Page images
PDF
EPUB

nement le choix de son maître. Il remplit ses fonctions avec toute la vigilance, le zèle et la dextérité qu'y pouvait apporter un subalterne sachant obéir; mais diriger, prévenir, découvrir autre chose que ce que ses agens fabriquaient, tout cela passait les vues et la capacité de M. le juge Pasquier. Cependant il se fût créé peut-être, comme tant d'autres, une réputation d'habileté, si la fortune, juste quelquefois, n'eût amené l'événement le plus propre à démentir pour toujours tout éloge de prévoyance et de perspicacité qui eût pu être adressé à M. le baron préfet de police.

Deux ans après l'entrée en fonctions de M. Pasquier, Napoléon ayant été à l'autre extrémité de l'Europe préparer sa ruine, trois généraux français se proposèrent de la compléter par un coup de main sur Paris. Détenus pour une première tentative de ce genre, Malet, Lahorie et Guidal n'en conspiraient pas moins du fond de leurs prisons. Jusque-là un prisonnier avait borné son ambition présente à opérer son évasion: Malet tramait à la maison de santé

»tère de bassesse et de duplicité, ne lui ayant répliqué que par » de nouvelles protestations d'un zèle et d'un dévouement sans >> bornes, Napoléon ajouta: Mais enfin si vous étiez instruit qu'un Bourbon fût caché dans Paris, que feriez-vous? — Mon devoir, » sire; je n'hésiterais pas un moment à le faire arrêter, et votre

[ocr errors]

» majesté n'en serait instruite que lorsque la loi serait exécutée.

[ocr errors]

A la bonne heure, reprit Napoléon, soyez donc préfet de

» police. ›Et le même jour, le personnage fut nommé.. » '

de Belhomme, où il était gardé à vue par des espions de la police, non-seulement sa délivrance et celle de ses deux collégues, mais le renversement du gouvernement impérial, dont il devait commencer par mettre en son pouvoir les hauts fonctionnaires. Ce hardi projet, que Napoléon appela plus tard une débauche politique, s'exécuta presque complétement. Le préfet de police se vit cerné dans son propre hôtel et se réfugia, dit-on, dans les commodités, où il fut pris sans résistance. On le conduisit à la Force le 13 octobre 1812. Il se résigna à la prison le plus honnêtement du monde, et demanda seulement à prendre chez un apothicaire voisin un médicament cordial. Le meilleur pour lui, sans doute, fut de voir son amour-propre sauvé par la rencontre, dans la même prison, de son chef Savary, ministre de la police, également saisi chez lui par les conspirateurs, et emprisonné. Cette seule circonstance de la vie de M. Pasquier témoignera toujours contre les prétentions d'un homme qui, chargé exclusivement de la sûreté de la capitale, ayant en main tous les moyens de surveillance, et la force publique à ses ordres, ne sait pas garantir sa propre personne des tentatives de ceux que ses agens environnaient spécialement.

Est-ce assez, pour payer une pareille impéritie, du ridicule qui couvrit alors les chefs de la police, et des reproches trop mérités dont l'empereur accabla, à son retour, son préfet Pasquier? Napoléon, par les causes que j'ai indiquées plus haut, au lieu de le destituer honteusement, le continua dans le même

emploi, et lui fournit ainsi les moyens de rendre en 1814, sa défection profitable.

