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qu'elle gardait depuis quatre jours, pour applaudir à la nomination de M. Debelleyme (1).

» Si nous sommes bien informés, M. Debelleyme ne serait pas le candidat que tout le ministère eût préféré, il n'aurait pas été nommé d'un accord unanime.

» M. Debelleyme est intimement lié avec M. Delavau ; il partage la plupart de ses principes. Il était naguère simple juge d'instruction à Versailles; il a fait rapidement son chemin, à une époque où les ennemis des jésuites n'obtenaient guère de succès.

» Il aura une prochaine occasion de montrer s'il compte marcher d'accord avec eux ou se séparer de leur cause : leurs plus fidèles serviteurs sont en force dans les bureaux de la préfecture de police; ils encombraient le mystérieux cabinet de M. Delavau : celui-ci, avant de quitter son poste, a partagé entre eux les principales places de la préfecture. Si son successeur les y conservait, ce serait un indice, malgré toutes protestations contraires, de la continuation du même esprit, sous le voile d'une modération qui n'en imposerait pas long-temps.

Voir page 182.

DECAZES.

D

(1)« Tous les royalistes applaudiront à la première nomi>> nation faite par le ministère. Le choix de M. de Belleyme >> pouvait seul les consoler de la perte de M. Delavau. »

DELAVAU

(GUY).

Une société soi-disant religieuse, mais n'ayant pour unique mobile qu'une ambition toute mondaine et pour but que de s'emparer des emplois, parut au grand jour, il y a quelques années, sous le nom de Congrégation. Elle avait existé obscurément sous l'empire, s'était recrutée considérablement depuis la restauration, et enfin, sous un ministère de fraude et d'oppression, à qui restera la dénomination justement appliquée de déplorable, les membres de la congrégation, les jésuites de robe longue et de robe courte (car ils ne craignirent plus de se nommer) virent arriver le moment de leur triomphe.

C'est à cette époque que M. Delavau entra dans l'administration. Une ordonnance du 20 novembre 1821 le nomma préfet de police en remplacement du comte Anglès. La même influence à laquelle il devait cet emploi l'avait précédemment fait nommer conseiller à la Cour royale de Paris. Il s'était déjà distingué en cette dernière qualité dans le jugement de plusieurs causes politiques, notamment en 1820, où il présidait les assises: il ne cessa pas un moment de donner des marques de son dévoûment au parti qui l'avait fait quelque chose. Ce parti, en effet, avait accueilli M. Delavau n'ayant dans le monde qu'un état à peu près nul. Les concierges

des prisons de Paris se rappellent encore les fréquentes visites d'un mince avocat qui, avec plusieurs autres, exploitait la mine plus féconde que glorieuse des affaires criminelles et correctionnelles. Né dans le département de Maine-et-Loire vers 1787, M. Dclavau avait été reçu avocat en 1810, et ce fut quelques années plus tard que, parvenu à l'âge où l'ambition commence à s'emparer de l'homme, il ne se refusa pas à devoir son avancement aux bons offices d'une société dans laquelle il crut voir sans doute les principes qui lui paraissaient les meilleurs.

Mais ces principes, quels qu'ils fussent, ne produisirent dans l'application qu'en fit M. Delavau que des conséquences funestes. En harmonie avec l'esprit de l'administration générale de cette époque, il favorisa, dans la partie qu'il gérait, le système dangereux de rechercher les principes religieux de ceux qu'il employait. C'était un appel aux hypocrites; ils accoururent. La police, qui, jusque-là n'avait pas grande considération à perdre, tomba encore plus avant dans le mépris public.

Je n'entrerai pas dans le détail des actes qui signalèrent l'administration de M. Delavau comme préfet de police. Les faits sont trop récens, et leur publicité, augmentée par plusieurs débats devant les tribunaux, ne laisse rien à dévoiler. Qui ne se rappelle les troubles fréquens excités et favorisés par ceux qui devaient les prévenir, le déploiement de la force armée dans plusieurs occasions où non seulement cette sorte d'agression était sans motif

d'utilité, mais prenait même, dans les circonstances où elle avait lieu, un caractère odieux du ridicule ? Les massacres de la rue Saint-Denis au mois de novembre 1827 suffiraient seuls pour condamner au tribunal de l'opinion publique une administration qui n'eût été qu'imprévoyante et mal habile.

Si l'on considère l'état de la police de sûreté sous M. Delavau, on le trouve aussi déplorable que celui de la police de parti. Celle-ci sans doute absorbait tous les momens ou toutes les facultés de M. le préfet, car on vit, pendant sa gestion, l'audace des malfaiteurs portée à un point qui rappelait les temps anciens où nos bons aïeux étaient obligés de se coucher avec le soleil sous peine de la vie. Dans les derniers mois de 1826, on ne pouvait parcourir les rues de Paris, même avant l'heure de la sortie des spectacles, sans s'exposer à être arrêté par des voleurs qui ne se bornaient pas toujours à dépouiller ceux qu'ils attaquaient. Bien qu'on ait peut-être exagéré le nombre ́de ces attentats, il est certain qu'ils se renouvelèrent assez fréquemment pour imprimer une terreur générale.

On a eu lieu de se plaindre aussi de M. Delavau sous le rapport de la salubrité et de la propreté de la capitale, dont presque toutes les rues restèrent longtemps inondées et encombrées d'immondices. En revanche d'une pareille négligence pour les choses essentielles, M. Delavau chercha à montrer du zèlé en certains points peu importans; il prit, à cet effet, des mesures ridicules en elles-mêmes et vexatoires

pour ceux qu'elles concernaient. De ce nombre est l'ordonnance qui oblige les cochers de fiacres à revêtir un uniforme gris.

En résumé, M. Delavau paraît avoir été parfaitement à sa place dans l'organisation administrative qui devait appuyer les projets désastreux du ministère Villèle: il s'est donc montré digne d'être l'ami, le protégé et le subordonné de M. Franchet (1), au nom duquel le sien a presque toujours été joint dans les plaintes nombreuses élevées contre les entreprises du parti jésuitique.

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On trouve encore le nom de M. Delavau parmi ceux de MM. les conseillers d'Etat en service ordinaire, autorisé à participer aux délibérations du conseil (2) il est officier de la Légion-d'Hon

neur.

(1) « Lorsque M. de Corbière arriva au ministère dirigeant, » après avoir été ministre sans fonctions, la direction générale » de la police créée au ministère de l'intérieur fut supprimée >> par une ordonnance du 9 janvier 1822; mais il fut créé un » directeur de la police. M. Franchet, d'après l'ordonnance, ne » devait que transmettre les décisions et instruire les affaires. >> Bientôt ce modeste directeur fut plus puissant que le minis>>> tre; il réunit à ses fonctions celles de directeur-général de la li» brairie ; il dictait ses décisions souveraines et absolues à M. De»> lavau, qui venait chez lui prendre le mot d'ordre trois fois par » jour. Il délivrait sous sa seule signature des ordres d'accusa» tion et de bannissement de France. » Courrier français du 8 janvier 1828.

(2) Une ordonnance récente vient de reléguer M. De

« EelmineJätka »