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allant plus loin que le ministre, pensa qu'on pouvait dès à présent accorder à celui-ci la faculté de créer, au fur et à mesure des ressources en hommes et en argent, tous les régiments qui faisaient défaut. La commission avait déjà fixé à 13 le nombre de ces nouveaux régiments. Elle modifia le projet en ce sens, et proposa d'autoriser le ministre à former ces nouveaux corps, au moment qu'il jugerait opportun.

Le ministre et la commission furent d'accord pour donner aux nouveaux régiments une organisation provisoire. On reprochait à la cavalerie française d'avoir trop de cadres et pas assez d'escadrons. Le régiment compte 5 officiers supérieurs, chaque escadron a 2 capitaines. Les autres armées européennes sont loin d'être aussi richement dotées. Pour 93 régiments, l'Allemagne a 186 officiers supérieurs, 1.860 officiers subalternes, soit environ 2.000 officiers. Pour 78 régiments, la France a 4.500 officiers, dont 400 du grade supérieur. On pensa qu'il fallait rechercher, si on ne pouvait pas, sans désavantage, augmenter le nombre des unités sans créer de nouveaux emplois d'officiers.

La loi future avait donc un double caractère, définitif quant à la formation de nouveaux régiments, provisoire quant à leur organisation. Cette tentative ne fut pas admise sans contestation. On ne manqua pas de prédire son insuccès, on critiqua la tendance à réduire les cadres de la cavalerie, à l'imitation des Allemands. Réduire ses cadres, disait-on c'est réduire sa puissance dans le combat, « c'est lui enlever toute son aisance dans les manoeuvres, toute sa puissance dans l'exploration, toute sa cohésion dans la charge » (1).

A cette objection, le ministre et le rapporteur répondirent que l'expérience allait se tenter sur quelques régiments seulement; que la réduction était peu considérable, puisque les nouveaux régiments auraient 37 officiers au lieu de 45; qu'enfin on se prononcerait en connaissance de cause, lors de la loi organique en préparation.

Cet avis l'emporta et le projet fut voté sans modification; trois amendements proposés par M. le Hérissé furent repoussés (2).

La loi fut adoptée sans discussion au Sénat.

Art. 1er.

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Le ministre de la guerre est autorisé :

1o A créer treize régiments de cavalerie, savoir: 4 de dragons; 1 de chasseurs; 6 de hussards; 2 de chasseurs d'Afrique.

2o A supprimer le 6 escadron de chacun des régiments de chasseurs d'Afrique existants (3).

(1) Discours de M. Le Hérissé, Journal officiel du 14 juillet 1887.

(2) Ils tendaient, le premier, à substituer un adjudant à un officier chef de peloton; le deuxième, à conserver l'emploi de capitaine en second dans les nouveaux régiments; le troisième à donner deux chevaux au capitaine commandant comme dans les autres régiments.

(3) La principale différence entre les anciens régiments et les nouveaux est que ceux-ci n'ont que trois officiers supérieurs : un colonel ou un lieutenant-colonel, commandant le régiment, et deux chefs d'escadrons, dont un major. D'après

Art. 2.

La composition des cadres de ces nouveaux régiments et leurs effectifs en simples soldats sur le pied de paix sont déterminés par les tableaux annexés à la présente loi (1).

Les officiers de tous grades seront prélevés sur l'ensemble des cadres de l'arme, tels qu'ils ont été constitués par la loi du 13 mars 1875, et ne seront pas remplacés dans leurs anciennes positions.

VIII

DÉCRET DU 12 SEPTEMBRE 1887, PROMULGUANT LA CONVENTION SIGNÉE A BERNE, LE 9 SEPTEMBRE 1886, RELATIVE A LA CRÉATION D'UNE UNION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DES

RAIRES ET ARTISTIQUES (2).

ŒUVRES LITTÉ

Notice et notes par M. Louis RENAULT, professeur à la Faculté de droit de Paris.

