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Louis Hérault, riche marchand de bois, natif de Rouen, forcé, d'après les listes des traitans fripons taxés en 1716, de regorger deux cents mille livres, qu'il avait volées, fut le père de René Hérault, qui naquit à Rouen en 1691.

Après avoir été procureur-général au grand-conseil (16 février 1718), maître des requêtes (24 novembre 1719), intendant de Tours (23 mars 1722), et lieutenant-général de police (28 août 1725), René mourut conseiller-d'état, le 2 août 1740.

Son mariage étant conclu avec sa seconde femme, mademoiselle Moreau de Séchelles, fille du contrôleur-général des finances de ce nom (1), quelques affaires principales absorbèrent presque exclusivement ensuite la vie de ce magistrat. Les plus importantes furent le bien-être des jésuites, parmi lesquels il avait un frère; la punition des jansénistes; la poursuite des auteurs des Nouvelles ecclesiastiques; l'enlèvement des convulsionnaires, et la sécution des enfans de la veuve.

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A cette époque de notre histoire, où de grands miracles s'opéraient par l'intercession du bienheureux Pâris, des réunions de fanatiques nommés convul

(1) Il en eut un fils, colonel du régiment de Rouergue, tué à la bataille de Minden, qui donna le jour au fameux Hérault de Séchelles, avant-dernier avocat-général au parlement de Paris, moissonné, à trente-quatre ans, par la guillotine de Robespierre.

sionnaires, avaient lieu secrètement dans différens endroits de la capitale et de ses environs.

Ces fous, ou plutôt ces folles, car on n'y voyait pour ainsi dire que des femmes, se faisaient fouler aux pieds, battre à coups de bûche, fouetter, écarteler, crucifier, tout cela par esprit de secte.

Il est à remarquer que ces sottises ne devinrent véritablement scandaleuses, que parce que les catholiques romains, et particulièrement les jésuites, y attachèrent de l'importance; que le gouvernement y prêta trop d'attention ; que la police, au lieu de s'emparer de leurs auteurs, pour les diriger, les punit, les persécuta : des chansons pouvaient en faire justice, et les accabler sous le poids du ridicule.

Hérault, agent formidable de messieurs de Jésus, homme sévère et violent, prétendit détruire la secte, et tomba dans des excès coupables.

Ses perquisitions portaient la terreur dans toutes les familles; ses nombreux espions pénétraient, même pendant la nuit, dans l'asile des citoyens, escaladaient les murs de clôture, enfonçaient les portes, ne respectaient ni âge ni sexe, pour découvrir, emprisonner, exposer au carcan, exiler, ruiner les fauteurs des convulsions: voici quelques exemples.

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Marie-Jeanne Lefèvre, sujette à l'épilepsie, eut le malheur d'éprouver un accès en pleine rue; considérée comme une convulsionnaire, elle fut, en 1732, arrêtée par la police, et renfermée à la Bastille (1)

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» Claude Larche n'avait pas plus de quatorze ans, lorsque, accusé d'avoir contribué à l'impression d'un ouvrage contre la Bulle, et sur l'affaire du pot-au-lait, il fut arrêté, emprisonné à la Bastille, exposé au car'can, et banni pendant trois ans (1)..

» Une petite fille, âgée de sept à huit ans, appelée Saint-Père, fut, pour un sujet pareil, mise à la Bastille, où elle resta près d'un an prisonnière (2).

» Plus la police était rigoureuse et active contre les convulsionnaires, plus ceux-ci, pour éviter ses coups, redoublaient de précautions, de subtilité. Ce parti avait ses assemblées mystérieuses, ses auteurs, poètes ou prosateurs, ses graveurs, ses imprimeurs, ses colporteurs, etc., que la police découvrait quelquefois, mais qui échappaient, le plus souvent, à son inquiète surveillance.

>> 11 se tenait des assemblées clandestines à Paris et dans ses environs. Dès les premiers temps des convulsions, le château de Vernouillet, près de Poissy, était un lieu d'assemblée pour ces sectaires, où présidait l'abbé Blondel, dit frère Laurent. Cet abbé...... fut, en 1728, enfermé à la Bastille (3)...

(1) Bastille dévoilée. 1" liv., pag. 85.

Dans le même ouvrage, on voit qu'un nommé Devaux, imprimeur, et son compagnon, nommé Jean-Jacques Devaux, sont, dans la même année, mis à la Bastille pour avoir imprimé contre la bulle (unigenitus), et sur l'affaire du pot-au-lait. J'ignore quelle est cette affaire.

(2) Bastille dévoiléc, 1 liv., pag. 105. idem, pag. 66.

(3) Idem,

L'abbé Daribat, qui avait signé un appel contre ́la bulle, distribué les Nouvelles ecclésiastiques, et placé un morceau du bois de lit de Pâris sous le traversin d'un sieur Ledoux, fut arrêté en 1731, et enfermé à la Bastille (1)...

» Une estampe... avait pour sujet l'archevêque Vintimille lançant une pierre au diâcre Pâris; sur cette pierre était écrit le nom du prélat. Le lieutenant de police Hérault, armé de la crosse de l'archevêque, semblait ordonner cette lapidation. Jacques Mercier, accusé d'avoir débité cette gravure, fut, en 1732, arrêté et mis à la Bastille....

>> On exerçait aux barrières de Paris une excessive surveillance afin d'empêcher l'introduction des livres imprimés hors de cette ville....

» Les perquisitions faites sur ceux qui entraient aux barrières étaient poussées jusqu'à l'outrage et l'indécence....

» Ce qui occupait le plus la police et ses nombreux agens était l'impression et la distribution de la feuille périodique intitulée Nouvelles ecclésiastiques. Jamais on ne vit, avec tant de succès, la ruse résister. à la force. Le lieutenant de police, malgré ses moyens immenses, et ses perquisitions, qu'aucun droit, aucun respect n'entravaient, ne put, en aucun temps, arrêter le cours de cette feuille, découvrir ses auteurs, ni le lieu où elle s'imprimait....

(1) Bastille dévoilée, 1 liv., pag. 76. .

» Cette feuille s'imprimait tantôt à la ville, tantôt à la campagne. A Paris, elle s'est imprimée sous le dôme du Luxembourg; entre les piles de bois des chantiers du Gros-Caillou, où les imprimeurs s'introduisaient déguisés en scieurs-de-long; elle s'imprimait dans des bateaux sur la Seine, etc., etc.; à la campagne, dans diverses maisons particulières ; et mille ruses furent inventées pour lui faire franchir les barrières, où la surveillance ne respectait rien.

» On rapporte qu'un chien barbet était l'heureux introducteur des feuilles prohibées : entre sa peau tondue et une peau postiche, adroitement ajustée sur son corps, on plaçait ces feuilles, et le barbet contrebandier entrait sans être fouillé, et les portait à leur adresse.

. On raconte aussi qu'au moment où le lieutenant de police Hérault faisait des perquisitions, dans une maison du faubourg Saint-Jacques, pour découvrir l'imprimerie des Nouvelles ecclésiastiques,onjeta, presque en sa présence, dans sa propre voiture, un certain nombre de feuilles de cet ouvrage, encore humides et fraîchement sorties de dessous la presse (1). »

Hérault ne tourmentait pas moins les francs-maçons; mais, grâce à ses persécutions, le nombre des loges, qui se trouvait être de quatre en 1736, s'élevait à vingt-deux en 1742.

Des francs-maçons s'assemblaient chez un nom

(1) Dulaure, Histoire de Paris, tom. V.

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