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aucune valeur logique contre la mesure en question. Tout ce qui doit en résulter, c'est d'affoiblir l'autorité de la personne, dans le cas où cette autorité auroit opéré en faveur de la

mesure.

V. Imputation de liaisons suspectes. Noscitur ex sociis.

Admettant le fait que l'auteur de la mesure est lié avec des personnes d'un caractère susdect, l'argument qu'on en veut tirer contre la mesure même, n'est autre que le sophisme de defiance, c'est-à-dire la présomption d'un mauvais dessein ultérieur.

1.°

Mais, pour donner quelque couleur à cet argument, il y a trois faits préliminaires à établir: que les associés dont il s'agit sont suspects à bon droit, comme ayant des desseins pernicieux; 2.o qu'il existe une véritable intimité, une association entr'eux et l'auteur de la mesure; car il y a des liaisons de tous les degrés possibles; 3.° que la mesure en question est le fruit de cette association et n'auroit pas eu lieu sans cela.

La preuve de ces faits dépend des circonstances particulières du cas. Mais il faut faire

ici une observation générale. Il n'en est pas des liaisons politiques comme des liaisons privées. Dans la vie privée, l'influence des liaisons sur la conduite et les opinions d'un individu, est une présomption établie par une expérience` journalière. Le proverbe qui nous apprend à juger d'un homme par ceux qu'il fréquente, est, dans ce cas, d'une vérité reconnué ; mais il n'a pas, à beaucoup près, la même force quand il s'applique à des liaisons formées pour un objet politique. Là, il faut s'unir avec des individus plus par nécessité que par choix. On est déterminé à agir de concert, sans consulter les ressemblances morales dans les dispositions. Tous les partis sont des agrégations miscellanées; on y trouve des hommes de tous les caractères. La seule nécessité de recueillir des informations sur des faits peut produire des rapprochements qui ont toute l'apparence d'un commerce social entre les personnes des inclinations les plus opposées.

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VI. Imputation fondée sur une identité de dénominations. Noscitur ex cognominibus.

Dans l'argument précédent, l'auteur de la mesure étoit représenté comme suspect, Ja fai

son de ses liaisons avec des personnes vivantes. Dans l'argument actuel, il est représenté comme tel, à raison d'une certaine identité nominale avec des personnes qui ne vivent plus, mais qui ont eu, dans leur temps, des desseins suspects ou pernicieux..

seins par

1

que

« Voilà ce qu'ont fait des hommes qui portoient la même dénomination que vous portez aujourd'hui: voilà ce qu'on pourroit attendre de vous. Il faut juger de vos desla conduite de vos prédécesseurs. » 11 est vrai si l'esprit n'est pas changé, si les intérêts sont les mêmes, on peut conclure de la communauté de nom à la communauté de dessein. Mais, dans ce cas, c'est la communauté d'esprit et d'intérêt qui est le vrai lien de l'union; la communauté de nom n'en est que le signe et non pas la cause. Les Romains de nos jours qu'ont-ils de commun avec les Romains d'autrefois? Pensent-ils à réclamer l'empire du monde ?.b.c

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Ceux qui jugent d'une classe d'hommes par les excès de leurs dévanciers oublient toujours une circonstance essentielle, cette amélioration graduelle dans les caractères et dans les principes depuis les âges de barbarie jusqu'à nous. Les sectes qui portent le même nom n'ont plus

le même esprit. Le dogme a perdu, et la morale a gagné. L'individu diffère moins de la jeunesse à la vieillesse, qu'une secte d'un siècle

à un autre.

Qu'on ne donne pas à cette considération tout le poids qu'elle doit avoir, on arrive à des conséquences aussi désastreuses qu'absurdes.

Ce qui a été ne pouvant cesser d'être, le nombre des générations qui se succèdent ne peut apporter aucun changement à leur égard. Les mesures les plus rigoureuses qu'on ait ри prendre contre les ancêtres égarés ou coupables, doivent être continuées contre leur postérité jusqu'à la fin des siècles..

<< Mes haines sont mortelles, mes amitiés immortelles. >> Ce mot d'un Sage a été justement applaudi. Le sophisme que nous réfutons recommande, au contraire, la perpétuité de la haine.

C'est surtout en matière de religion que ce sophisme exerce l'empire le plus funeste.

En France, les ennemis de la tolérance argumentoient contre les Protestants d'après les guerres civiles, d'après les temps de trouble et d'anarchie, où des Chefs de parti formoient un État dans l'État, et osoient prendre les armes contre leur Souverain.

En Angleterre, on refuse encore d'accorder aux Catholiques tous les droits que possèdent les autres citoyens, parce que leurs prédécesseurs, dans des circonstances toutes différentes, ont cherché à renverser l'Église qui avoit supplanté la leur. « Vos ancêtres Catholiques ont allumé des bûchers; ils ont prétendu avoir le droit du glaive contre les Hérétiques. - Vous donc qui êtes Catholiques, vous allumeriez de même des bûchers, si vous aviez la force en main; vous useriez du droit du glaive pour nous faire périr. Vos ancêtres, il y a cent cinquante ans, s'étant trouvés un moment les plus forts, firent un massacre affreux de leurs concitoyens Protestants donc vous n'attendez qu'une occasion favorable pour vous souiller des mêmes barbaries. En un mot, vos ancêtres ont été nos ennemis, et il a fallu les désarmer et les enchaîner: donc nous devons vous traiter en ennemis, et tous les droits que vous réclamez ne seroient dans vos mains que le droit de nous nuire. »

On oublie, dans tout ce raisonnement, que la Religion Catholique a renoncé à ses maximes sanguinaires, que les foudres du Vatican se sont éteintes; que dans la Saxe, dans l'Autriche, dans la France, les Protestants jouissent,

« EelmineJätka »