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»mière, savoir si je devais à M. Drake de me faire fusiller pour lui épargner un ridicule (1). »

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Napoléon serait convenu,si l'on en croit M. O'Meara, que Méhée de La Touche a été forcé bien malgré lui de publier de quelle manière il avait trompé M. Drake.

Toute cette intrigue s'ourdissait au moment de la découverte de la conspiration de Georges; le libelle révélateur de Méhée vint comme pièce à l'appui pour accuser le gouvernement anglais.

Que ce libelle ait été en partie dicté par la police, personne ne s'en étonnera. La police et Méhée ne faisaient qu'un.

La Relation (c'était le titre de cette brochure) valut beaucoup d'argent à Méhée; il exploita cette mine avec toute l'habileté dont il était capable. Son double espionnage le mit en possession de sommes assez considérables (2). Il étalait à Paris une sorte de faste, et tranchait du grand seigneur. Tout cela fut bientôt dissipé, et il retomba dans la détresse, où on le vit presque toujours.

L'importance de Méhée s'évanouit peu de temps après; sa misère n'inspirait que peu d'intérêt. Lä police était son seul refuge. Il essaya, en 1815, de re

(1) Extrait des Mémoires inédits sur la Révolution française, par Méliée de La Touche; 1823.

(2) M. Drake prodiguait l'or à pleines mains pour payer les prétendus agens qui n'existaient que dans la tête de Méhée, et le premier consul avait donné l'ordre de lui abandonner sans restriction toutes les sommes venues d'Angleterre à son adresse.

monter ses affaires, et il résolut de se rendre auprès du prince royal de Suède (Bernadote). Il a prétendu dans l'écrit cité plus haut, que M. le duc de Rovigo et M. Réal lui avaien insinué d'attenter aux jours de ce prince, dont il avait été le protégé lorsque celui-ci était ministre de la guerre. Cette assertion ne mérite aucune créance; il est certain, au contraire, que Méhée de La Touche avait consenti à aller explorer le camp ennemi en qualité d'espion; qu'il obtint six mille francs, se rendit sur les frontières de la Suisse, et, sous différens prétextes, revint bientôt à Paris.

Au retour des Bourbons en 1814, il publia quelques écrits qui fixèrent sur lui l'attention du nouveau gouvernement et lui attirèrent son animadversion. Pendant les cent jours, il fit paraître de nouveau quelques numéros du Journal des Patriotes de 89, qui le mirent en guerre avec le Nain jaune. Compris dans l'ordonnance du 24 juillet 1815, et banni par celle du 17 janvier 1816, Méhée quitta la France, se rendit en Suisse, parut 'à Bruxelles en mai 1818, et y devint l'objet d'une cruelle persécution de la part du comité européen de Paris. Arrêté à Bruxelles, il fut mis pendant quelque temps sous la garde des gendarmes, dans une auberge du faubourg de Namur, et conduit ensuite hors des frontières du royaume des Pays-Bas, du côté de la Prusse.

La police française, dont il avait été autrefois l'enfant gâté, le rappela au giron; il revint encore à

Paris, mais il n'y traîna plus qu'une misérable existence. Il se mit aux gages d'un libraire; et comme son nom était frappé d'un grand discrédit, il prit une sorte d'éditeur responsable. Les brochures furent saisies; l'auteur et le responsable s'accusèrent hautement de s'être réciproquement dénoncés.

Après avoir usé toutes ses ressources, Méhée, qui, au milieu de sa détresse, avait conservé une sorte de gaîté qui semblait défier le remords, tomba malade au commencement de 1827. Transporté dans un hospice, il y mourut quelques jours après y être entré.

Un homme de lettres qui l'avait connu se trouvait par hasard dans cet hospice pour rendre les derniers devoirs à un ami. Au moment où le cercueil allait être placé sur le corbillard, il fit remarquer aux porteurs que la personne qu'il devait accompagner au cimetière était d'une petite taille. « D'où . vient donc, dit-il, qu'on a jugé convenable de placer le corps dans une bière aussi grande ?- Celui-ci, monsieur, dit le croque-mort, était un grand bel homme. Alors, ce n'est pas mon mort. Monsieur, je vais vous le faire voir..

En deux minutes la bière est découverte, et, en effet, ce n'était pas son mort, c'était Méhée de La Touche. Il était facile à reconnaître, car il avait conservé tous ses traits et presque tout son embonpoint.

Ainsi, pour dernière aventure, Méhée faillit être enterré et pleuré au lieu et place d'un honnête hourgeois.

Méhée joignait à beaucoup d'esprit une originalité très-piquante; il a prouvé, dans plusieurs ouvrages, que son talent ne se prêtait pas avec moins de flexibilité et de succès aux graves discussions. Il avait eu, quelque temps avant sa mort, un procès avec M. Salgues, à l'occasion d'une brochure où il avait calomnié cet abbé. Ce court pamphlet contenait une chanson intitulée : Les Aventures de mademoiselle Tempérament au Gros-Caillou, ou comme quoi il n'y a que des claques à gagner à être aristocrate ou Feuillant, que M. Réal lui a attribuée et qu'il a attribuée à M. Réal. Méhée, lorsqu'il était en belle humeur, entonnait d'une voix de Stentor cet hymne digne du Tyrtec des Porcherons.

Méhée n'hésitait jamais à s'accuser lui-même lorsqu'il croyait que cela lui était profitable. Il aggrava ainsi plus d'une fois sa propre bassesse; ses actions les plus honteuses furent presque toujours de mauvais calculs, tant il est vrai qu'une conscience de cette espèce finit toujours par altérer le bon sens.

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(CHARLES).

Perlet, né à Genève vers 1765, vint dans sa jeunesse à Paris, où on le vit garçon libraire, puis libraire et imprimeur, puis directeur d'un journal. Cette dernière qualité lui avait donné une sorte

d'importance auprès, des royalistes, sous le Directoire.

Au 18 fructidor, il fut déporté à Sinnamari, et ne revint en Europe qu'après le 18 brumaire. En Angleterre et en Allemagne il se lia avec quelques royalistes avant de se rendre à Paris, où il reprit son ancien commerce de librairie, pour lequel il n'avait aucune aptitude. Voulant se procurer de l'argent à tout prix, il se lia avec son compatriote Veyrat, alors inspecteur-général de la police.

Les libraires le considérèrent dès lors comme un espion et un délateur, ce qui l'obligea à quitter toutà-fait cette profession et à accepter, en 1808, une place de commis à la préfecture de police. Il imagina bientôt de mettre à profit ses anciennes relations avec les royalistes, écrivit à Fauche-Borel, qui se trouvait à Londres, qu'il était à la tête d'un parti puissant on se laissa duper par ses rapports. La police l'envoya en Angleterre, où il eut une audience de Louis XVIII; ce prince daigna l'accueillir avec des marques de bonté, et le fit asseoir en sa présence. De retour à Paris, Perlet reprit ses manœuvres perfides; il essaya d'attirer en France un prince de la Famille royale. Les Bourbons, avant de rien tenter, envoyèrent une personne dans laquelle ils avaient confiance pour juger de la réalité des moyens que Perlet pouvait avoir: c'était un neveu de Fauche-Borel, le jeune Vitel, qui se chargea de cette périlleuse mission.

Dès qu'il arriva à Paris, ce malheureux jeune

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