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ART. VIII.

La loi ne doit établir que des peines stric

A

tement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie antérieurement au délit, et légalement appliquée.

OBSERVATIONS,

La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. C'est une maxime une instruction pour guider les Législateurs dans la formation du Code pénal. Mais cette instruction est bien stérile, puisqu'elle se borne à montrer le but, sans indiquer aucun moyen d'y arriver, sans examiner si la règle prescrite est d'une exécution possible.

Que suppose en effet cette maxime? que dans le cas de chaque délit, on peut trouver une peine si bien adaptée à ce délit, si bien proportionnée à sa gravité, que la nécessité de cette peine, à l'exclusion de toute autre, est susceptible d'être portée jusqu'à l'évidence.

Mais cela n'est pas vrai, c'est un degré de perfection chimérique. On ne trouvera jamais, pour chaque délit, ni même pour ancun, des peines dont on puisse démontrer qu'elles sont strictement et évidemment nécessaires. Elles seront toujours susceptibles de plus et de moins, selon une multitude de circonstances qu'il est impossible de déterminer et même comme chaque individu par son caractère juge différemment de la sévérité d'une peine, il est impossible d'en trouver qui obtiennent le même degré d'approbation : l'évidence n'appartient donc pas à ce sujet. Il faut se contenter de la plus grande probabilité dont chaque cas est susceptible.

Quand les auteurs de cet article commandoient si légèrement la pierre philosophale de la legislation, il est clair qu'ils n'avoient aucune idée distincte de leur sujet, qu'ils n'en possédoient pas les éléments. Mais c'étoit le jargon familier des cercles de Paris, où l'on faisoit des lois si facilement, où l'on ne se fatiguoit point l'esprit par l'exactitude et la précision des idées, où tout étoit décidé quand on avoit renfermé quelque notion prétendue philosophiques dans une phrase imposante et sonore. sig at

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OUT

ART. IX.

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Tour homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne seroit pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement reprimée par la loi.

OBSERVATIONS.

Cet article est louable dans son objet, mais il exprime bien mal ce qu'on découvre dans l'intention des Législateurs.

La première maxime, quoique triviale, n'en est pas plus conforme à la raison

et si elle étoit vraie, elle renverseroit le règlement qu'elle est destinée à justifier.

Dire qu'un homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré ou jugé coupable, c'est dire une absurdité. Il doit être présumé innocent aussi long-temps qu'il n'y a a point d'accusation portée contre lui, ou mieux encore, aussi long-temps qu'il n'y a point de circonstance qui fasse présumer le

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contraire. Mais une accusation est déjà upe présomption qu'il peut être coupable, et dire qu'il est encore présumé innocent, c'est dire qu'il n'y a point de raison pour le priver de sa liberté. La seule justification de son arrêt, c'est qu'on ignore s'il est innocent ou coupable. Supposez-le coupable, il doit être puni. Supposez-le innocent, il ne doit pas être détenu. Voilà le langage du simple bon

sens.

bien

Il suffisoit de dire que toute rigueur non nécessaire, devoit être reprimée par la loi. Sévèrement est une expression violente choisie pour un discours inflammatoire, mais peu convenable pour un objet d'instruction.

ART. X.

NUL ne doit être inquiété pour ses opinions

méme religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

OBSERVATIONS.

Le droit de chaque citoyen de choisir son eulte ou de professer, sous certaines réserves, une religion différente de la religion le plus généralement admise dans l'Etat, est certainement une liberté qu'il étoit convenable d'établir. Mais cet article de la déclaration ne lui donne qu'une sauve-garde bien précaire. Ce qu'on accorde n'est accordé qu'à une condition qui peut sans cesse l'anéantir. Troubler l'ordre public, qu'est-ce que cela signifie? Louis XIV n'auroit pas hésité à faire passer cette clause dans son Code. La loi sous son règne excluoit sévèrement l'exercice de toute autre religion que la sienne, et défendoit la publication de tout écrit en faveur de la religion Protestante. Auroit-on pu violer la loi sans troubler l'ordre public?

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