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législature meilleurs patriotes, et moins esclaves que les représentans qui siégent encore au grand scandale de la justice et de la raison.

Du projet de loi concernant les outrages à la

DIGNITÉ ROYALE.

« Les outrages faits à la dignité royale par des » discours ou des écrits publics, soit qu'ils atta»quent la personne du roi, soit qu'ils attaquent » celle du régent ou de l'héritier présomptif de » l'épouse, de la mère, de la fille ou de la soeur » du roi, seront punis par un emprisonnement » de deux années et en cas de récidive, par la dé>>portation ».

Mais qu'entend-on par des outrages faits A LA DIGNITÉ ROYALE? La royauté est une sorte de gouvernement, et à coup sûr le législateur n'a pas eu en vue de défendre les discussions sur les différentes manières d'organiser un grand empire. Fatiguée des sectes et disputes de religion, l'helvétie défendit de parler de la divinité; mais notre assemblée nationale ne nous prescrit pas absolument le silence sur la royauté quel est donc l'esprit de cette loi? Le comité de constitution qui l'a présentée, ne peut avoir eu que des intentions pures; il est si bien composé, ce comité, si anaccessible. à la corruption de la cour, si fort dévoué aux intérêts du peuple, que raisonnablement on ne peut le soupçonner de trahison. Tremblez donc, Amis du Roi, Mercure de France, Gazette de Paris, tremblez; jusqu'à cette époque, l'assemblée nationale, les tribunaux ne sembloient indisposés que contre les écrivains patriotes: aujourd'hui,c'est vous que le comité de constitution soumet à la repression de la loi. Les outrages faits à la dignité royale seront punis, etc. Qu'est-ce qu'un outrage? c'est une offense. Qu'est ce qu'une offense? c'est une imputation fausse, un mensonge. Ainsi, tous ceux qui diront du mal, qui calomnieront la royauté,

le roi, le régent, l'héritier présomptif, son épouse, sa mère, sa fille, sa soeur, seront strictement responsables envers la loi l'intention du : de réprimer tous les actes qui portent le caractère e comité est de la calomnia et du mensonge; or, ce principe établi, les tribunaux auront à juger une foule de coupables; tels ceux qui oseront encore dire que la royauté est de droit divin; qu'elle est une institution favorable à l'humanité, tandis qu'il est avéré que ce mode de gouvernement est le plus dé testable de tous qu'il n'est que l'ouvrage des hommes, et des hommes pervers. L'assemblée nationale est elle même au ces du décret pour avoir permis à Louis le traitre de mentir à la nation française, au point de dire qu'il régnoit par la grace de Dieu. Lous, par la grace de Dieu! Ainsi, tout écrivains, tout législateur, tout homme public, tont homme privé qui vantera désormais le rois et la royauté, sera emprisonné pendant deux ans ; l'outrage le plus amer qu'il soit possible de faire à cette institution, c'est de la vaxter. Le comité de constitution défend cette ironie, comme l'ancienne jurisprudence défendoit de donner à un voleur la qualification d'honnête homme.

Mais, sage et profond en ses vaes, le comité ne borne pas-là ses précautions contre les libellistes et les calomniateurs il défend encore de dire mal du roi, de sa femme, de ses enfans, de sa sœur, du régent. Quant à la personae de Louis, tous ceux là seront punis, qui désormais auront Fimpudence.de dire et publier qu'il est un homme de bien qu'il est le plus honnéte horame de son royaume ; qu'il n'a pas cerné Paris de troupes et de baïonneties; qu'il n'a pas ordonné le siége et le massacre de cette superbe rité; que le 23, juin 1789, il n'a pas voulu dissoudre l'assemblée, nationale; que le 5 octobre de la même année, il ne vouloit pas fuir à Metz; que le 4 février 1799 il n'a pas été s'unir étroitement et avec solennità: la nouvelle constitution de l'état; que le 14 juillet

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suivant, il n'a pas ratifié ce serment en présence de la nation; que lui-même il n'a pas favorisé la scène des poignards du 28 février dernier; que le 18 avril, il n'ait déjà voulu quitter son poste; qu'il ne soit l'ami, le protecteur des prêtres réfractaires; qu'il n'ait eu des intelligences coupables avec Bouillé et tous les tyrans de l'Europe; que le 21 juin il n'ait fui comme un lâche et un scélérat; qu'il n'ait été arrêté, ramené par les eitoyens de Varennes; que depuis il n'ait encore eu l'insolence d'écrire à l'assemblée nationale en prenant la quaEfication de roi.

