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ESPIONS (OU MOUCHARDS).

Cette classe d'hommes pullule aujourd'hui en France. Nos tristes divisions ne l'ont que trop multipliée. Il y a des espions ou mouchards de tous les rangs, de tous les âges et de tous les sexes. La police paie pour savoir ce qui se fait chez le pair de France, le député, le banquier, le juge, l'avocat; elle peuple les cafés, les restaurans, les spectacles et même les églises de ses légions importunes.

Ces mouches vont sans cesse l'oreille tendue; il faut que le soir elles aient quelque chose à répéter; leur imagination vient au secours de leur ouïe.

Heureuse la France, s'il était possible de dévoiler tous ces écouteurs clandestins, qui épuisent les caisses publiques et font grossir le budjet.

Aussitôt qu'ils seraient connus, on cesserait de les payer et surtout de les croire. Ils ont si souvent trompé le pouvoir qu'il devrait bien se tenir sur ses gardes. Chaque espion ne correspond qu'avec un inspecteur, qui recueille ses déclarations, les transmet à un supérieur, qui les transmet à son tour. Un café, une loge dans un spectacle servent souvent de lieux de réunion au chef et à sa troupe.

Chaque ministère, chaque personnage marquant, a à sa solde quelques-uns de ces hommes qui surveillent les surveillans. Tous ces Argus, s'observant les uns les autres, rendent, chacun de son côté, un compte exact de tous leurs mouvemens. Il est des

hommes qui croient embellir cette misérable fonction en la couvrant d'une sinécure; mais on parvient souvent à les deviner sous ce masque.

M. de Montlosicr a fait connaître une nouvelle espèce de mouchards : il prétend que les chefs dé la congrégation, dont il a publiquement dévoilé les trames, imposent l'espionnage à ses membres, comme un devoir et une vertu. Que sont devenus ces espions fanatiques?

Qui voudrait savoir quel usage la congrégation a faite de la police pourrait lui dire de montrer ses mains; elles sont teintes du sang des citoyens. Les disciples d'Escobar, les successeurs de Ravaillac ont voulu laisser dans la cité des traces de leur passage: et qui nous assure qu'encore aujourd'hui Tartufe n'est plus mouchard, ne fût-ce que pour l'aller dire à Rome!

Quelques mois seulement nous séparent de ce temps où l'on se disait : Plus de sûreté désormais, même au sein de ses foyers domestiques; depuis la portière, qui tire le cordon, jusqu'au ramoneur, qui nettoie la cheminée, tout scrute, examine, furète. Le domestique épie les moindres mots pour les redire, se sert de la confiance qu'il inspire pour oser mettre la main dans les papiers de son maître; car ila un autre maître plus puissant et plus riche, qui lui a ordonné de tout rapporter. Prenons garde!

AGENS PROVOCATEURS.

A une époque qui n'est pas encore bien loin de nous, et que nous espérons ne pas voir renaître, des agens de police se sont trouvés mêlés dans des affaires criminelles, et surtout dans des conspirations contre la sûreté de l'État, comme complices volontaires afin de pouvoir devenir délateurs.

Lorsque le procès était porté devant les juges, le co-accusé bénévole jouait le rôle d'accusateur. Que de fois, hélas! n'a-t-il pas été permis de douter și le criminel était la victime de ses propres complots, ou s'il était simplement tombé dans un piége tendu à ses passions et à ses faiblesses!

Les agens provocateurs sont une monstruosité politique; leur intervention, avilissante pour le gouvernement plus encore que pour eux-mêmes, est une conception digne de l'enfer. Vomis sur la surface de la France pour se repaître du sang qui ruisselle des échafauds, ces êtres à face humaine, plus lâches dans leur perfidie que les plus atroces brigands, sont l'opprobre de l'espèce à laquelle ils semblent appartenir.

C'est particulièrement lors des réactions de 1814 et 1815, et de ces différentes conspirations qui ont depuis donné des têtes à dévorer aux Samson, qu'on a vu apparaître cette engeance maudite, dont la police payait les services sanglans!

Puisse le sol de la France être à jamais débarrassé de ces bêtes féroces!

PRISONS.

Non-seulement la préfecture de police a un droit de surveillance sur les prisons; mais encore elle y exerce l'espionnage au moyen des moutons, c'est-àdire de condamnés qu'on place auprès des accusés pour en obtenir des aveux. On a fait un terrible usage de ce moyen de connaître la vérité; mais rarement on ose produire en justice des témoins de

cette sorte.

Ces agens suspects sont en général en horreur à leurs camarades d'infortune; ils ont tout à craindre de leur fureur et de leur désespoir. Aussi, dès qu'un mouton est connu et signalé, on le change de lieu; et il va dans d'autres maisons exercer son horrible patelinage.

MAISONS DE JEU.

Les jeux sont tolérés dans les sociétés modernes. La morale s'oppose à ce qu'ils soient trop ouvertement protégés. La passion du jeu, une des plus inhérentes au cœur de l'homme, et qu'il est peut-être le plus difficile de déraciner, parce qu'elle s'appuie sur le grand pivot de la vie, l'espérance, n'a, certes, pas besoin d'être excitée.

Sans compter ces nombreux bureaux de loterie,

où sont étalés, avec un charlatanisme éblouissant, les chances multipliées de ce jeu ruineux, on trouve, à Paris, des tripots ouverts à tout venant.

La police y exerce une surveillance exacte, et, sous ce rapport, il n'y a que des éloges à lui donner. Pourtant il existe une foule d'autres maisons clandestines, où la débauche et l'escroquerie se montrent -à découvert, et sur lesquelles elle ferme trop souvent

les yeux.

La police retire un produit de plus de cinq millions sur la ferme des jeux. On s'est élevé avec raison contre cet impôt, recueilli par l'espionnage, sur un penchant funeste.

Que l'argent du jeu tombe dans les mains de la police c'est la corruption soldant la bassesse; mais que cette dîme révoltante échappe à la surveillance des mandataires du peuple, appelés à voter le budjet, c'est ce dont il est permis de se plaindre.

FILLES PUBLIQUES.

Une des plus sales attributions de la police est la surveillance et même la dictature qu'elle exerce sur les prostituées; elle en a fait une branche de revenu. On dirait qu'elle a voulu mettre tous les vices en coupe réglée.

Ces malheureuses, qui piétinent dans la boue, et harcellent les honnêtes gens de leurs gestes lascifs ou de leurs lubriques propos, sont soumises à une visite sanitaire, à la suite de laquelle elles vont souvent

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