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volonté nationale. Quand on en conclurroit à la nécessité d'un parti, le résultat n'en seroit pas que ce fût là le meilleur régime politique, mais que c'est un remède nécessaire dans l'état actuel des choses. Les observations qu'on a présentées dans ce chapitre n'en seroient pas moins foudées; elles tendroient même à donner à ce parti une direction plus juste et plus avantageuse.

Quand on adopte, en système, le plan de guerre personnelle, on dirige ses attaques non vers ce qui est le plus pernicieux, mais ce qui est le plus impopulaire.

On laisse en repos les grands abus, les mauvaises lois, les institutions défectueuses, parce qu'il y a peu de popularité à espérer de ce genre d'attaque: mais on se jette sur des accidents malheureux, sur de petites transgressions, sur des fautes d'imprudence ou d'ignorance, sur ce qui peut exciter l'antipathie contre des individus.

G

Un parti est, sous un point de vue, un gardien très-vigilant et très-actif; mais si son principal objet est de succéder au pouvoir, il ne voudra pas diminuer la valeur de la succession. Il aura un intérêt dans le patrimoine des abus, et les regardera d'avance comme le fruit de la victoire.

QUATRIÈME PARTIE.

DÉDUCTIONS GÉNÉRALES.

CAUSES DES SOPHISMES.

NOUS

ous avons à indiqué chaque sophisme la source dont il dérive, c'est-à-dire l'espèce de besoin qui occasionne la demande, la cause qui détermine les uns à l'employer, les autres à le recevoir. Passons maintenant à la recherche des causes générales qui font recourir à ces moyens trompeurs de persuasion, et qui leur donnent de l'ascendant. On peut les ranger sous quatre chefs.

1. Un intérêt séducteur reconnu pour tel par celui qui s'y abandonne.

2. Des préjugés fondés sur un intérêt qui agit à l'insçu de celui qu'il gouverne.

5. Des préjugés fondés sur l'autorité.

4.° La défense de soi-même ou l'utilité supposée du sophisme.

CHAPITRE PREMIER.

Première cause des sophismes.

INTÉRÊT SÉDUCTEUR RECONNU POUR TEL PAR CELUI QUI S'Y LIVRE.

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N homme public est continuellement sounis à l'influence de deux intérêts distincts, l'intérêt général et l'intérêt privé.

L'intérêt général est constitué par sa participation au bonheur de la Communauté entière: l'intérêt privé, par la part qu'il a dans les avantages d'une fraction de la Communauté. Cet intérêt privé peut aller en se resserrant jusqu'à n'être que son intérêt personnel.

Or, dans un grand nombre de cas, ces deux intérêts ne sont pas seulement distincts, ils sont entièrement opposés; au point que le même individu ne peut s'attacher à la poursuite de l'un qu'en faisant le sacrifice de l'autre.

Prenez pour exemple l'intérêt pécuniaire. L'homme public qui a entre ses mains la disposition du revenu de l'État, trouveroit son intérêt personnel à augmenter, autant que possible, le produit des impôts, et à le tourner à son avantage l'intérêt général, au contraire,

y compris le sien autant qu'il est uni à celui de de la Communauté, demande que les impôts soient réduits à leur moindre terme, et que leur Administrateur n'en puisse pas détourner la plus foible partie à son avantage personnel.

Prenez pour autre exemple le pouvoir. L'homme public, entant que Prince, Ministre ou Magistrat, trouveroit son intérêt privé et personnel, à l'extension de sa puissance, aux dépens de la liberté publique, jusqu'au point où toute résistance à son autorité seroit impossible. L'intérêt général, au contraire, y compris celui des gouvernants eux-mêmes, entant qu'il est uni à celui de la Communauté, est de limiter le pouvoir le plus qu'il est possible, sans nuire à son efficacité pour faire le bien, c'est-àdire, de réduire à son moindre terme le sacrifice de la liberté individuelle.

A considérer, non un certain moment de la vie d'un individu, mais sa totalité, on peut affirmer qu'il n'est point d'homme qui, autant que la chose dépend de lui, ne sacrifie la part qu'il a dans l'intérêt général à son intérêt privé ou personnel. Tout ce que peut l'homme vertueux, l'homme attaché sincèrement au bien. public, c'est de s'arranger de manière que son intérêt personnel soit d'accord avec l'intérêt

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général, ou du moins qu'il lui soit aussi peu contraire que possible.

Si c'est là un vrai sujet de plainte et de regret, si cet ascendant de l'intérêt privé sur l'intérêt public est un mal, il n'en est pas moins important de le connoître, puisqu'il existe, et que les lamentations des Moralistes ne changent point la nature des choses. Il importe surtout au Législateur de ne pas se tromper sur la disposition naturelle du cœur humain, de prendre ses mesures sur ce qui est, et de calculer la résistance qu'il doit vaincre.

Mais plus on se forme des notions justes à cet égard, plus on est convaincu que cet ascendant de l'intérêt personnel sur un intérêt plus étendu, n'est point un sujet légitime de plainte. Tout au contraire; car la continuation de chaque espèce et la conservation de chaque individu sont attachées à ce sentiment de préférence que chacun se donne à soi-même. La ! nature a voulu que l'intérêt personnel fût notre premier régulateur. C'est lui qui veille à la sûreté de chaque individu; c'est lui qui fait aller de concert les besoins et les attentions pour y pourvoir; c'est lui qui nous fait sortir de la dépendance d'autrui, et qui exécute spon. tanément cette multitude infinie de mouvements

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