La convention ainsi approuvée est certainement l'un des actes les plus intéressants pour les rapports internationaux qui se soient passés dans ces derniers temps. Il faut se reporter à une quarantaine d'années en arrière pour se rendre compte du progrès accompli. Les lois qui existaient alors dans divers pays sur la propriété littéraire protégeaient seulement les œuvres des nationaux ou tout au plus les œuvres publiés dans le pays même par des étrangers. Spécialement en France, la doctrine qui avait prévalu reconnaissait à la protection de la loi en matière de propriété littéraire ou artistique un caractère exclusivement territorial à un point de vue négatif comme à un point de vue positif, en ce sens que, si on protégeait toutes les œuvres publiées en France, on ne protégeait

la loi de 1875, l'état-major d'un régiment est composé d'un colonel, d'un lieutenant-colonel et de trois chefs d'escadrons, dont un major. Les régiments nouveaux n'ont pas de capitaine instructeur, ni de capitaines en second.

(1) D'après la loi du 13 mars 1875, les régiments de chasseurs d'Afrique étaient à 6 escadrons. La nouvelle loi leur donne une composition semblable à celle des régiments de France.

(2) La convention du 9 septembre 1886 a été approuvée, pour la France, par une loi du 28 mars 1887 (J. Off. du 30 mars), et promulguée, après l'échange des ratifications, par décret du 12 septembre (J. Off. du 16). — Travaux préparatoires: Exp. des motifs, Doc. parlem. (Sénat), Journal Officiel de 1886, p. 381, rapau Sénat par M. J. Bozérian, Journal Officiel de 1887, Doc. parlem., p. 3; rap. à la Ch. des députés par M. Noël Parfait, Journal Officiel de 1887, Doc. parlem., p. 463. Le projet a été adopté sans discussion par le Sénat le 28 janvier 1887 et par la Chambre des députés le 22 mars suivant.

que celles-ci. Il en était de même en Belgique où des sociétés disposant de capitaux considérables s'étaient formées uniquement pour exploiter la contrefaçon des ouvrages français, dont on tirait parti non seulement sur le marché belge, mais sur les autres marchés, les ouvrages contrefaits se vendant naturellement à plus bas prix que les ouvrages originaux. A mesure que les barrières s'abaissèrent entre les divers pays, que les communications devinrent plus faciles, cet état de choses parut plus scandaleux surtout à ceux qui, comme les écrivains français, en souffraient particulièrement. Diverses tentatives furent faites pour y remédier, quelques conventions internationales furent signées avec la Sardaigne, le Portugal, le Hanovre, la Grande-Bretagne, mais l'acte décisif qui devait faire entrer la question dans une phase toute nouvelle, fut le décret-loi du 28 mars 1852 qui faisait un délit de la contrefaçon sur le territoire français d'ouvrages publiés à l'étranger, sans subordonner la règle à aucune condition de réciprocité. A partir de ce moment on peut dire que l'ancienne doctrine égoïste et exclusive a été abandonnée non seulement en France, mais dans la plupart des pays; il n'y avait plus qu'à attendre patiemment (1). Ce n'est pas du jour au lendemain que les anciennes idées sont abandonnées quand elles sont soutenues par des intérêts puissants. Le décret de 1852 a été le point de départ d'un mouvement important pour la reconnaissance internationale des droits des auteurs. Il faut signaler les efforts de la diplomatie française qui aboutirent à la conclusion d'un grand nombre de conventions, d'abord défectueuses, qui s'amélio rèrent peu à peu. La protection a été quelquefois plus apparente que réelle par suite des conditions auxquelles elle était subordonnée. Cela tenait à diverses causes : l'empire subsistant des anciennes idées, les divergences des législations, les tâtonnements des diplomates. Toutefois, le progrès a été plus rapide qu'on ne pouvait l'espérer. Le principe du respect des droits de l'étranger une fois posé n'a pas tardé à produire ses conséquences naturelles. Il est curieux, par exemple, de comparer à ce point de vue les conventions franco-belges du 22 août 1852, du 1er mai 1861 et du 31 octobre 1881, on verra les progrès successivement réalisés. La convention qui a donné le plus complètement satisfaction aux idées françaises sur le respect dû aux droits des auteurs est la convention francoespagnole du 16 juin 1880 (2). Il convient de signaler aussi la convention franco-allemande du 19 avril 1883, soigneusement élaborée par des commissaires des deux pays (3) et la convention franco-italienne du 9 juillet 1884.

