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Souple et ruse! on peut le croire, car M. Desmarets a long-temps été une espèce de factotum à la police. A vues courtes! il y en a qui prétendent que ce sont les meilleures, cela soit dit sans blesser personne.

La révolution, qui bouleversa tant d'existences, fit changer grand nombre de vocations. Témoin M. Desmarets, qui, après avoir fait ses études au collége Duplessis, se destinait à l'état ecclésiastiquè sans les événemens de 1789, il serait peut-être aujourd'hui dans quelques-unes de nos paroisses. Il devait en être autrement, et au lieu de faire ses premiers pas dans le monde avec une soutane, il embrassa avec ardeur le parti de la révolution, et entra dans une administration militaire dont les intérêts le conduisirent en Suisse. Il y épousa une demoiselle de Neufchâtel.

Revenu à Paris, M. Desmarets fut recommandé à Fouché par un fournisseur de l'armée, nommé Morin. C'était au moment de l'arrivée de Fouché au ministère de la police, en 1799. Cette recommandation ne fut pas inutile à M. Desmarets qui, peu de jours après l'installation du nouveau ministre, fut appelé à la place de chef de division de la haute police d'État, en remplacement de M. Tissot.

M. Desmarets convenait à son emploi. Il avait une mémoire imperturbable, une grande perspicacité, beaucoup de tact, et le talent de faire des questions insidieuses: toutes ces qualités le rendaient propre

à devenir un des grands officiers du nouveau saintoffice.

Lorsque son protecteur et son patron, Fouché, fut tombé dans la disgrâce de Napoléon, M. Desmarets s'arrangea fort bien avec le général Savary, son nouveau chef. Aussi le duc d'Otrante en a-t-il conservé quelque rancune. Il parle ainsi, dans les Mémoires qu'on lui attribue, de son successeur et de M. Des

marets:

Je présentai à Savary et lui recommandai de tout cœur les principaux agens et employés que » j'avais sous mes ordres; il n'accueillit que le caissier, personnage rond, et le petit inquisiteur Des» marets, dont je m'étais défié. Cet homme, doué >> d'un certain tact, s'était courbé vers le soleil levant »par instinct; ce fut pour Savary une vraie cheville » ouvrière. Rien de risible comme de voir ce ministre » soldatesque donner des audiences, épelant la liste » des solliciteurs, confectionnée par les huissiers de » la chambre, avec les notes de Desmarets en regard; » c'était le guide-âne pour les accueils ou pour les » refus, presque toujours accompagnés de juremens ⚫ ou d'invectives. »

Le petit Desmarets, comme l'appelle Fouché, devint le bras droit de Savary. A l'époque de la conspiration Malet, il fut arrêté dans son lit et conduit à la Force.

M. Desmarets doit être l'homme de France qui connaît le mieux la police: il ne s'est rien passé d'important pendant quinze ans dans ce ministère,

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sans qu'il en ait été informé. Napoléon, qui connaissait son zèle et sa vigilance, l'employait dans des investigations particulières; il lui avait ordonné de lui envoyer tous les matins directement un bulletin

secret.

Un jour, dès le matin, M. Roussel, avocat et homme de lettres, fut enlevé du sein de sa famille, ainsi qu'une certaine malle remplie de lettres des principaux personnages de la cour de Louis XVI. Ces lettres, trouvées dans l'armoire de fer du château des Tuileries, dédaignées par la commission de la Convention nationale chargée d'inventorier les pièces existantes dans cette armoire, avaient été recueillies et conservées par M. Roussel, qui était alors secrétaire-commis de cette commission. Le vrai motif de cette arrestation doit être connu de celui qui dirigeait cette partie de la police de Paris; à l'égard du prétexte, il fut celui-ci : Le libraire Buisson publiait un ouvrage dont le manuscrit lui avait été fourni par Roussel; et cet ouvrage déplaisait à la police ou à son chef. Quoi qu'il en soit, après avoir détenu arbitrairement et trop long-temps le malheureux Roussel, il fallut bien le remettre en liberté. On le renvoya en effet, mais, sa malle ne l'ayant ni accompagné ni suivi, il se trouva obligé d'en faire la réclamation à diverses reprises, employant tantôt des prières, tantôt des menaces, et en se faisant appuyer de la recommandation de quelques personnes notables de l'époque. La malle lui fut enfin renvoyée, mais elle ne contenait plus que quelques chiffons

de papier tout-à-fait insignifians. M. Roussel, qui se plaisait à raconter cette anecdote à ses amis, assurait avoir appris, depuis, que M. Desmarets était fort curieux de pièces de ce genre, et que son cabinet en contenait plus d'un recueil.

On peut consulter, sur ce fait, la veuve de M. Roussel et les amis de son mari, entr'autres M. Le Rouge, libraire.

M. Desmarets n'abandonna ses fonctions qu'à l'époque de la restauration. Il se retira alors dans une propriété située auprès de Compiègne, et ne reprit son emploi qu'au retour de Napoléon, au mois de mars 1815. Nommé, en mai de la même année, membre de la chambre des représentans par le département de l'Oise, M. Desmarets ne s'est point fait remarquer dans cette assemblée.

Au second retour du roi, il fut mis pendant quelque temps en surveillance, et obligé de vivre hors de la capitale, dans une sorte d'exil. Il obtint la permission de se fixer dans le département de l'Oise, où il est électeur. M. Desmarets concourut aux élections de 1816, ce qui fut un grand sujet de clameurs pour les ultra-royalistes: M. de Châteaubriand en faisait presque un crime à M. Decazes, alors ministre de la police.

Aujourd'hui, M. Desmarets, retiré dans sa famille, y vit paisiblement et en quelque sorte ignoré.

FOUDRAS,

EX-INSPECTEUR-GÉNÉRAL DE police.

Dans cette foule de noms obscurs que les biographies universelles dédaignent, et qui échappent, à l'abri de leur minime importance, à une certaine célébrité', on trouve celui de M. Foudras, un des desservans du temple de la Police.

M. Foudras aîné, est venu de Lyon à Paris pour faire fortune. Il entra, comme inspecteur, à la police, sous l'inspecteur - général Veyrat. Il se fit remarquer parson intelligence et son activité. M. Pasquier, préfet de police, lui donna de l'avancement, et le nomma inspecteur-général en remplacement du susdit Veyrat.

M. Foudras a exercé ses fonctions jusqu'à la retraite de M. Anglès. A cette époque, il donna sa démission, et obtint une pension de six mille francs, ce qui, réuni à une vingtaine de mille livres de rente qu'il possède, lui donne le moyen de vivre sans rien faire, et comme simple particulier, dans sa délicieuse retraite de Chaillot.

Bien persuadé que les lecteurs honnêtes aiment peu à lire les dégoûtantes révélations des libellistes, je dédaigne les saletés, calomnieuses sans doute, qu'ils ont débitées sur M. Foudras. Il était chargé des fonds secrets et se plaisait à répandre des bienfaits autour de lui. J'aime donc mieux terminer cet

« EelmineJätka »