjà commencées. Dans le mois de juillet suivant, il parla contre l'autorisation donnée par le ministre Montmorin au passage sur le territoire français des Autrichiens qui se rendaient en Belgique, et accusa le marquis de Bouillé d'avoir sollicité cette autorisation. Par un motif contraire, il devait défendre, en 1791, ce même marquis de Bouillé dans l'affaire de la fuite de Louis XVI, et voter contre la mise en jugement de ceux qui l'avaient secondée. Le 1er août 1790, Dandré fut nommé président de l'Assemblée. Il se plaignit avec force de l'impuissance des lois contre les libelles, et donna l'ordre d'arrêter Camille-Desmoulins pour son ouvrage intitulé Révolutions de France et de Brabant, dans lequel ce fougueux révolutionnaire, qui prenait le titre de Procurcu-général de la lanterne, menaçait haute

ment de l'insurrection populaire ceux des députés qui votaient pour la création de deux chambres, et pour la sanction absolue.

Vers la même époque, nommé membre du comité diplomatique, il fit connaître la nature de ses vues relativement à la politique extérieure, en appuyant les projets tendant à consolider les traités existans entre la France et l'Espagne, et en votant pour l'armement en faveur de cette puissance.

Bientôt deux événemens funestes mirent de nouveau en évidence les sentimens et les opinions politiques de ce législateur. Lors de la nouvelle des événemens de Nancy (31 août 1790), le peuple de Paris, outré de la répression sanglante des mouvemens opérés dans la première de ces villes, forma des rassemblemens dans le jardin des Tuileries, sous les fenêtres mêmes de l'Assemblée, et la plupart ne craignirent pas d'adresser aux députés, qu'ils savaient opposés à leurs excès, des insultes et des menaces. Dandré, qui en était principalement l'objet, demanda qu'ils fussent poursuivis devant les tribunaux, déclarant reconnaître pour ennemis, de la révolue tion ceux qui s'efforçaient d'allumer la guerre civile, de quelque masque qu'ils se couvrissent. Peu de mois après, quand l'assemblée eut été instruite de la mort tragique de l'avocat Paschalis, qui avait prêché hautement la contre-révolution, il ne craignit pas de s'avouer l'ami de cette victime de la fureur populaire, attaqua Mirabeau comme auteur des troubles qui y avaient donné lieu, et enfin provoqua (20

décembre 1790) le renvoi au Comité des recherches d'une lettre qu'il avait écrite à Paschalis, et qui fut trouvée dans les papiers de cet avocat après sa mort. Il demanda qu'il fût examiné s'il n'y avait pas lieu à accusation contre lui. L'assemblée ne répondit à cette demande qu'en lui accordant, pour la seconde fois, les honneurs de la présidence.

Dandré continua à tenir la ligne de modération qu'il s'était tracée, toujours appuyant les réformations et les mesures libérales de l'Assemblée, toujours protégeant ceux qui se compromettaient par leurs tentatives pour ce qu'on appelait les intérêts de

la cour.

C'est ainsi qu'on le vit se prononcer dans les discussions de l'Assemblée relatives à la constitution civile du clergé, à la résidence des évêques et à celle des membres de la famille royale. Dans cette dernière, il demanda le rappel à l'ordre de Cazalès pour sa déclaration en faveur du droit illimité que le roi, selon lui, devait avoir de fixer le lieu de sa résidence; en même temps Dandré s'éleva contre l'arrestation à Arnay-le-duc (24 février 1791), des tantes de Louis XVI, qui se rendaient en Italie, et proposa de déclarer cette arrestation illégale. Un décret de l'Assemblée sanctionna cette tentative d'évasion, qui n'était que le prélude de celle du roi. Au mois d'avril suivant, il défendit l'émigration, et s'opposa aux projets présentés pour la prévenir, s'appuyant sur la déclaration du comité, que les mesures proposées sur cet objet étaient inconstitutionnelles.

Bientôt, tout en donnant un gage de libéralisme, en appuyant le principe de la liberté des cultes consacré dans un arrêté du département de Paris, et dont il invita Sieyes à expliquer les motifs, Dandré prit la défense du ministre Montmorin, accusé au sujet de la réunion de quelques troupes étrangères vers Porentruy, réunion qui coïncidait avec un voyage projeté du roi à Saint-Cloud. En même temps il s'opposa fortement au projet de permettre aux militaires d'assister aux séances des sociétés populaires.

L'Assemblée l'appela une troisième fois à la présidence (9 mai). La fuite et l'arrestation du roi, qui eurent lieu le mois suivant, permirent à Dandré de relever encore l'éclat du rôle qu'il n'avait cessé de jouer. Il s'empara de cette affaire, chercha à satisfaire l'opinion en demandant, le 21 juin, que tous les décrets rendus par l'Assemblée après la fuite du roi eussent force de loi, que les scellés fussent apposés aussitôt sur les appartemens des Tuileries et du Luxembourg, et que l'on chargeât trois commissaires, parmi lesquels il sût se faire nommer, de se transporter de suite auprès du roi et de la reine pour recevoir leurs déclarations. Ce fut lui qui rendit compte de cette mission à la séance du 27 juin. En juillet, voyant une partie de l'Assemblée disposée à profiter de la circonstance pour essayer de changer la forme du gouvernement, il n'hésita pas à appuyer la mesure de suspendre l'autorité exécutive dans les mains du roi, jusqu'à ce que ce prince

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