La nécessité de la protection des droits des auteurs dans les rapports internationaux ayant été de plus en plus reconnue, on se demanda si le temps n'était pas venu de substituer aux conventions isolées une conven

(1) V. L. Renault, De la propriété littéraire et artistique au point de vue international, p. 12 et suiv.

(2) V. au sujet de cette convention une étude de M. Delalande dans le Bulletin de la Société de législation comparée, 1881, p. 140.

(3) V. cette convention, Annuaire de législation française, 1884, p. 41.

tion générale, de fonder une nouvelle Union internationale. L'initiative privée devait accélérer le mouvement donné par le législateur et les diplomates. Déjà, en 1858, un grand congrès littéraire international, comprenant plus de 300 membres, s'était tenu à Bruxelles et ayait déterminé un courant favorable à la réforme inaugurée par la France en 1832. Des vœux pour la réunion d'une conférence internationale chargée de préparer les termes d'un accord général furent formulés par le congrès de la propriété littéraire et le congrès de la propriété artistique qui se réunirent à Paris en 1878, à l'occasion de l'Exposition universelle. Le congrès littéraire de 1878 amena la formation de l'Association littéraire internationale, composée de membres de différents pays et se donnant comme tâche principale d'arriver à faire reconnaître de plus en plus le droit des auteurs à la propriété de leurs œuvres. Elle organisa des réunions et provoqua une agitation pacifique. Dans le congrès tenu à Rome en 1882, elle décida qu'une conférence se réunirait à Berne en 1883 pour poser les bases d'un programme pouvant servir de formule à une convention universelle. Cette conférence se tint effectivement du 10 au 13 septembre 1883 et arrêta un projet de convention qui, dans sa pensée, pouvait servir de base de discussion pour des négociations officielles; elle pria en même temps le Conseil fédéral suisse de prendre l'initiative de ces négociations. Le Conseil fédéral accepta la mission qui lui était ainsi confiée et, à la date du 3 décembre 1883, envoya aux gouvernements de tous les Etats civilisés une note circulaire pour leur communiquer le projet et les pressentir sur l'accueil que recevrait une invitation à une conférence diplomatique. Encouragé par les réponses reçues, le Conseil fédéral convoqua une conférence pour le 8 septembre à Berne. A cette conférence, onze Etats étaient représentés : l'Allemagne, l'AutricheHongrie, la Belgique, Costa-Rica, la France, la Grande-Bretagne, Haïti, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège, la Suisse. Les travaux de cette conférence aboutirent à un projet qui fut soumis aux gouvernements des divers pays. Une nouvelle conférence diplomatique, ayant pour objet la revision de ce projet, se tint à Berne du 7 au 18 septembre 1885. Les pays représentés n'étaient pas tous les mêmes; l'Autriche-Hongrie ne crut pas pouvoir, en raison de sa législation intérieure, continuer à prendre part aux délibérations; l'Espagne et l'Italie, que des circonstances particulières avaient empêchées de se faire représenter en 1884, envoyèrent des délégués; la Tunisie fut également représentée; enfin le fait capital de la nouvelle conférence fut la participation active aux discussions des délégués britanniques. Il était d'un intérêt capital pour l'Union que la Grande-Bretagne pût y entrer et il fallait, par suite, ne pas lui en rendre l'accès trop difficile; on devait donc écarter les clauses qui n'auraient pas pu être insérées aisément dans la loi qu'il était nécessaire de faire pour permettre au gouvernement de la Reine d'exécuter la convention; c'est ce qui fut fait. La conférence de 1885 n'aboutit encore qu'à un projet, mais il fut entendu que ce projet était définitif et que les divers gouvernements auraient à l'accepter ou à le rejeter en bloc. Ce projet a

