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en question; 2. son degré de probité; 3." la conformité des deux cas, c'est-à-dire, celui dont il s'agit et celui où l'opinion alléguée a été rendue; 4.° la fidélité des intermédiaires qui l'ont transmise; fidélité qui consiste dans un rapport exact et complet de cette opinion. Telles sont les circonstances dont dépend la force légitime de l'autorité: telles sont les sources où l'on puise les raisons pour ou contre. L'intelligence paroîtra en défaut, s'il y a

eu 1.° insuffisance par rapport aux motifs d'attention, 2.o insuffisance par rapport aux moyensTM d'information; -si, à raison de la distance des temps ou des lieux, la personne que l'on cite comme autorité n'a pas pu acquérir une instruction complète, relative à la chose, — etc.

La probité paroîtra en défaut ou sera suspecte si la personne étoit soumise à l'influence de: quelque intérêt séducteur: car alors on peut présumer que son opinion déclarée n'étoit pas conforme à son opinion réelle, - ou que cette opinion s'étoit formée, non d'après la raison,' mais d'après l'intérêt car dès qu'il y a un intérêt séducteur qui opère, l'intelligence n'agitplus impartialement, elle ne considère plus les deux côtés de la question avec la même attention, elle rejette les faits et les arguments qui

CHAPITRE PREMIER.

SOPHISME DE l'autorité.

Unusquisque mavult credere quam judicare. SÉN.

I. Vue analytique.

J'ENTENDS ici par autorité l'opinion de tel

ou tels individus qu'on présente comme suffisant par elle-même, indépendamment de toute preuve, pour servir de base à une décision.

Il est des cas où il est nécessaire de s'en référer à l'autorité : ce sont ceux où on ne sauroit obtenir des arguments directs pour ou contre une mesure. Hors de ces cas nécessaires, l'emploi de l'autorité ne peut qu'être rangé parmi les moyens trompeurs de persuasion.

L'autorité ayant une influence tantôt légitime et tantôt illégitime, il nous importe d'examiner les circonstances qui constituent la valeur d'une opinion, -c'est-à-dire, l'opinion de la personne ou des personnes dont l'autorité est alléguée.

La valeur d'une opinion s'estime d'après les considérations suivantes :

1.o Le degré d'intelligence de la personne

tion lui fournit pour obtenir les informations nécessaires.

rive de l'opulence.

Au troisième degré, vient l'autorité qui déL'opulence étant un instrument qui facilite, à tout âge, les moyens d'information, donne naturellement du crédit aux opinions de la classe qui en jouit.

Vient ensuite l'autorité derivée de la répu tation, , par où je n'entends pas la réputation spéciale, relative à un art ou une science qui n'est autre que l'autorité des Experts, mais la réputation générale, celle de quelque mérite" supérieur qui est une des causes naturelles de respect.

Observez que de ces autorités, la première est la seule qui possède une force persuasive légitime, c'est-à-dire qu'elle seule, par rapport à l'information, réunit les motifs et les moyens:' dans les autres cas, quels que soient les moyens que possède un homme, en vertu de sa situa-' tion, il ne s'ensuit pas qu'il ait eu les motifs, c'est-à-dire, des motifs assez forts, assez persévérants pour se mettre en possession des moyens.

Au contraire, plus un individu s'élève dans l'échelle du pouvoir ou de l'opulence, plus it est sujet à baisser même au-dessous du niveau commun, par rapport aux motifs de travail et

d'application. Pourquoi? c'est que plus il possède, plus ses désirs sont dans un état de saturation, si j'ose employer cette expression de chimie moins il lui reste de ces désirs non satisfaits qui opèrent sur l'esprit en qualité de motifs, qui lui servent d'aiguillon pour vaincre les difficultés de l'étude.

Mais si l'opinion des Experts forme une base légitime d'autorité, c'est toujours dans la sup position d'une probité parfaite de leur part, de cette branche de probité qui consiste en sincérité: toujours dans la supposition qu'il n'existe point d'intérêt oblique, agissant sur leur opinion pour la pervertir.

Dans le cas contraire, l'entendement de l'individu étant soumis à l'influence d'un intérêt séducteur, plus la masse d'information qu'il possède est grande, moins son opinion doit avoir d'autorité. Si elle doit servir de guide, ce n'est que dans un sens inverse.

Supposez, par exemple, une question relative aux salaires ou aux récompenses pour les services publics, l'opinion de tout homme actuellement en office ou en attente d'office, non-seulement n'est pas égale en autorité, mais elle est inférieure à l'opinion de tout individu sans intérêt personnel à la question. L'autorité des

intéressés n'est pas, dans le langage mathéma tique, égale à o : elle est négative, elle est au-dessous de o, en tant qu'elle fournit une raison en faveur de l'opinion contraire.

Supposez de même une question relative à la réforme de la procédure, tendant à la rendre plus expéditive, plus économique, moins vexatoire, l'opinion d'un homme de loi qui s'enrichit par les vices du système judiciaire n'est pas égale à o; mais dans un sens mathématique, elle est négative, elle est au-dessous de o (1).

Observons toutefois que ce qui détruit son autorité, c'est que son opinion marche dans le même sens que son intérêt; car s'il opinoit contre son intérêt, son autorité n'en seroit que plus grande. Pourquoi ? c'est qu'ayant à un plus haut degré tout ce qui constitue les bases d'un jugement éclairé, quand un homme de cette classe se montre supérieur aux intérêts personnels, la probabilité en faveur de son opinion, toutes choses d'ailleurs égales, est comparativement plus grande.

(1) Molière, dans le mariage forcé, a signalé cet intérêt séducteur par une expression que sa vérité a rendue proverbiale.-- Monsieur Josse, vous étes orfévre.

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