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La campagne de 1743 se suivit, faute de pouvoir mieux faire, sur le plan des campagnes précédentes. Nos armées revinrent sur le Rhin.

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Mais les années 1744 et 1745 amenèrent des prodiges; l'armée française, épuisée par des conquêtes meurtrières, et que l'on croyait anéantie, reparut comme par enchantement. Louis XV sembla sortir de son apathie il se rendit au camp, accompagné de son conseil, et de la duchesse de Châteauroux (1).... Lors de la maladie du roi, à Metz, en août 1744, les princes du sang chargèrent le comte d'Argenson du renvoi de madame de Châteauroux et de sa sœur. Il s'en acquitta avec une sévérité qu'elles ne lui pardonnerent jamais.............

La victoire fut ramenée sous des drapeaux qu'elle avait trop long-temps abandonnés. Les deux frères d'Argenson furent regardés comme étant les deux moteurs de ce grand réveil de la France. Le ministre de la guerre, qui avait pourvu l'armée de tout ce qui pouvait faciliter la guerre de campagne et de siége, accompagna son souverain à la prise de Menin, Ypres, Furnes et Fribourg.

» L'année 1745 fut marquée par un des plus brillans faits d'armes que la France compte dans ses annales... Les deux ministres du nom de d'Argenson se trouvèrent avec Louis XV à la journée de Fonte

(1) La duchesse et le ministre de la guerre avaient déterminé le roi à se mettre à la tête des armées.

noi. M. de Voyer, fils aîné du comte d'Argenson, -chargeant la colonne anglaise, à la tête du régiment de Berri, fut pendant deux heures tenu pour mort par son père (1). Huit canons anglais, pris à cette bataille, furent donnés par le roi au ministre de la guerre, en récompense de ses services...

» D'Argenson s'associa par ses talens à la gloire des guerriers. Par sa fermeté et sa prudence, il fit succéder la discipline au désordre, la confiance au découragement (2).

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Après huit ans d'une guerre ruineuse pour tous les princes guerroyans, on signa à Aix-la-Chapelle, le 28 octobre 1748, un traité de reconnaissance de Marie-Thérèse et du duc de Toscane, son mari. Frédéric y gagna la Silésie et le comté de Glatz. Quant à la France, elle se contenta de ses lauriers, et ne réclama rien, ni pour le sang de ses héros ni pour ses trésors, répandus sans fruit dans une querelle qui lui était ou lui devait être étrangère.

(1) D'Argenson, qu'enflammaient les regards de son père,
La gloire de l'État, à tous les siens si chère,
Le danger de son roi, le sang de ses aïeux,
Assaillit par trois fois ce corps audacieux,
Cette masse de feu qui semble impénétrable :
On l'arrête, il revient, ardent, infatigable;

Ainsi qu'aux premiers temps, par leurs coups redoublés,
Les béliers enfonçaient les remparts ébranlés.

(2) H. de la Porte.

VOLTAIRE, Poème de Fontenoi.

des

Les institutions militaires occupèrent ensuite d'Argenson. On lui devait déjà la formation du corps Grenadiers de France; il créa une école militaire, et régla l'institution d'une noblesse militaire, acquise de droit à tous ceux qui parviendraient au grade d'officiers-généraux. Il fit replanter, pour les invalides, la promenade élevée devant leur hôtel, et lui donna le nom de Champs-Élysées.

Dès 1749, il avait réuni au département de la guerre celui de Paris, ce qui lui donnait la direction des académies (1), et la surveillance de l'imprimerie royale, des théâtres, de la Bibliothèque du roi et des haras.

On lui dut la décoration de la place Louis XVI, la rue Royale et l'organisation régulière du guet.

Les intrigues de madame de Pompadour l'obligèrent à quitter la cour, en février 1757, malgré le goût et l'amitié que Louis XV avait pour lui; il se retira à sa terre des Ormes, sans être vivement regretté, à cause de son opposition constante aux tentatives du parlement (2).

La

· guerre était l'élément du comte d'Argenson...

(1) Il entra à l'Académie des Inscriptions en 1749, et s'y montra souvent depuis.

(2) Voici un passage de la lettre de cachet : « Votre service »> ne m'est plus nécessaire ; je vous ordonne de m'envoyer votre » démission de secrétaire-d'état de la guerre, et de tout ce qui >> concerne les emplois y joints, et de vous retirer à votre terre > des Ormes. »

Sa disgrâce fut très-sensible aux gens de lettres, dont il s'était montré constamment l'appui..... En 1751, Diderot et d'Alembert lui dédièrent l'Encyclopédie (1)... Le P. Hénault, très-avancé en âge, venait fréquemment partager sa solitude. Voltaire y passa quelques jours, et Marmontel a laissé une relation circonstanciée de la visite qu'il y fit (2).

>>

Son exil avança le terme de sa carrière; et quand il revint à Paris, après la mort de madame de Pompadour, en 1764, ses yeux étaient éteints, et les souffrances cruelles de la goutte tourmentaient tous ses instans. Il mourut le, 22 août, laissant deux fils d'Anne Larcher, sa femme.

« Aux lumières de son frère aîné le comte d'Argenson joignait des formes qui le rendaient plus propre à se maintenir à la cour. Doué d'une figure agréable, d'un abord prévenant, d'un esprit orné; ayant une conception prompte, une conversation animée, enfin une facilité de caractère qui se pliait aux circonstances, mais ne se relâchant en rien de la ténacité de ses vues, il fut regardé comme un des hommes les plus aimables et les mieux organisés de son siècle (3). »

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Sans avoir un grand talent comme littérateur, on ne peut lui refuser de la grâce dans l'esprit, beaucoup

(1) Deux mois après son exil, le parlement condamna l'Encyclopédie a être brûlée par la main du bourreau.

(2) H. de la Porte.

(3) Idem.

de connaissances, et une élocution facile et brillante. On lui reproche, pendant son ministère de la guerre, d'avoir cherché à étendre son département aux dépens de celui de la marine; d'avoir créé une foule d'officiers-généraux, onéreux à l'État, pour avoir l'occasion de donner ce grade à son propre fils; d'avoir obéré les finances de la nation pour procurer d'immenses fortunes à ses créatures ; enfin, d'avoir toléré et même favorisé les excès de sa famille (1).

BERRYER DE RAVENOVILLE
(NICOLAS-RENÉ).

Ce lieutenant-général de police n'avait pas un nom décoré, comme celui de son prédécesseur, de ceux de plusieurs seigneuries, et la noble particule ne le précédait pas. Il naquit tout bonnement d'un procureur-général du grand conseil.

Il était conseiller au parlement (2) et maître des requêtes quand son père lui fit épouser, en 1738, une fille du sous-fermier Fribois, qui lui apporta une fortune assez considérable.

Mademoiselle Fribois, belle, aimable, spirituelle, ambitieuse d'honneurs, procura à son mari une partie des emplois élevés qui lui furent confiés plus tard. L'intendance du Poitou étant à donner en 1743, elle la demanda et l'obtint. Bientôt après, en 1747,

(1) Saint-Edme, Dict. de l'hist. de France. (2) Depuis le 51 janvier 1731.

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