Influence de volonté sur volonté - influence d'entendement sur entendement voilà la distinction radicale, la ligne démarcative entre ce qui est en ce genre injustifiable, ou justifiable, utile ou nuisible.

L'influence d'entendement sur entendement est une influence à laquelle il ne faut donner aucune gêne, qu'il faut laisser régner dans toute son étendue et dans tous les cas, et de la part de tous et envers tous à plus forte raison de la part du Gouvernement par rapport au peuple et aux représentans du peuple.

Ce n'est pas à dire que cette influence soit toujours salutaire : elle peut produire de mauvais effets et dans tous les cas et dans tous les degrés imaginables; mais ôtez cette influence, il est impossible de produire aucun bien; laissezla subsister avec une liberté entière, le remède est toujours à côté du mal.

L'influence d'entendement sur entendement n'est, en un mot, autre chose que l'influence de la raison humaine guide qui peut, comme tous les guides, manquer sa route par erreur, ou égarer frauduleusement, mais guide unique et nécessaire, auquel on ne peut rien substituer.

Dans la Constitution Britannique, c'est à la Couronne, c'est-à-dire au Roi et à ses Ministres

qu'appartient exclusivement la direction des affaires publiques: et, dans tout ce qui dépend des hommes, rien ne peut se faire que par l'influence de l'entendement sur l'entendement, ou par celle de la volonté sur la volonté, excepté les cas où l'on agit par une force physique immédiate.

L'exercice du pouvoir exécutif suppose nécessairement l'influence de volonté sur volonté, car, sans cela, le mot autorité n'auroit aucun sens, et c'est là précisément ce qui distingue un ordre d'avec un simple conseil : un conseil opère par l'influence d'entendement sur entendement un ordre, par l'influence de volonté sur volonté..

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Jusque-là, et tant que cette influence ne s'exerce que sur les personnes qui doivent y être soumises, elle ne peut être exposée à aucune objection raisonnable: elle est légitime, ou le mot légitime doit être effacé du dictionnaire.

Le seul cas, ou du moins le seul cas important où l'on puisse disputer la légitimité de cette espèce d'influence (abstraction faite de l'occasion pour laquelle on l'emploie ), est celui où elle s'applique, soit à des Membres du Parlement, soit à des personnes qui possèdent un vote pour une élection parlementaire..

Ceux qui blâment cette influence du Gouvernement et qui l'appellent illegitime ou lui donnent telle autre épithète de désapprobation, se fondent sur cette raison seule : c'est qu'à proportion que cette influence est exercée et qu'elle est efficace, la volonté que professe l'homme qui donne son vote n'est point en effet sa volonté, mais celle du Gouvernement;

en sorte que si chaque Membre du Parlement, par exemple, étoit soumis à cette influence, et soumis sans exception et sans réserve, la Monarchie ne seroit plus telle qu'on la prétend une Monarchie limitée, mais, dans le fait, une Monarchie absolue limitée seulement dans la forme, et même ne continuant à l'être qu'autant que le Monarque le voudrait ainsi.

Les fonctions d'un Membre du Parlement peuvent se ranger sous trois classes: législatives, judiciaires, inquisitives: les législatives en vertu desquelles chaque Membre, s'il le veut, prend part à la confection d'une loi : les judiciaires, qui sont presque exclusivement exercées par la Chambre des Pairs : les inquisitives, qui ont lieu par une enquête sur des faits, pour servir de base, si le cas le requiert, à quelque mesure législative ou judiciaire. C'est

par enquête qu'on procède, par exemple, pour avérer l'inconduite ou l'incapacité d'un grand Officier de la Couronne, et pour demander au Roi sa destitution.

Mais supposons le cas extrême qui a été décrit ci dessus, toutes ces fonctions sont également illusoires. Toute loi qui est agréable à la Couronne sera non-seulement présentée, mais acceptée toute loi qui lui est désagréable ne sera pas même présentée. Chaque jugement qui est conforme à ses vœux passera sans difficulté tout jugement qui leur est contraire ne passera point. Chaque enquête qui lui convient se fera de suite: toute enquête qui ne lui convient pas sera supprimée : et, en particulier, quelles que soient les malversations des Officiers de la Couronne, à moins que le Roi n'y consente, il n'y aura plus d'appel au Roi pour leur renvoi, c'est-à-dire qu'il n'y aura plus d'appel car si le Roi est mécontent d'eux, il les renverra de lui-même, et s'il ne l'est pas, toute plainte ne seroit que du temps perdu.

Parvenue à ce point extrême que j'ai supposé, l'influence de la Couronne seroit universellement considérée comme une influence sinistre:

il n'y a pas, peut-être, un seul individu qui osât ouvertement énoncer une opinion contraire.

Mais entre les Membres du Parlement, il en est plusieurs (et c'est un fait incontestable) sur qui cette influence influence de volonté sur volonté — est exercée : car qu'elle produise son effet ou non, elle est toujours exercée sur un homme qui possède une place lucrative qu'on peut lui ôter, ou, pour mieux dire, elle s'exerce d'elle-même, et d'autant plus sûrement, qu'il n'est pas besoin, de la part du Ministre, qu'il fasse un acte exprès, ou qu'il signifie une volonté à un individu placé dans de telles circonstances. Sa docilité est sous-entendue, et le mécanisme est d'autant plus parfait, qu'il n'a pas besoin d'être remonté par une main étrangère.

Voici donc la grande question en dispute.

Selon les uns, de toute cette influence de volonté sur volonté exercée sur un Membre du Parlement par la Couronne, il n'y en a pas une seule particule de nécessaire, pas une d'utile, pas une qui ne soit pernicieuse ; et, en conséquence, ils la désignent constamment sous le nom d'influence corrompue ou corruptrice, ou, en un seul mot, de corruption,

Mais il en est d'autres qui pensent, ou du moins qui soutiennent que cette influence, soit en totalité, soit en partie, n'est pas seulement