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qui ne sont plus? Ce prétendu' argument ne s'applique à rien; car il ne s'agit pas de savoir ce qu'ont été les morts, mais ce que sont les

vivants.

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En Irlande, où ils forment les trois quarts de la population, il n'y a pas d'exemple, de mémoire d'homme, qu'ils aient maltraité les Protestants comme Protestants, quoiqu'ils aient été tenus par eux dans un état d'oppression bien à les irriter. Mais cet argument pourpropre roit ne pas paroître concluant : s'il ne l'ont pas fait, diroit-on, c'est qu'ils n'ont pas pu le faire avec impunité.

Il faut donc voir ce qui se passe dans les pays où ils dominent : il faut observer l'esprit du Gouvernement en France, en Allemagne, relativement aux Protestants : c'est là un moyen de juger de leurs dispositions actuelles, beaucoup plus sûr que celui qu'on veut tirer des événements passés, à une époque qui fourniroit de quoi faire le procès à toutes les dénominations du Christianisme. Je renvoie à ce qui a été dit au Sophisme des Personnalités.

CHAPITRE VI I.

SOPHISME DES VAGUES GÉNÉRALITÉS.

Il y a une espèce de sophisme qui consiste à

employer des expressions vagues et indétermi nées dans le cas où la nature de la question admet des termes propres et spécifiques.

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Une expression est vague et ambiguë lorsqu'elle désigne un objet qui, considéré sous certains rapports, est bon, et sous d'autres mauvais. S'agit-il d'examiner si cet objet est bon ou mauvais, c'est tomber dans le sophisme d'employer ce terme ambigu, sans vouloir reconnoître cette distinction.

que

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Prenez pour exemple les termes gouvernement, lois, morale, religion termes si généraux, qui embrassent tant de choses, et par conséquent très - susceptibles d'être convertis en instruments d'erreur.

Le genre compris sous chacun de ces termes peut se distinguer en deux espèces, l'une bonne, l'autre mauvaise.

Qui peut nier, en effet, qu'il n'y ait eu et qu'il n'y ait encore dans le monde beaucoup

de mauvais gouvernements, de mauvaises lois, de mauvaise morale et de mauvaise religion?

Cela étant ainsi, cette seule circonstance, qu'un homme attaque le gouvernement, la loi, la morale, la religion, ne fournit pas la présomption la plus légère pour conclure que ce qu'il fait à cet égard ne soit pas bon. Si son attaque n'est dirigéé que sur ce qui est mauvais en ce genre, peut faire du bien, et beaucoup

de bien.

il

Que fait le sophiste? Il écarte avec soin la distinction requise, et il impute à celui qu'il combat le dessein de miner, d'attaquer ou de détruire la chose même désignée par le terme générique.

Dans ce cas, le sophiste présente son argument d'une manière oblique plutôt que directe: il procède par insinuation, sans rien affirmer positivement. Ce qu'on propose, par exemple, c'est la réforme de quelques abus dans le système actuel du Gouvernement, de la religion ou de la loi. Le sophiste évasif vous régale d'une belle oraison, où il exalte la nécessité du gouvernement, de la religion ou de la loi. Quel est le but de cette amplification? Le but est d'insinuer que la mesure proposée a une secrète tendance préjudiciable à l'un ou à l'autre

de ces objets de notre respect. Il éveille le le soupçon sans énoncer rien de positif. S'il eût fait une assertion directe, on se seroit attendu à quelque raisonnement en forme de preuve; mais où il n'y a point d'assertion, il n'y a point de preuve à offrir, il n'y en a point à demander.

De toutes ces dénominations abstraites et ambigues, il n'en est point qui plane plus haut dans cette atmosphère d'illusions, que le mot ordre, le bon ordre. Ce mot est d'un usage merveilleux pour couvrir le vide des idées et pour donner à l'Orateur un air imposant.

Celui qui parle du bon ordre, qu'entendil par-là ? rien de plus qu'un arrangement de choses auquel il donne son approbation et dont il se déclare le partisan.

L'ordre n'est que l'arrangement qui existe dans l'objet que l'on considère le bon ordre est celui qu'on approuve. Qu'étoit-ce que le bon ordre aux yeux de Néron ? celui qu'il lui plaisoit d'établir. Il n'y a point de police gênante, point de règles tyranniques, point d'emprisonnement arbitraire, qui n'aient été considérés par le despote comme nécessaires au bon ordre, et qualifiés comme tels par les esclaves du pouvoir. L'ordre est le mot favori

dans le vocabulaire de la tyrannie. Pourquoi? parce qu'il est applicable au bien comme au mal -parce qu'il ne réveille l'idée d'aucun principe fixe qui puisse servir à motiver la désapprobation.

Au mot ordre, ajoutez social. L'expression paroît un peu moins vague, un peu moins arbitraire. Le mot social présente à l'esprit un état de choses considéré comme favorable au bonheur de la société : mais souvent il n'est employé que pour désigner l'état actuel dans lequel la société existe. Cette guerre, connue dans l'histoire Romaine sous le nom de guerre sociale, n'étoit pas considérée comme contribuant beaucoup au bonheur public; mais elle n'en étoit pas moins appelée la guerre sociale.

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Intérêt, bien-être, bonheur, bien public utilité générale, tous ces termes et d'autres semblables conduisent naturellement l'esprit à l'idée d'un but, d'une règle, d'un principe et même du seul principe, par lequel on puisse estimer ce qu'on doit de blâme ou d'approbation à l'état de choses en question. Mais le mot ordre n'a point d'idée accessoire de cette nature qui puisse importuner un despote. Il n'en résulte aucune indication qui serve à guider le jugement.

« EelmineJätka »