Il en seroit de même de celui qui diroit que Marie-Antoinette de Hasbourg a été bien élevée dans la cour de sa mère hypocrite; qu'elle n'y a pas connu le trop fameux cardinal Rohan; qu'elle apporté une dot à son mari; qu'elle n'a pas banni ce qui restoit de l'apparence das meeurs dans la cour de Versailles; qu'elle n'a jamais connu pi Dilon, ni Cogny, Fersen, etc. etc.; que jamais elle ne leur a parlé, non plus qu'à MM. Vestris et Gardel, danseurs de l'opéra; non plus qu'à madame Raucour, actrice des Français; qu'elle n'aime pas le jeu; qu'elle n'a rien dépensé au jeu; que Caloane ne lui étoit pas vendu; qu'elle ait tou jours haï Philippe d'Orléans; que jamais elle n'ait aimé d'Artois ni la Polignac; que jamais elle n'a fait de courses, de parties nocturnes dans Paris avec ces deux chastes accolites; que dans tous les temps elle a conspiré contre l'état ; que depuis le 6 octobre, sur tout, elle ait en constamment chez elle un foyer de contre-révolution; enfin, qu'elle soit une honnête femme et une bonne créature.

Quant à l'héritier présomptif, ma heur à celui qui diroit qu'il n'est pas sujet aux besoins de la vie; que jamais cet enfant ait été dans le sein d'une femme, et qu'il sit eu un roi pour père! Item, deux ans de prison pour ceux qui diront que Madame royale n'est pas une petite begueule ; qu'elle n'a pas déjà les défauts de sa mère..

Même peine contre le flagorneur qui affirmera

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que la grosse Elisabeth n'est point une dévote; qu'elle a le défaut naturel de ses deux frères ainés, et la vertu des anciennes vestales.

Mais c'est assez; c'est trop s'occuper des membres avilis de cette horrible famille. Revenons au sénat; tout méprisable qu'il est, il nous offre au moins le spectacle de huit à dix députés incorruptibles et incorrompus. Le royaliste, le monarchiste, le vil esclave Duport n'a pas réussi dans son projet de loi: Buzot, Roberspierre et Pétion l'ont fait renvoyer aux comités; mais les comités ne so rebutent pas facilement. On y reviendra plus tard; c'est à nous de prémunir contre le plus détestable projet que la scélératesse ait osé présenter.

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On veut détruire le liberté de la presse; on n'ese pas le décréter ouvertement, mais chaque jour on y porte des atteintes partielle. La liberté d'écrire est aussi illimitée que la liberté de penser. La calomuiateur même ne peut être comptable de la calomnie qu'envers le calomnié; et l'on propose à l'assemblée nationnale de remettre à la loi le soin de venger une injure prétendue, dont l'offensé n'auroit pas le droit de se plaindre. Qu'un roi soit un fourbe, un traître, un parjure, le citoyen privé peut, l'homme public doit le dire; le roi n'a pas le droit d'en demander vengeance, si le fait est vrai; et l'on voudroit une loi qui punit de l'incarcération l'écrivain courageux qui aura publié des vérités utiles? Dès qu'une fois l'on sera parvenu à mettre des bornes à la liberté d'écrire, adieu la liberté politique; elle ne peut se soutenir que par la vigilance de tous; la vigilance ne peut être excitée que par le cri public; et comment veut-on réprimer les abus, si personne n'ose les dire? Proposer des peines contre les outrages à la dignité royale, outre que c'est supposer un roi, c'est le supposer, non-seulement à l'abri de la loi, mais même à l'abri de l'opinion publique ; et que peut être un homme au-dessus de la volonté, comme de l'opinion de tous? Un monstre, un ty

ran. Qu'il est coupable, qu'il est profondément scélérat, ce comité de constitution! Proposer de favoriser les rois et leur existence dans le temps où nous sommes, lorsque l'opinion publique a hautement proscrit ce fléau des nations! Parler de la dignité royale, lorsque ce mot vient d'être effacé avec indignation de tous les monumens et les enseignes! et vouloir donner aux rois de nouvelles prérogatives, de nouveaux moyens d'assassiner avec impunité! c'est le comble du crime et de l'ignomiaie!

Il existe dans l'assemblée nationale un complot homicida contre la liberté de la France, et pour l'exécuter, les conspirateurs sont armés de toute la force du despotisme. En dépit de leur devoir, en dépit du vœu général, ces monstres vont ratifier la royauté : le peuple ne la veut pas; mais ils veulent, disent-ils, pour le peuple.... Nous voulons pour le peuple: on ne se familiarise point avec cette expression; il est des choses si étranges, des crimes si étonnans, qu'on les croit à peine après en avoir été les témoins.

S'il étoit ainsi, le peuple français, transformé en bête de somme, n'auroit plus qu'à gémir sous son fardeau et sous la verge de ses barbares conducteurs. S'il étoit ainsi, tout sentiment d'énergie seroit à jamais exilé de nos cœurs; nous n'aurions plus qu'a détourner les yeux de Sparte et de Rome, les couvrir du bandeau funèbre, et présenter la tête au couteau. Toujours esclaves des rois, toujours victimes de leur tyrannie, chaque jour leur bras de fer s'appesantiroit de plus en plus.

Sous le prétexte de défendre les atteintes à la dignité royale, on scelle à jamais la servitude du peuple; on lui interdit la faculté de changer de gouvernement; on le met à la discrétion de son ennemi, à qui l'on permet implicitement tous les actes que peut suggérer la férocié royale.

On fait plus; on étend au loin ces dispositions: on donne au roi pour complices sa fonime, son

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