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qui lui paroît mauvaise. Il ne peut ni parler ni voter contre son opinion, sans s'écarter des règles de probité les plus incontestables.

Comment s'y prend-on pour justifier ce système de mauvaise foi?

1.° On prétend qu'un parti est le seul moven d'agir, d'établir une surveillance, de donner une marche constante et régulière, soit au Ministère, soit à l'Opposition. Ce qu'on prouve très-bien, c'est qu'il résulte d'un parti plus de force et plus de persévérance pour atteindre à son but; mais on ne prouve pas que cette force et cette persévérance tournent au bien public.

L'histoire des partis, soit dans les Républiques, soit dans les états mixtes, seroit une réponse bien forte à ces assertions.

2.° Après avoir posé en principe qu'un parti étoit nécessaire, on fait aisément une vertu de ce qu'on appelle fidélité à ce parti : en sorte qu'un individu n'est plus jugé par sa conduite par sa sincérité, par l'indépendance de son opinion, mais uniquement par sa constance à soutenir ceux avec lesquels il fait cause commune.

3. On affecte de regarder la véracité en politique, comme une morale de petit esprit, comme une preuve de simplicité et d'igno

rance du monde et la crainte qu'ont tous les hommes de passer pour dupes, leur fait adopter,. relativement à leur conduite publique, des maximes qu'ils réprouvent dans toutes les actions ordinaires de la vie.

On seroit un peu moins fier de cette fidélité à un parti, si on considéroit de quoi ce sentiment se compose : l'indifférence sur les moyens, la dépendance dans les opinions, l'habitude de parler contre sa pensée, l'emploi habituel du sophisme voilà ce qu'il faut pour bien remplir le rôle de partisan. Il n'exige aucune étude, aucune connoissance de l'homme en général, aucune de la législation moins on a de principes généraux, plus on est propre à soutenir ce facile personnage.

Pour embrasser ce plan de guerre personnelle, on n'a qu'à suivre la pente de son intérêt particulier ou de ses passions. Tout ce qu'il faut de raisonnement se borne à se demander ai-je à gagner ou à perdre en combattant pour ou contre? cet homme me plaîtil ou me déplaît-il ?

Mais, dira-t-on, si je n'attaque pas, dans tous les points, le plan de mon ennemi, je le laisserai s'accréditer, se fortifier dans son poste, et usurper de la réputation par quelques me

sures comperativement insignifiantes, qui même en faisant un certain bien, ne servent qu'à tromper le public.

Soyons justes: avouons que pour un homme qui aime sincèrement son pays, et qui désire la réforme des abus, il doit être pénible de concourir, en certains points, avec un Ministère qui lui paroît moins capable qu'un autre, et qui, en conservant le pouvoir, prive la Nation des services supérieurs d'une administration plus patriotique et plus éclairée.

Mais une autre considération à faire, quoiqu'elle n'échappe que trop à l'esprit de parti, c'est qu'on ne peut juger des hommes que par leurs mesures, et que les mauvaises mesures font seules les mauvais Ministres. Si ceux que vous combattez sont tels que voas les supposez, ils ne tarderont pas à vous fournir des occasions de les combattre sans aucun préjudice à votre sincérité. Si ces occasions légitimes vous manquent, l'imputation d'incapacité ou de malversation paroît être ou fausse ou prématurée.

Si parmi ces mesures, il en est plus de mauvaises que de bonnes, l'opinion publique doit tourner nécessairement en votre faveur. Car on ne sauroit douter qu'une mauvaise mesure

ne soit beaucoup plus facile à attaquer qu'une bonne. La mesure proposée par le Ministère est-elle bonne? on ne peut la combattre sans risquer une partie de son crédit. Est-elle mauvaise ? non-seulement on ne risque rien à se déclarer contre elle, mais encore on y trouve un bénéfice pur en accroissement d'influence. Si on n'obtient rien immédiatement sur les votes de l'assemblée, on obtient beaucoup en se la rendant plus propice: on ne recueille aucun succès momentané, mais on sème pour le futur; c'est le gain d'un poste d'où l'on combat avec plus d'avantage. Le Ministère, tout victorieux qu'il peut être dans le résultat, sent bien ce qu'il perd dans l'opinion: ses amis se refroidissent, et ses antagonistes prennent courage. Il pourra dire, comme Pyrrhus : « encore une victoire comme celle-ci, et nous sommes perdus. >>

En attaquant de bonnes mesures, un parti court le risque ultérieur de contrarier ses propres fins. Il se met dans une espèce d'impuissance de faire lui-même le bien qu'il a repoussé quand il étoit offert par ses ennemis. Vient-il à succéder à son pouvoir? il se trouve embarrassé par ses opinions antérieures souvent forcé de se contredire. Il est obligé,

et

par exemple, de maintenir des modes d'impôt qu'il avoit attaqué, et l'attente du public trompé se tourne en reproches amers auxquels il est difficile de répondre.

Tout bien examiné, la candeur est la plus saine politique, celle qui sert le plus à la longue. Louer uu adversaire quand il le mérite, c'est acquérir un fonds de crédit qu'on peut faire valoir contre lui quand il se met dans son tort. Les coups feront plus d'impression quand ils ne seront pas portés à l'aventure. On entend souvent dire en Angleterre : « Si l'Op

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position étoit à la place du Ministère, elle feroit
ce qu'elle blàme si le Ministère étoit à
:
place de l'Opposition, il attaqueroit ce qu
justifie. » Ce jugement, plus ou moins via
se fait comme par instinct; et il est fondé su
ce plan d'attaque personnelle, souvent incom
patible avec la bonne foi.

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Y a-t-il quelque raison particulière en Angleterre qui nécessite l'existence d'un parti et d'une coopération de ce parti, non contre telle ou telle mesure, mais contre l'administration en général? c'est une question très - curieuse qui ne pourroit se résoudre qu'en examinant si l'influence de la Couronne va trop loin, si le Parlement n'est pas trop indépendant de la

DERECHO

RIP

« EelmineJätka »