Page images
PDF
EPUB

tenu des propos indécens contre certains grands du royaume, et notamment contre moi, je vous prie très-instamment de voir à cette affaire, et écouter ce que les gardes vous diront à cet égard.

[merged small][ocr errors][merged small]

Avec le post-scriptum suivant, de la main débile du maréchal, duquel post-scriptum je conserve l'orthographe et la rédaction : « Je ne vous demande rien, n'étant pas assez au fait de toute cette affaire qui regarde cette homme, que je cognois point et ne désire que la justice, qui ne peut mieux être rendue que par vous, monsieur, et je suis très-fâché dé n'avoir pas le temps de vous en dire davantage. ».

Et le bon lieutenant-général de police de s'occuper de cette homme avec la dignité d'un juge sévère qui a la religion et le trône à venger!

C'est Calonne qui, en l'instruisant, en 1786, qu'un nommé Hilliard a fait imprimer, sous le nom de d'Auberteuil, un ouvrage sur les colonies, ouvrage qui déplaît au maréchal de Castres, et en lui annonçant que l'agent de change Brunot en est le distributeur, le prie de faire saisir le libelle et arrêter les deux fauteurs du trouble qu'il cause.

Et de Crosne d'expédier des ordres!

C'est le comte de Vergennes qui l'invite, le 24 janvier 1786, à faire enfermer à perpétuité le nommé Jean-Claude Fini. Qu'avait fait ce malheureux, dont le dessein était d'aller un jour former un empire de

Circassie et le gouverner? Il avait soustrait à la récherche de l'inspecteur Morande onze manuscrits qui pouvaient intéresser le gouvernement.

Et le soumis de Crosne d'obéir et d'envoyer Fini à Bicêtre.

C'est le marquis de Ximenès qui, le 25 avril de la même année, lui adresse cette prière : « .....J'ai lieu de croire que le Journal de Paris prépare une critique amère de mon épître à M. de Rivarol, et publiée avec votre approbation et celle de M. le garde-des-sceaux. Cette critique est encore chez l'imprimeur Quillau ; et je vous serais très-obligé d'ordonner qu'elle ne soit pas publiée..... »

Et l'obligeant de Crosne de satisfaire au désir du marquis-poète!

C'est le maréchal de Ségur qui se plaint, le 23 décembre 1786, que le Journal de Paris ait fait l'éloge du gouverneur des invalides Guibert, et qui demande que cette feuille n'imprime rien, concernant le militaire, sans son approbation.

Et le complaisant de Crosne de gourmander le rédacteur Suard, qui s'humilie et promet!

C'est, le 18 mars 1787, le baron de Breteuil qui lui expédie quatre ordres :

1° Pour faire arrêter et conduire au château de Ham le comte de Mirabeau;

2o Pour exiler à Montargis le sieur abbé Sahuguet d'Espagnac ;

3° Pour enjoindre au sieur Barroud de se retirer à Lyon sous vingt-quatre heures, avec défense d'en

[ocr errors]

sortir jusqu'à nouvel ordre, et ce, sous peine de dés

obéissance.

Et le respectueux de Crosne d'exécuter ces arrêts sans retard (1)!

C'est le même baron qui lui envoie cette lettre, datée du 19 août 1787 « L'intention du roi est de faire cesser tous les clubs et salons. Je vous prie de prendre sur-le-champ des mesures nécessaires pour cette suppression; si vous avez besoin à cet égard de lettres de cachet, j'expédierai toutes celles que vous me proposerez. »

Et l'obéissant de Crosne de tenter, mais inutilement, de remplir les intentions du roi !

C'est le chevalier de Rivarol qui se plaint de: ce qu'un cabaretier du village de Bagnols écrit à son frère, le comte, comme à un cousin, en patois, et que ce cousin semble croire que le comte, son frère, a reçu au jardin des Tuileries un coup de poing dans le ventre; ajoutant: « J'ai voulu avoir l'honneur de vous prévenir, monsieur, de tout cela, avant que de présenter un mémoire au roi, comme me l'ont conseillé plusieurs gardes de Sa Majesté, mes camarades. Je vous aurais demandé un rendez-vous, si je n'étais retenu par un rhume affreux.

>>

Paris, le 6 février 1788, rue Montmartre, n° 184.

(1) Mirabeau s'étant caché, l'ordre le concernant resta sans

effet.

Et le bienveillant de Crosne de prendre des mesures en conséquence!

C'est Necker qui l'informe, le 27 janvier 1789, que, malgré la défense faite aux colporteurs de ne pas crier' les arrêts des finances, ils enfreignent les ordres qui leur sont donnés, et le prie d'empêcher cette manière de publicité.

Et le craintif de Crosne de disperser ses inspecteurs dans les rues et sur les places pour arrêter les crieurs !

C'est madame la comtesse de Boufflers qui le prévient, le 30 avril 1789, que Didot annonce dans un prospectus la satire de Pétrone, ce tissu d'infamies, que les critiques mêmes ne jugent pas être du confident de Néron.

Et le galant de Crosne d'examiner sérieusement l'affaire!

C'est l'ancien contrôleur-général de Villedeuil, ministre de la maison du roi, qui, au mois de juin 1789, lui écrit: Je suis prévenu qu'on a fait imprimer les derniers arrêtés du tiers sur la constitution, et que l'on doit les faire crier et publier dans Paris, si fait n'a été. J'apprends que M. le garde-des-sceaux a donné ses ordres pour en empêcher la publication, déjà commencée dans les rues de Versailles. Vous voudrez bien donner des ordres pour que cette publication n'ait pas lieu à Paris, pas plus que celle de toutes délibérations des différens ordres des états-généraux, sans une permission du roi. Vous mettrez, monsieur, à l'exécution de cet ordre, toute la pru

dence que vous mettez dans toutes vos mesures. Une personne auguste m'a dénoncé la vente publique d'un imprimé scandaleux, intitulé le Premier Coup de Vêpres. Il est très-essentiel d'en proscrire la vente, et de veiller à empêcher toute la distribution d'ouvrages semblables. »

Et le judicieux de Crosne de sentir la nécessité de mettre un terme à de pareils délits!

On voit à quoi servait la police dans ces momens solennels. Quelle pitié!

HÉRAULT

(RENÉ, seigneur de Fontaine-l'Abbé et de Vaucresson).

Je voudrais bien avoir, écrivait Mercier (1), quelques notions sur le caractère de plusieurs lieutenans de police; savoir ce qu'étaient M. Gabriel Tachereau de Baudry, M. Nicolas-Jean-Baptiste Ravol d'Ombreval, M. René Hérault. »

Si Mercier vivait encore, je lui dirais de lire cette notice biographique; mais, en s'éclairant sur le caractère de ce lieutenant-général de police, le critique parisien n'apprendrait pas comment l'important magistrat devint seigneur de Fontaine-l'Abbé et de Vaucresson, car je l'ignore.

(1) Tableau de Paris, tom. VIII, pag. 53, édition d'Amsterdam, ann. 1783.

« EelmineJätka »