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ploitait au moment de la révolution. I la vendit bientôt, mais non sans éprouver quelque perte, car il en reçut une partie en valeur d'assignats, tandis qu'il l'avait payée avec du numéraire.

Comme électeur, M. Réal concourut puissamment, en 1789, à faire nommer l'abbé Sieyes un des députés de Paris.

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Son entrée aux Jacobins, commencement de sa carrière politique, qui la détermina peut-être, mérite d'être rapportée.

M. Réal avait rédigé le projet de création d'une Académie de l'histoire de France. Son intention était de réunir en société les hommes les plus propres écrire l'histoire, non des rois, mais du peuple.

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Quelques amis, entre autres Millin, avaient eu connaissance de ce projet. On convint de se réunir pour le soumettre à l'examen.

Une réunion eut lieu chez le marquis de Villette. On s'occupait déjà de le discuter, lorsque M. Noël (1) arriva, et fit suspendre la discussion pour occuper l'assemblée d'une brochure qu'on venait de publier: c'était une pétition censément présentée à l'Assemblée nationale par les artistes de l'Opéra. M. Noël la lut en entier, et l'on s'en amusa beaucoup (2).

(1) Aujourd'hui un des inspecteurs de l'Université.

(2) En voici le titre exact : Pélition de l'Académie royale de Musique à l'Assemblée nationale; avec cette épigraphe : Nova ́sint omnia corda voces et opéra, ainsi traduite : Victimes de la

Chacun l'attribua à l'homme d'esprit qu'il connaissait le mieux, ou qu'il croyait le plus capable de répandre dans un aussi petit écrit autant de saillies piquantes, autant de tact, de finesse et de goût.

Jeune, entraîné par des éloges qui ne pouvaient avoir pour but de le flatter, puisqu'on ignorait qu'il en fût l'auteur, et l'amour-propre doucement chatouillé par l'opinion de pareils juges, M. Réal avoua que sa plume avait tracé cet opuscule.

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Quoi! s'écria aussitôt M. Noël, cette jolie brochure est de vous, et vous n'êtes pas de la société des Jacobins ! »

Et les académiciens futurs se séparèrent, et M. Noël conduisit M. Réal à sa société, et le jeune Jacobin commença sa carrière politique.

Lors du retour de Varennes (25 juin 1791), cette société s'occupait des affaires publiques; mais il ne s'agissait pas encore pour elle de disputer la puissance: elle se composait à cette époque de propagateurs et de défenseurs des principes.

Le 3 juillet suivant, jour où l'on devait traiter des questions relatives au trône, dans des discours préparés par plusieurs orateurs, Billaud-Varennes précéda M. Réal à la tribune.

Billaud, avec sa perruque plate et son teint blême,

plus cruelle injustice, nous vous adressons nos CRIS; qu'une fois du moins nos paroles soient entendues.

ne disposait pas favorablement ses auditeurs. Jusqu'à ce moment il avait parlé avec assez d'adresse pour dissimuler le fond de ses pensées.

Cette fois il crut pouvoir s'expliquer avec franchise il demanda l'abolition de la royauté et l'établissement d'une république.

Des murmures lui prouvèrent aussitôt qu'il s'était trompé sur l'esprit qui dirigeait alors la société. Le mécontentement alla même si loin, qu'on le fit descendre violemment de la tribune.

M. Réal s'avança alors. Un ami lui recommanda, à l'oreille, d'être plus court et surtout de prendre garde à ce qu'il allait dire.

Plusieurs des idées de M. Réal avaient quelque analogie avec celles de Billaud; mais outre que la forme pouvait permettre de les entendre, M. Réal fit sentir, en admettant la nécessité de juger le roi, que l'assemblée législative, exerçant une puissance égale à eelle du prince, et deux puissances égales ne pouvant se rendre juges l'une de l'autre, il fallait soumettre la question aux électeurs des quatre-vingt-trois départemens, et les inviter à donner leur avis sur les imputations dont le souverain était l'objet.

Le discours de M. Réal fut couvert d'applaudissemens; on en vota, par acclamation, l'impression et l'envoi dans les départemens.

Ces deux faits semblent de nature à caractériser lés jacobins des premières années de la société.

La seconde assemblée nationale vit naître trois partis : les Girondins, les Robespierristes, les Danto

nistes; M. Réal appartint au premier; aussi, les élections, alors girondines, lui devinrent-elles favorables: il fut nommé, le 17 août 1792, accusateur public près le tribunal extraordinaire, créé le même jour pour instruire sur les faits relatifs à l'événement du 10.

C'est ce tribunal que, plus tard, Fouquier - Tinville et ses substituts firent servir à leur passion pour le sang.

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Toutefois, dit M. Michaud dans sa Biographie des Hommes vivans, il serait injuste de comparer M. Réal à cette espèce de monstres qui n'avaient de l'homme que les formes extérieures. Ce révolutionnaire a beaucoup d'esprit, même un esprit agréable, et il ne semble pas appartenir à sa barbare faction... » Les auteurs de la Biographie de Bruxelles complètent ce jugement: « Quelles qu'aient été, selon nous, les erreurs de Réal à cette époque, elles ne l'entraînèrent jamais à aucun acte de barbarie; et toutes les fois que, sans trahir les intérêts de la liberté, qu'il considérait comme sacrés, il fut en son pouvoir de rendre des services, il les rendit toujours avec empressement, et s'acquit à la reconnaissance de plusieurs victimes de cette époque des droits qui ont été méconnus du moment où les services ont cessé d'être nécessaires. »

Le tribunal extraordinaire n'existant plus, les électeurs nommèrent M. Réal substitut du procureur de la commune de Paris : cette dernière magistrature était occupée par Chaumette. Elle devait être con

fiée à Chambon; mais les Cordeliers, déjà puissans, forcèrent les Girondins à une concession, et Chaumette fut choisi par préférence à Hébert. (Le père Duchesne.)

Bientôt quatre partis se présentèrent le combat: ceux de Brissot et de Vergniaud, ceux de Danton et de Robespierre. Vainqueurs dans la lutte, le 31 mai, Danton et Robespierre usèrent de la victoire sans mesure ils proscrivirent les Brissotins, les Girondins, et avec eux des députés qui ne leur appartenaient pas, tels que Lanjuinais et Henri Larivière ; ils envoyèrent dans les prisons de Paris treize cents victimes choisies parmi les vaincus.

et

A l'approche de ces événemens, M. Réal sentit que sa position allait devenir fort embarrassante, il se fit envoyer en mission, pour les subsistances, dans le département de la Seine-Inférieure. Sans cet éloignement on l'eût infailliblement incarcéré.

On a dit que M. Réal s'était dévoué à Danton; qu'il l'avait aidé, par des motions et par des adresses, dans cette dernière circonstance: on l'a dit, afin de justifier les reproches qu'on a prétendu lui avoir été adressés par des républicains purs. Ces accusations graves sont dénuées de fondement; et ce qui le prouve, c'est que M. Réal était déjà en prison au Luxembourg lorsque Danton y fut envoyé. Au surplus, en supposant que ces allégations fussent vraies, ce qui l'excuserait de reste aux yeux de l'écrivain impartial, c'est que, quand on était venu, quelque temps auparavant, réclamer son témoignage contre

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