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ART. IV.

La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent étre déterminées que par la loi.

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OBSERVATIONS.

N

Cet article renferme trois propositions. :. 1.° La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.

Cela est-il vrai ? Est-ce là le sens ordinaire de ce mot? La liberté de faire du mal n'estelle pas liberté? Si ce n'est pas liberté, qu'estce donc, et de quel mot pourra-t-on se servir pour en parler? Ne dit-on pas qu'il faut ôter la liberté aux fous? Ne dit-on pas qu'il faut ôter la liberté aux méchants parce qu'ils en abusent?

Vous devez dire courageusement aux hommes que les lois ne sont faites que pour régler et

restreindre leur liberté mais vous craignez de les offenser, et que faites-vous ? vous avez recours au petit artifice de donner à ce mot une définition fausse, de le prendre dans un sens contraire à son acception commune, et vous, Législateur, vous parlez une langue qui n'est celle de personne.

D'après cette définition, je ne saurois done. jamais si j'ai la liberté de faire une chose, avant d'avoir examiné toutes ses conséquences. Si telle action me paroissoit nuisible à un seul individu, me fût-elle permise et même ordonnée par la loi, je ne serois pas libre de la faire. Un Officier de justice n'auroit pas la liberté de punir un voleur, à moins d'être bien sûr que cette peine ne peut pas nuire à ce voleur. C'est une absurdité extrême, mais elle est nécessairement impliquée dans la définition.

Autrui est ici un mot très-impropre. I semble que le Législateur ne pourroit pas ôter aux individus la liberté de se faire du mal à euxmêmes, qu'il ne pourroit protéger ni homme, ni femme, ni enfant, ni imbécille contre leur ignorance ou leur imprudence. Vous m'avez garanti ma liberté, diroient-ils; elle consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, mais il m'est permis de faire tout ce qui ne nuit qu'à moi-même.

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2. Ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.

Cet article déclare comme vrai partout, ce qui est faux partout. Qu'on cite un seul Gouvernement où les choses soient ainsi. S'il y avoit une telle législation dans le monde, cette législation seroit arrivée à la perfection absolue.

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3. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Des bornes! il y a un moment que ces droits étoient illimités et imprescriptibles. Vous me parliez d'une liberté qui étoit mon droit naturel, et vous me dites maintenant que c'est à la loi seule à régler l'usage de ma liberté. Vous m'avez trop donné et vous m'ôtez trop. Vous avez commencé par établir mon indépendance absolue, et vous me replacez dans une dépendance totale. N'est-ce pas me traiter comme un Prince imbécille à qui l'on accorderoit une pleine puissance, à condition de ne s'en servir que d'après un code qui régleroit ses moindres actions?

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Pour parler clairement et raisonnablement voici ce qu'on auroit pu dire dans cet article.

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«La loi doit laisser aux sujets une liberté entière, concernant les actes dont l'exercice n'a rien de préjudiciable à la communauté, soit immédiatement des conséquences éloignées. >>>

soit J

par

« L'exercice des droits accordés à chaque individu ne doit avoir d'autres bornes légales que celles qui sont nécessaires pour maintenir chaque individu dans la possession et l'exercice des mêmes droits, autant que le plus grand bien de la communauté le permet ainsi. >>

« Il ne doit appartenir qu'au Législateur suprême de déterminer ces bornes cela ne doit être permis à aucun autre individu, soit qu'il possède ou non quelque autorité subordonnée. »

ART. V.

A loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empéché ; et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

OBSERVATIONS.

1. Ce n'est plus la loi ne peut pas, mais la loi n'a pas le droit. Plus d'ambiguité, plus de masque. Maxime d'insurrection, principe universel d'anarchie. Prenez une action quelle qu'elle soit, si la loi n'a pas le droit de la défendre, la loi qui la défend est nulle; le Magistrat qui veut l'exécuter, est un oppresseur; la résistance est un devoir, et la soumission un crime envers la patrie.

Dire que la loi ne devroit défendre que les actions nuisibles à la société, c'étoit poser une maxime vraie et raisonnable. Une législation conforme en tout à cette maxime, seroit arrivée à sa perfection. Mais cette perfection est-elle possible? est-elle dans la nature humaine?

« EelmineJätka »