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innocente, mais qu'elle est utile, et non-seulement utile, mais absolument nécessaire pour maintenir la Constitution dans un état de vi

gueur; et parmi les adhérents de cette dernière opinion, se trouvent naturellement tous. ceux qui ont part aux avantages dont cette influence se compose.

Voici donc l'usage et l'application de ce genre de sophisme.

Le mot corruption étant approprié à désigner cette espèce d'influence par ceux qui la condamnent, et ayant un sens de blâme, il s'ensuit qu'il ne sauroit être employé par ceux qui la défendent, sans leur donner un air de contradiction ou de paradoxe. Ainsi, pour la désigner saus choquer les sentiments reçus, il faut trouver tout au moins un terme neutre, et ce terme est influence.

En effet, l'influence, prise en général et sans la distinction que nous avons faite, ne peut pas être condamnée in toto. Celui qui veut défendre le tout ensemble, bon et mauvais, doit donc s'arrêter à ce terme commode, et ne point sortir de ce retranchement.

CHAPITRE IX.

QUOIQUE

DISTINCTION SIMULÉE.

UOIQUE ce Sophisme soit du même genre que le précédent, puisqu'il tient à l'ambiguité des termes, il en diffère toutefois par la forme. Dans le précédent, on cherche à éluder une distinction, à confondre, sous un même mot, des choses très-différentes. Dans celui-ci, on cherche à tromper par une distinction simulée. Mais on fera mieux connoître la nature de ce sophisme sous la forme d'une instruction pour l'employer.

mauvais

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Étant donné un certain état de choses trop être défensible in toto, pour la réforme proposée étant trop évidemment désirable pour être rejetée in toto sous son vrai nom, — appliquez-y, si le cas le permet, une distinction simulée, par laquelle vous placez sous un nom eulogistique tout le bien dont la chose est susceptible, et sous un nom dislogistique tous les mauvais effets qu'elle peut au moyen de cette distinction, ou purement nominale, ou très-obscure et très-vague, et

avoir :

que vous vous garderez bien d'éclaircir ou de déterminer, vous pourrez très-commodément louer la chose en question sous son nom eulogistique, et la condamner sous son nom dislogistique. Si la distinction n'est qu'apparente ou si elle est très-confuse, vous vous en faites un retranchement dans lequel vous ne pouvez pas être forcé. Vous ne paroissez point vous opposer à la réforme proposée; au contraire, vous l'approuvez sous un nom, mais vous la combattez efficacement sous un autre.

Prenons pour exemple la liberté et la licence

de la

La

presse.

presse a deux usages distincts, l'un moral ou intellectuel, l'autre politique. L'usage moral comprend tout ce qu'elle peut faire pour améliorer la vie privée, ou s'opposer à la mauvaise conduite des individus privés. L'usage politique comprend tout ce qu'elle peut faire pour améliorer le Gouvernement, ou pour s'opposer aux fautes et aux erreurs des hommes publics : ce qui se fait en donnant à ces fautes et à ces erreurs ce degré d'évidence et de publicité qui les expose à un blâme proportionnel de la part de la Communauté qu'ils gouvernent.

Si les fautes des hommes publics ne sont pas soumises à ce genre de frein, il s'ensuit que

dans tous les cas où elles ne se rangent pas dans la classe des délits positifs punissables par les lois, elles n'en ont aucun, et que s'ils sont à couvert des peines légales, ils peuvent d'ailleurs exercer un pouvoir arbitraire sans contrôle et sans examen.

Il ne faut pas oublier que, par rapport à ces malversations qui, si elles étoient prouvées, les exposeroient à des peines légales, ces hommes publics ont une sécurité qu'ils doivent à leur situation même,-par la difficulté de les poursuivre, par leur crédit personnel, ou par

un système de procédure si long, si ruineux si vexatoire, qu'il rend le temple de la Justice inaccessible à des individus opprimés et isolés.

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Mais en même temps, la presse ne sauroit être absolument libre sans donner lieu à des abus sous prétexte de relever les fautes des hommes publics, on leur en attribuera qu'ils n'ont jamais commises; et quand les imputations sont trouvées fausses, il est très-naturel que non-seulement celui qui souffre, mais encore tous ceux qui sont instruits de cet excès, le caractérisent par le terme de licence.

Ici se présente le dilemme. Un choix à faire entre deux maux : admettre toutes les im

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Cependant s'il est un moyen de prévenir les imputations injustes sans donner l'exclusion à celles qui sont justes, on auroit gagné un grand point. Mais jusqu'à ce qu'on ait trouvé ce moyen, tout ce qui restreint la liberté de la presse est plus nuisible qu'utile (1).

Ce moyen, qui préviendroit le mal sans porter atteinte au bien, ne peut exister que par une détermination précise, une définition claire et complète du terme, quel qu'il soit (libelle ou autre), par lequel on désigne l'abus ou l'usage pernicieux de la presse.*

La fixation du délit n'appartient qu'à ceux qui ont l'exercice du Pouvoir suprême.

Mais ils n'ont jamais donné cette définition, et on ne sauroit raisonnablement l'attendre de leur part, puisqu'elle tendroit à diminuer leur pouvoir.

Jusqu'à ce que cette définition soit donnée, la licence de la presse est la révélation de tout abus qui peut nuire aux intérêts des personnes constituées en autorité, ou les exposer à quelque honte. La liberté de la presse est la publi

(1) Ceci sera prouvé dans un autre article. Voyez Sophisme qui protège les prévaricateurs officiels.

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