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sité démontrée de son intention. Dès qu'il n'y a plus de centre, il n'y a plus de police.

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L'orateur conclut pour l'érection d'un septième ministère.

Chénier prit aussi la parole.

Thibaudeau dit : « Si on veut que la police se rétablisse à Paris dans toute sa vigueur, il ne faut que ce qu'on appelait un lieutenant de police, qui surveille tous les jours, à toute heure, toutes les parties de cette grande cité. Les anciens lieutenans ne s'acquittaient bien de leurs devoirs que parce que leur attribution ne s'étendait pas au-delà de Paris : s'ils eussent eu la police générale, ils n'eussent pas bien fait celle de Paris.

Doulcet rappela que l'adage de la police devait être, comme autrefois : sûreté, propreté, clarté. Il vota pour l'établissement du nouveau ministère.

La résolution fut adoptée.

Cette résolution, envoyée le 11 nivôse, aux Anciens, donna lieu à des observations importantes de Portalis. Elle n'en fut pas moins adoptée par uno loi du 12 nivôse an 4 (2 janvier 1796).

Le 15 septembre 1802, ce ministère avait été supprimé, et toutes ses attributions réunies au département du grand-juge ministre de la justice. Mais il fut rétabli, le 10 juillet 1804, par un décret impérial,

« La police générale est une police politique; elle tend à étouffer l'opinion ou à l'altérer; elle frappe donc au cœur le gouvernement représentatif. Incon

nue sous l'ancien régime, incompatible avec le nouveau, c'est un monstre né dans la fange révolutionnaire, de l'accouplement de l'anarchie et du despotisme....

>> Les secrets du gouverneinent sont entre les mains de la police; elle connaît les parties faibles et le point où l'on peut attaquer. Quel danger imminent, si son chef est allié à une faction puissante et redoutée !...

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Ajoutez que les hommes consacrés à la police sont ordinairement des hommes peu estimables, et quelques-uns d'entre eux, des hommes capables de tout. Comment peut-on tolérer un tel foyer de despotisme, un tel amas de pouriture, au milieu d'une monarchie constitutionnelle? Comment, dans un pays où tout doit marcher par les lois, établir une administration dont la nature est de les violer toutes? Comment laisser une puissance sans bornes dans les mains d'un ministre que ses rapports forcés avec ce qu'il y a de plus vil dans l'espèce humaine doivent disposer à profiter de la corruption et à abuser du pouvoir?

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Que faut-il pour que la police soit habile? Il faut qu'elle paie le domestique, afin qu'il vende son maître; qu'elle séduise le fils, afin qu'il trahisse son père; qu'elle tende des piéges à l'amitié, à l'innocence. Récompenser le crime, punir la vertu, c'est toute la police.

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› Le ministre de la police est d'autant plus redoutable que son pouvoir entre dans les attributions de

tous les autres ministres, ou plutôt qu'il est le ministre unique. N'est-ce pas un roi, qu'un homme qui dispose de la gendarmerie de la France, qui lève des impôts, perçoit une somme de sept à huit millions, dont il ne rend pas compte aux Chambres? Ainsi, tout ce qui échappe aux piéges de la police vient tomber devant son or et se soumettre à ses pensions. Si elle médite quelque trahison, si tous ses moyens ne sont pas encore prêts, si elle craint d'être découverte avant l'heure marquée, pour détourner le soupçon, pour donner une preuve de son affreuse fidélité, elle invente une conjuration, immole à son crédit quelques misérables, sous les pas desquels elle sait ouvrir un abîme.

› Les opinions peuvent-elles être indépendantes en présence d'un ministre qui ne les écoute que pour connaître l'homme qu'il faut dénoncer un jour, frapper ou corrompre (1). »

Depuis 1818, le ministre de la police générale avait été remplacé par un directeur qui, sous le couvert du ministre de l'intérieur, avait les mêmes fonctions on y avait gagné la suppression d'un portefeuille!

Enfin, les attributions de la police générale ont été réunies, il y a peu de temps, au ministère de l'intérieur.

La liberté individuelle, voulue par la Charte, est

(1) De la Monarchie selon la Charte.

incompatible avec la police politique. On a fait depuis long-temps la remarque, que cette police générale, qui s'inquiète beaucoup de connaître ce que personne ne devrait savoir, n'a jamais rien arrêté ni rien prévu. Les découvertes les plus importantes ont été dues aux polices particulières.

Ce qu'elle entend parfaitement, c'est de tendre des piéges, où se laissent prendre les esprits crédules et les imbéciles; c'est de détourner l'attention de la chose publique, sur des désordres privés qu'elle a fait naître. Ainsi, on a yu paraître les piqueurs, puis, les. pluies d'argent de la rue du Bouloy; puis, enfin, on a alarmé tout un quartier, en disant que des malfaiteurs l'avaient miné.

Voilà comment, à l'aide de quelques grossiers prestiges, la police sait se donner de l'importance. C'est un batelage, aujourd'hui si connu, qu'il sera bientôt la risée des enfans. Il ne faut pas attribuer, sans doute, au chef suprême, de si pitoyables inventions: elles sont la ressource de quelques misérables, à qui la nullité de leurs services fait pressentir une retraite, et qui espèrent, en se remuant beaucoup, conserver encore leur ignoble emploi; mais elles nuisent à sa considération personnelle.

Le mécanisme administratif de la police française, sous le rapport de la répression des crimes non politiques, est le plus parfait de l'Europe.

Les préfets des départemens ont une police; cette surveillance n'est pas la scule. Les municipalités en ont une aussi.

Des agens secrets correspondent avec la division qui, au ministère de l'intérieur, est chargée de la police générale ; à ce centre, tout correspond, tout aboutit. C'est aussi là qu'est le foyer de l'espion.

Armés d'un pouvoir discrétionnaire, sans cesse en contact avec tout ce qu'il y a de plus corrompu et de plus dégradé dans la société, les hommes qui sont à la tête de la police ont bien de la peine à ne pas voir partout des coupables. Ils écoutent souvent avec trop de confiance tous ces instrumens dont ils sont forcés de se servir, qui les circonviennent et les égarent quelquefois.

Ces êtres, qu'on ne sait comment qualifier, se glissent dans le galetas du misérable, s'asseyent avec lui sur son grabat, allument son imagination par l'espoir d'une fortune ou d'un bien être auquel son dénûment lui interdisait même de penser, et peu

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peu ils infiltrent dans cet esprit affaibli et fasciné le germe du criine; ils l'échauffent, le font éclore; ils conduisent la main tremblante du malheureux, partagent avec lui le prix du forfait, et livrent ensuite, pour un nouveau salaire, cette proie à des sbires apostés : l'échafaud est dressé, le bourreau frappe sa victime; et le scélérat qui a conçu le crimè, qui en a hâté l'exécution, qui a dirigé le bras, vient s'applaudir de son habileté, et, d'un air de triomphe, faireadmirer l'éclat de ses services. De honteux exemples n'ont que trop appris à toute la France que ce degré de perversité est une réalité monstrueuse.

Alors la police, au lieu de protéger les citoyens,

« EelmineJätka »