été transformé, le 9 septembre 1886, en une convention à laquelle sont annexés un article additionnel et un protocole de clôture, signés le même jour. Ces actes ont été signés par les représentants des dix gouvernements suivants : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, la GrandeBretagne, la République d'Haïti, l'Italie, la République de Libéria, la Confédération suisse et la Tunisie. Les ratifications ont été échangées le 5 septembre 1887 sauf par Libéria, et, conformément à l'article 20, la convention est entrée en vigueur le 5 décembre suivant (1).

Article 1er. Les pays contractants sont constitués à l'état d'Union pour la protection des droits des auteurs sur leurs œuvres littéraires et artistiques (2).

(1) Les procès-verbaux des diverses conférences qui ont préparé la convention ont été reproduits dans les Archives diplomatiques, 1885, IV, p. 23-85, 259-319; 1886, I, p. 61; IV, p. 157-170. On trouvera aussi dans les Archives, 1887, IV, p. 251 et suiv., les Exposés des motifs, soumis aux assemblées législatives par les gouvernements d'Allemagne, de Belgique, de France et de Suisse.

La nouvelle Union internationale a déjà été l'objet de divers travaux. Voici l'indication des principaux.

Articles de M. Numa Droz, conseiller fédéral (qui a présidé avec un grand talent et un grand esprit de conciliation les diverses conférences qui se sont tenues à Berne; c'est en partie à lui qu'est dû le succès final): Journal du droit international privé, 1883, p. 441 et 1885, p. 481; Bibliothèque universelle et Revue Suisse, novembre 1885.

La propriété littéraire et la convention de Berne, par René Lavollée, ancien consul général (l'un des délégués français aux conférences de 1884 et 1885), Paris, 1887, librairie Guillaumin.

The international copyright Union dans The Law quarterly Review, janvier 1887, par H. G. Bergne (l'un des délégués britanniques aux conférences de 1885 et de 1886).

Der internationale Schutz des Urheberrechts, par le professeur A. d'Orelli (l'un des délégués suisses); V. aussi le compte rendu fait par lui des travaux des conférences de 1884 et de 1885, dans la Revue de droit international, 1884, p. 533 et 1886, p. 35.

Étude sur la convention d'Union internationale pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, par Edouard Clunet, Paris, 1887, Marchal et Billard. L'Union internationale pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, par Ch. Soldan, juge au tribunal cantonal du canton de Vaud, Paris, 1888, librairie Thorin. (M. Soldan a été l'un des deux secrétaires des conférences diplomatiques de 1884 et 1886, et on peut dire qu'il a pris, malgré sa grande réserve, une part importante aux travaux, par les substantiels rapports auxquels il a collaboré et qui résument les délibérations dont on n'a pas jugé utile de dresser des procès-verbaux.)

Nous citerons enfin un ouvrage qui ne porte pas spécialement sur la convention de Berne, mais qui en contient le commentaire complet: Du droit des auteurs et des artistes dans les rapports internationaux, par A. Darras, docteur en droit, 1 vol. in-8°, Paris, 1887, librairie Arthur Rousseau.

(2) Cette formule a été adoptée à titre de transaction. Dans la conférence de 1884, on avait admis l'expression les droits d'auteur, correspondant à l'allemand urheberrecht et à l'italien diritti di autore; cette dénomination souleva une vive opposition en France et les délégués du gouvernement français demandèrent qu'on se servit de l'expression ordinairement employée de propriété littéraire et artistique. La majorité de la conférence était disposée à accueillir cette demande, mais elle se heurta à une résistance absolue de la part des délégués

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