On assure que, dès le moment où M. Pasquier vit chanceler le trône impérial, il se prépara de tous côtés des intelligences, et noua des intrigues pour se rendre nécessaire à ceux dans les mains desquels allait passer le pouvoir. Au moins est-il vrai que les 5 et 15 avril 1814, il fit insérer, dans le Journal de Paris et dans celui des Débats, des lettres que leur style, si différent de celui qu'avait jadis employé l'humble créature de Napoléon, rendait aussi peu honorables pour l'ex-préfet que sa translation à la Force. M. Pasquier en recueillit d'abord son entrée au conseil-d'État du roi, et le 22 mai suivant sa nomination à la direction des ponts et chaussées, qu'il conserva jusqu'au retour de Napoléon en 1815. Voici ce qu'on lit dans les Mémoires du duc de Rovigo relativement à la conduite de M. Pasquier lors de la crise du mois de mars 1814: « Je fis venir le préfet de police M. Pasquier; après lui avoir donné connaissance de l'ordre que j'avais reçu (pour aller rejoindre l'impératrice), je le chargeai de rester à Paris et lui communiquai tout ce que je pressentais devoir être la suite d'une décision contre laquelle je m'étais vainement élevé. Je ne lui cachai pas que je ne m'abusais point sur la grandeur du mal; qu'on allait tenter de déplacer le pouvoir; qu'indubitablement on s'adresserait à lui pour le faire concourir à cette entreprise ; je l'engageai à se tenir sur la réserve, et surtout à se rappeler son devoir, qu'un homme d'honneur ne méconnaît jamais. » M. le

[ocr errors]

duc déclare plus bas qu'il n'a pas cessé d'avoir une haute opinion de M. Pasquier, malgré tout ce qui est arrivé.

Pendant les cent jours, M. Pasquier n'osa ou ne put (s'il en faut croire certains biographes), malgré ses actives démarches et ses protestations nouvelles de fidélité à son ancien maître, obtenir aucun emploi. Il ne suivit point le roi à Gand, et attendit dans l'obscurité l'issue des événemens. Son délaissement momentané devint pour lui un titre à l'obtention de faveurs et de dignités plus hautes qu'il n'eût osé l'espérer. Elles furent si multipliées, et M. Pasquier arriva si souvent au pouvoir, pendant plusieurs années, qu'on le surnomma l'inévitable. La longue série de ces faveurs commença par sa nomination aux fonctions de garde-des-sceaux et de ministre de la justice, le 8 juillet 1815. Remplacé, le 27 septembre, par M. Marbé-Marbois, on peut rejeter sur le défaut de temps la nullité de son administration à cette époque.

Il entra, à la même époque, comme député, dans la chambre introuvable, et s'y montra l'apologiste et le défenseur zélé des projets ministériels. Il vota, il est vrai, contre la détention indéfinie des prévenus de crimes et délits politiques, mais il est permis, d'après toutes les apparences, de penser que les auteurs de la loi du 29 octobre, suspensive de la liberté individuelle, n'avaient eu en vue, en dépassant le but, que d'obtenir ce qui leur fut accordé. On voit ensuite M. Pasquier, rapporteur de la loi sur les cris et les

écrits séditieux, s'attacher à en démontrer l'urgence; puis voter pour l'établissement des cours prévôtales, en éloignant toutefois la rétroactivité ; parler ensuite en faveur de la loi du 12 janvier 1816, qui porte le mot amnistie dans son intitulé et dans son article premier; se prononcer enfin pour le renouvellement partiel dans les élections.

Dans cet intervalle, M. Pasquier fut nommé commissaire-juge pour la liquidation des créances des sujets des puissances étrangères.

Réélu à la chambre de 1816, il y parla et vota comme dans la précédente session, et obtint les honneurs de la présidence, dont il exerça les fonctions. jusqu'en 1817.

A cette époque (19 janvier), on l'appela de nouveau au ministère de la justice. Il y resta jusqu'au 29 décembre 1818: pendant ces deux années, la France fut administrée exceptionnellement, le sang fut répandu à Lyon et dans les départemens circonvoisins. Excepté sa coopération aux actes du ministère dont il faisait alors partie, M. Pasquier ne se fit remarquer que pour avoir pris deux fois la parole à la tribune. Il défendit l'administration de son collègue Corvetto, et proposa l'ordre du jour sur la pétition des étudians en droit, en disant: Le gouver-, nement a fait tout ce qu'il devait faire; l'ordre judiciaire, le pouvoir administratif, tout le monde a fait son devoir. »

Lorsque, par l'effet de la loi du 5 février 1817 et de l'ordonnance du 5 septembre, qui en réglait l'exé

« EelmineJätka »