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doit différens établissemens, « et la ville de Rouen en particulier, la belle avenue qui fait partie du che-` min du Havre, les casernes, l'esplanade du Champde-Mars, le transport du magasin à poudre hors des murs, enfin un local commode pour les foires, qui obstruaient auparavant le passage des quais. Ce magistrat et sa femme, née La Michodière, étaient extrêmement aimés dans cette ville, où ils avaient aussi à calmer les haines de l'ancien parlement et le parlement Maupeou. Les manières très-simples, bourgeoises même, de madame de Crosne, plaisaient infiniment au commerce de toutes les classes. »

Depuis huit ans déjà, M. de Crosne administrait l'intendance de la Normandie, lorsqu'il fut appelé à diriger celle de la Lorraine, mais sans abandonner la première. Il les conserva toutes deux jusqu'au 11 août 1785, époque à laquelle il revint à Paris y prendre la lieutenance générale de police de cette ville (1).

(1) Il paraît que les de Crosne descendent d'un nommé Thiroux, barbier, et que le noble intendant de Rouen n'avait pas que des amis dans cette ville. Voici l'épigramme qu'on placarda un jour sur sa porte:

L'autre jour Thyroux de Crosne,
De sa noblesse qu'il prône,
Cherchait les titres précieux :
Une enseigne assez mal dorée,
De deux bassins blancs décorée,
Vint aussitôt frapper ses yeux.
Des services de ses grands-pères
Ce respectable monument

« Il porta dans cette grande administration, si difficile et si délicate, les mêmes bonnes intentions, les mêmes moyens. Paris lui est redevable de la destruction du cimetière des Innocens, situé au centre de la capitale, et dans lequel, depuis Philippe-le-Bel, on enterrait plus de trois mille cadavres par an, Il s'en exhalait des vapeurs méphytiques tellement actives, qu'elles corrompaient les alimens liquides dans les maisons voisines, et empoisonnaient l'atmosphère, en raison du peu de profondeur des fosses, et de l'obligation où l'on était de déloger les ossemens, à mesure qu'il fallait faire place pour de nouvelles sépultures. Ces ossemens étaient déposés ensuite dans des soubassemens, tout autour d'une vaste enceinte, derrière des grilles de fer, où l'on

Lui fit voir, en gros caractères :
CEANS L'ON RASE PROPREMENT.

On lit, dans une conversation du roi (Louis XVI) avec un de ses favoris, sur les intendans des provinces, imprimée quelques années avant l'assemblée des notables : « De Crosne à Rouen? - C'est un bredouilleur, plat et ennuyeux personnage, qui a fait sa réputation par le rapport de l'infortuné Calas, dont le chargea Choiseul... Il pourra se soutenir à la police de la capitale, tant que la multitude ne formera point d'insurrec tion, et qu'elle aura du pain, de la viande et du bois en abondance, et à meilleur marché qu'ils ne sont présentement; mais je doute fort qu'il acquière jamais assez de talent pour devenir ministre, quoiqu'il ait épousé la fille de la Michodière, et qu'il soit abhorré du parlement de Rouen, où il est conspuć.

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voyait entassés les restes de plusieurs millions d'hommes. Thiroux de Crosne rendit un service signalé en exécutant, avec courage et promptitude, ce qu'avaient empêché jusqu'alors des préjugés de plus d'une espèce, et la crainte du danger qui pouvait résulter d'un remuement général; il fit ce que n'avaient pu faire les réclamations publiques, les arrêts du parlement de Paris et le vœu de tant de magistrats. Des sommes considérables étaient indispensables pour venir à bout de cette grande opération le lieutenant de police les trouva dans des fonds que le gouvernement laissait à sa disposition, et dont il ne devait pas rendre compte. Il obtint du clergé la destruction d'une église qui faisait partie du cimetière. Le travail entrepris en 1786, au milieu du charnier, par ordre de Thiroux de Crosne, et avec les conseils des meilleurs chimistes de Paris, fit le plus grand honneur à tous ceux qui y prirent part... Nul désordre, nul accident ne troublèrent l'accomplissement d'un projet si digne d'éloges. (1). »

:

(1) H. de La Porte.

Un arrêt du conseil-d'état, rendu le 9 novembre 1785, avait ordonné la destruction de ce cimetière...

Les inscriptions des catacombes attestent que la première translation des ossemens se fit dans les mois de décembre 1785, de janvier, février, mars et avril 1786; la seconde, dans les mois de décembre 1786 et mars 1787; la troisième, dans le mois d'août 1787, jusque dans celui de janvier 1788.

En 1808, lors des premiers travaux exécutés sur l'emplace

Malgré ces grands travaux, quoique imparfaits, exécutés par de Crosne; malgré la délicatesse extrême de ses procédés et le zèle avec lequel il remplissait ses fonctions; malgré ses liaisons avec les plus hauts personnages de la cour et de la ville, on s'est obstiné à placer ce magistrat au-dessous de son emploi.

Je serais moi-même d'autant plus disposé à le juger avec sévérité que, dirigeant la police au moment où l'ancienne monarchie était menacée dans son existence, il ne sut prévoir ni prévenir aucun des événemens qui en ont accéléré la chute; au. moins rien n'est-il resté de lui qui puisse prouver ses efforts, ou convaincre de sa perspicacité : il lui

ment de ce cimetière, pour l'aquéduc du canal de l'Ourcq, on fit encore des découvertes sépulcrales: les ossemens furent transférés aux catacombes, et les cercueils au cimetière de Montmartre.

En 1809, les mêmes travaux produisirent une nouvelle découverte de fosses jusqu'alors inconnues; elles accrurent les tristes richesses des catacombes.

En 1811, en construisant les halles qui entourent le marché des Innocens, et en fouillant la terre jusqu'à cinq mètres de profondeur, on découvrit encore des fosses funèbres et des ossemens qui furent partagés entre les cimetières de Montmartre et du P. Lachaise; ce qui revint aux Catacombes y fut transporté du 19 janvier au 19 mars 1811, et déposé dans une fosse particulière; dépôt qui forme une masse de soixante-dix mètres cubes.

manquait sans nul doute ce tact si sûr qui distinguaient Sartine et Lenoir.

De Crosne se bornait à écouter la manifestation de l'esprit public, et à en transmettre l'expression au gouvernement. C'est particulièrement sur les représentations théâtrales qu'il portait son attention. Rien de plus curieux que les rapports de ses observateurs de spectacles, d'après lesquels il rédigeait les siens pour le ministère. En voici un que j'extrais du 1 vol. des Mémoires de Condorcet, pag. 232 et sui

vantes :

REPRÉSENTATION D'ATHALIE.

ACTE PREMIER, SCENE PREMIÈRE.

ABNER.

L'audace d'une femme, arrêtant ce concours,

En des jours ténébreux a changé ces beaux jours.

(On a entendu deux battemens de mains dans le parquet.)

JOAD.

Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait aussi des méchans arrêter les complots.

(Quelques autres un peu plus marqués.)

SCÈNE II.

JOAD.

Livre en mes faibles mains ses puissans ennemis.`

(Quelques-uns.)

« EelmineJätka »