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homme, qui n'y connaissait que Perlet, qui n'y avait de recommandation que pour lui, fut livré à la police et fusillé peu de temps après.

Perlet continua de recueillir le prix de sa scélératesse jusqu'en 1813. On correspondit avec lui pendant dix ans, et on crut pendant tout ce temps à son prétendu comité.

Fauche-Borel, revenu en France avec le roi, dans le mois de mai 1814, alla loger chez Perlet et le pria de lui faire connaître l'assassin de son neveu! enfin, après six mois, l'horrible vérité se présenta à ses yeux. On lui fit voir des lettres et des quittances qui prouvaient d'une manière irrécusable que c'était Perlet qui avait livré le malheureux Vitel, et qui avait reçu le prix de ce crime.

Fauche-Borel appela aussitôt sur le coupable les flétrissures de l'opinion. L'écrit dans lequel il signalait cette execrable perfidie n'intimida pas Perlet; il répondit avec audace. Traduit devant les tribunaux par son antagoniste comme calomniateur, il montra une effronterie incroyable aux premières audiences; mais, accablé par l'évidence des faits, et surtout par la déposition de Veyrat, il prit la fuite et disparut au moment où le jugement allait être prononcé. Il fut condamné comme escroc et comme calomniateur.

Perlet se réfugia à Genève, où l'on a dit qu'il avait-, rédigé pendant quelque temps un journal intitulé l'Echo de l'Univers. C'est une erreur : l'auteur de cette feuille était le général baron d'Utruy.

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M. Veyrat est né à Genève en 1756. Avant la révolution, il exerçait le commerce de l'horlogerie et de la joaillerie. Il vint à Paris en 1795, et y obtint la place d'inspecteur-général de la police.

Son habileté en avait fait un homme indispensable; déplacé cinq fois par différens ministres, il fut toujours rappelé. Napoléon, par un décret impérial, le nomma inspecteur-général du quatrième arrondissement de la police générale, comprenant Paris. Il conserva cet emploi jusqu'à la restauration.

On raconte que le 31 mars au matin, avant l'entrée des troupes alliées, informé que deux officiers. russes venaient, au mépris de la capitulation, d'être arrêtés par des soldats d'un corps franc, qui, les ayant dévalisés et garrottés; excitaient le peuple à les massacrer, il se rendit au lieu de cette scène, qui pouvait avoir des suites dangereuses, en imposa à la multitude, prit sous sa sauvegarde les deux officiers étrangers, et, secondé par quelques citoyens honnêtes, fit arrêter les coupables.

Appelé en témoignage dans l'affaire de FaucheBorel, il avoua avec franchise tout ce qui était relatif aux menées de Perlet.

Veyrat et son fils ont cessé depuis long-temps de faire partie de la police.

VIDOCQ.

Le siècle n'est pas ingrat. Il récompense les hommes de mérite et met une sorte d'égalité dans la manière dont il répartit ses suffrages. On peut dire de Vidocq: Primus inter pares. On s'arrache ses Mémoires, quoiqu'il y soit question de bien autre chose que de la police. Mais si notre époque est féconde en grands hommes de toutes les espèces, leur vogue n'a point de durée. La postérité n'entendra même pas le nom de ces célébrités contemporaines, qui ont escompté leur gloire, coûte que coûte. A tout prendre, cette condition a son beau côté on meurt tout entier, il est vrai, mais on a bien vécu; ce qui ne veut pas dire qu'on ait vécu honnêtement.

Vidocq, qui était destiné à faire tant de bruit dans le monde, y arriva par une soirée d'orage; esprit fort, il n'en tire aucune induction, mais il a cru convenable d'inscrire ce petit événement en tête de ses Mémoires. Vidocq naquit donc au bruit du tonnerre, à Arras, en 1775, dans une maison voisine de celle où Robespierre avait vu le jour seize années auparavant. Il était si fort à sa naissance, qu'il avait l'air d'un enfant de deux ans. En grandissant il devint la terreur de ses petits voisins, et la maison de son père retentissait des plaintes continuelles relatives à des têtes cassées, des nez sanglans, des yeux pochés

et des habits déchirés. A treize ans, il commença l'apprentissage de boulanger, métier de son père. De concert avec son frère, il faisait de fréquentes visites au comptoir. A la suggestion d'un de ses camarades, Vidocq chercha à piller le coffre, en y introduisant un tuyau de plume trempé dans de la glu; mais cette méthode ingénieuse ne lui procurant que les plus petites pièces d'argent, il eut recours à une fausse clef, et le produit du vol fut dépensé dans une maison publique de la ville, où se réunissait toute la canaille. Le père de Vidocq, ayant découvert l'action infâme de son fils, le fit arrêter et conduire en prison; il y resta pendant dix jours, et n'en sortit que par l'intercession de sa mère.

Quelques jours après il reprit ses habitudes de dissipation, et, d'accord avec un de ses camarades, résolut de voler à son père tout l'argent que celui-ci possédait. Un dimanche, ayant fait sortir sa mère de la maison, sous un faux prétexte, s'étant rendu au coffre-fort et l'ayant ouvert, il fut tout à coup frappé de violens remords: déjà il renonçait au vol, lorsque, décidé par les reproches et les plaisanterics de son complice, il s'empara de deux mille francs qu'il partagea avec ce dernier, et partit pour Dunkerque. De là il se rendit à Calais, afin de s'y embarquer pour l'Amérique; mais le capitaine de vaisseau lui ayant demandé huit cents francs pour son passage, il se rendit à Ostende. Voici en quels termes il raconte ce qui s'est passé dans cette dernière ville: «Tandis que je me promenais sur le port, cherchant un vaisseau

destiné pour les Antilles, je fus accosté par un individu qui se disait courtier de marine, et qui me promit de me faire avoir promptement ce que je désirais : en même temps il m'engagea à l'accompagner à une partie de plaisir à Blakenberg. J'acceptai. Nous dinâmes à Blakenberg avec une nombreuse société, dans laquelle se trouvaient quelques jolies femmes. Nous restâmes très-long-temps à table; mais il me serait impossible de dire jusqu'à quelle heure, car tout à coup un sommeil irrésistible s'empara de mes sens, et en me réveillant je me sentis transi de froid. Au lieu des rideaux jaunes du lit où je me rappelais avoir été placé, je vis une forêt de mâts : les cris des matelots vinrent frapper mes oreilles, et quand j'étendis mes mains je rencontrai une pile de boulets de canon contre laquelle on m'avait appuyé. Lorsque je racontai cette aventure au propriétaire de l'hôtel où j'étais logé, il me dit que l'on m'avait conduit dans un de ces fameux musicos, où tant de héros tarés avaient perdu, non-seulement leur argent, mais même leurs oreilles. Il est inutile d'ajouter que l'argent que je possédais avait disparu de mes poches, à l'exception de deux pièces de six francs. »

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De ce moment Vidocq, jeté dans le monde, sans aucune ressource, entre au service du propriétaire d'une ménagerie ambulante; mais le rôle de paillasse, qui lui fut adjugé, n'étant pas de son goût, il quitta l'entreprise et se mit à la solde d'un charlatan pour l'aider à faire ses conjurations, ainsi qu'à vendre ses spécifiques miraculeux, ses poudres, ses opiats des

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