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compromet leur sûreté; au lieu de mériter leur reconnaissance, ne leur inspire que de l'horreur.

Le mépris dont on accable les agens subalternes, malgré leur utilité, remonte plus haut et s'attache à l'institution. Chaque jour, d'affreuses révélations nous montrent des agens de police aux prises devant la justice avec ceux dont ils s'étaient fait des complices, pour les laisser ensuite sous le poids de l'accusation, qu'ils avaient longuement mûrie et préparée.

Et que sera-ce donc, quelle indignation s'emparera de toutes les âmes, lorsqu'on verra la police, intervenant dans la société sous le rapport purement politique? C'est là que les AGENS PROVOCATEURS ont mis toute l'activité de leur sanglante intervention. Nul doute que dans un État comme la France, au sortir de commotions violentes, après deux invasions et les désordres inséparables des grands mouvemens qui déracinent les trônes, brisent les couronnes et ébranlent tant d'intérêts et tant de positions sociales, il ne faille une inspection même minutieuse; les gouvernemens se tiennent alors sur leurs gardes, parce qu'ils sentent qu'autour d'eux tout s'agite. Cependant il y a loin d'une surveillance à une provocation. Eclairez la marche de ceux que vous soupçonnez de vouloir renverser l'édifice; mais ne vous mettez pas à leur tête, la torche à la main; et pour être plus sûr de la perfidie de leurs desseins, ne leur donnez pas un fatal exemple, en allumant vousmême l'incendie.

La police a des agens considérés comme fonctiontionnaires, et d'autres qui n'ont aucun caractère, et qui, par conséquent, n'agissent que clandestinement. Il est indispensable de faire connaître les cadres de cette arméc innombrable, qui vit de surveillance, de répression ou de délation.

COMMISSAIRES DE POLICE.

Leurs fonctions sont encore à peu près les mêmes qu'elles étaient autrefois. Le balayage des rues, la visite des marchés, la vérification du poids du pain; les batteries, les disputes, tout cela est de leur ressort. Les bureaux des commissaires sont sans cesse assiégés de plaintes de toute espèce. Les rixes, les accidens vont d'abord à leur tribunal; ils libèrent ou ils emprisonnent; dans tous les cas, ils décident promptement. La plupart des affaires criminelles commencent sous leurs yeux. Leurs procès-verbaux deviennent la base de la procédure.

Pendant l'absence du commissaire, c'est un clerc ou greffier à qui l'on a affaire. Sa fréquentation journalière avec les inspecteurs et les mouchards lui imprime je ne sais quelle similitude qui le déconsidère.

Les commissaires de police font des visites domiciliaires, citent les contrevenans devant le tribunal de police, reçoivent les déclarations et les plaintes. Quel homme redoutable qu'un commissaire de police! Quel immense pouvoir il exerce! Il y a de quoi

trembler devant son écharpe. Un commissaire peut commettre impunément plus d'actes arbitraires que toutes les autres autorités constituées, et il est cependant au dernier degré dé l'échelle administrative et judiciaire.

OFFICIERS DE PAIX.

Voyez ces deux hommes assez bien vêtus, sans aucune marque distinctive, entraînant avec brutalité et précipitation ce citoyen paisible : ce sont des officiers de paix. Comme de véritables dogues, on les voit d'abord sauter sur leur proie et la conduire au corps-de-garde prochain; et ensuite, calmes, isolés, se glissant à travers la foule, épiant un mot douteux, une parole sans importance.

Sous l'empire, on voulut un moment donner aux officiers de paix une espèce d'uniforme; mais ce signe ostensible de leurs fonctions donnait aux malfaiteurs le moyen de les éviter. On supprima donc le costume.

De tous les hommes que la police emploie, ce sont ceux qui craignent le moins le grand jour, puisqu'ils empoignent dès qu'ils le jugent convenable, et qu'il est facile de les reconnaître.

Ils sont d'une grande utilité pour le maintien de l'ordre, et pour l'arrestation des malfaiteurs, au milieu desquels ils doivent vivre pour les surveiller. On peut leur reprocher cependant une impétuosité sans motif, qui les fait quelquefois prendre au col

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let d'honnêtes gens qui aiment le franc parler, ou qui n'obéissent pas assez promptement aux ordres qu'ils se permettent d'intimer insolemment.

Le nouveau préfet de police a introduit dans l'organisation des officiers de paix des améliorations depuis long-temps réclamées.

La principale attribution des officiers de paix est d'accompagner les commissaires de police, lorsqu'il s'agit de pénétrer dans le domicile d'un citoyen.

GENDARMES.

Les soldats du guet et de la maréchausséc exerçaient autrefois les fonctions que remplissent aujourd'hui les gendarmes.

Certes, la gendarmerie est bien au-dessus, par son organisation, sa tenue et sa discipline, de ce guet de l'ancien régime, sans cesse en butte aux mystifications de ces polissons, qui, la nuit, au sortir de leurs orgies ou des maisons de débauche, couraient les rues, brisant les lanternes et cassant les vitres. Force était au pacifique peloton faisant sa ronde d'accepter un pour-boire et de rire avec les tapageurs; ou bien, s'il se montrait récalcitrant, l'essaim joyeux lui chatouillait les épaules à coups de bâton. Ah! le bon temps!

Je ne sais s'il faut attribuer à la philosophie l'air sévère du gendarme et son imposante gravité.

A la porte et dans l'intérieur des spectacles, sur Jes promenades, sur les quais, partout, le gendarme

vous apparaît, tantôt monté sur un coursier vigoureux, tantôt en guêtres et le mousquet à la main. A son chapeau galonné, au vaste baudrier croisé sur sa poitrine, à cette large plaque argentée, ne le prendriez-vous pas pour quelque semi-dignitaire? Il y a dans son costume quelque chose qui participe du suisse de paroisse, du portier d'académie, et du soldat de la garde royale. Témoin impassible de toutes les joies sans y participer, ornement et ordonnateur de toutes les fêtes, il les pare, les protége et les régularise. Le matin il accompagne une procession, et le soir il est de faction à la porte d'un spectacle. Il escorte le garde-des-sceaux au Palaisde-Justice, et va s'asseoir dans l'antichambre d'une maison de jeu : cependant, il est toujours le même! Que de vertus ne faut-il pas pour faire un bon gendarme!

Ce n'est pas tout encore. On prétend (car que ne prétend-on pas!) qu'il cache sous l'habit et le chapeau bourgeois son allure militaire, et qu'alors il exerce encore les fonctions d'observateur.

Trois choses m'ont toujours étonné, c'est l'activité, la patience et l'impassibilité d'un gendarme. Après avoir vu tomber sur l'échafaud la tête d'un criminel, il va tranquillement rôder autour de l'orchestre d'un bal champêtre, ou bien suivre de l'œil les chars roulans des montagnes suisses. Immobile, il attend un ordre pour se mouvoir. Sa vie est un phénomène.

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