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narque, le Salomon de son temps, étoit de pouvoir tourmenter et brûler ceux qui avoient le malheur de ne pas connoître aussi bien que lui la composition, de la nature Divine.

Sous Charles II, après que Bacon avoit tracé le plan de la saine philosophie, vous trouvez sur le premier siége de la Justice un homme qui est encore le coryphée de la loi anglaise, le Juge Hale, qui ne savoit pas définir, comme il le dit lui-même, ce qu'étoit le larcin, mais qui savoit trop bien ce qu'étoit le sortilège, et qui, pour ces deux délits, condamnoit des hommes à mort sans aucun scrupule, au milieu des applaudissements universels des savants et des ignorants de ce beau siècle.

La liturgie des Catholiques contient, sous le nom d'Exorcisme, une forme de procédure pour expulser les diables qui se sont emparés du corps humain bien entendu que cette. opération. ne pouvoit réussir qu'entre les mains d'un opérateur dûment privilégié.

De nos jours, on est parvenu à se procurer. une entière sûreté contre toutes les Puissances infernales, par un moyen plus simple et moins coûteux. Depuis que le peuple a su lire et qu'on a imprimé des journaux, les revenants,

les spectres, les vampires, les sorciers ont pris la fuite pour ne plus revenir. Mille espèces de superstitions qui naissoient de celle-là, toutes faites pour dégrader la raison, pour remplir la vie de terreurs, ont cédé au même talisman; et on conçoit à peine aujourd'hui que ces absurdes opinions aient pu trouver créance autrefois, non-seulement dans le peuple, mais parmi ses conducteurs temporels et spirituels. S'il est ridicule de vanter la sagesse des anciens temps, il ne l'est pas moins d'en vanter la probité. Nos ancêtres nous ont été inférieurs en probité comme en tout le reste. Plus on regarde en arrière, plus on trouve d'abus dans la religion et dans le gouvernement: c'est la violence de ces abus qui a produit les degrés comparatifs de réforme dont nous sommes si fiers. Il a fallu commencer par sortir de la servitude, qui étoit le lot des neuf dixièmes. du genre humain. Qu'on choisisse dans les époques antérieures celle qu'on voudra n'en est aucune qui présente un état de choses dont un homme sensé pût désirer le rétablissement total.

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On se laisse enthousiasmer par quelques beaux traits, par quelques grands caractères ; mais on est dupe d'une illusion d'optique his

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torique; ces beaux traits ces grands caractères semblent se placer tous ensemble pour nous donner une idée très - fausse de leur nombre et de leur contiguité. C'est ainsi que de loin, on croit voir une forêt touffue où on ne découvre en approchant que des arbres dispersés à une grande distance.

Mais faut-il donc agir et raisonner comme si nous n'avions point eu d'ancêtres ? Tout ce qu'ils ont fait, tout ce qu'ils ont pensé, doitil être compté pour rien? Devons-nous mépriser tous leurs exemples, et nous considérer comme si nous étions au lendemain de la création ?

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Cette manière de raisonner seroit encore plus absurde et plus dangereuse que celle que je combats. Nos ancêtres ont été ce que nous sommes, ils ont senti les maux ils ont cherché des remèdes ; leur pratique forme une grande partie de notre propre expérience; ce qu'ils ont trouvé de bon en tout genre est notre héritage; et surtout les bonnes lois qui en vieillissant acquièrent un mérite de plus, celui d'être mieux amalgamées aux mœurs, aux habitudes nationales, et d'avoir leur preuve toute faite. Mais dans les âges précédents comme dans le nôtre, et plus en

TEESITARIA

core que dans le nôtre, tous ceux qui avoient en main le pouvoir s'occupoient plus de leur intérêt personnel que de l'intérêt public; ils ne trouvoient pas dans une opinion éclairée un frein puissant. La corruption, par rapport aux abus, étoit la même fet l'antidote étoit plus foible.

Les matériaux utiles que fournissent les anciens temps ne sont pas les opinions, ce sont les faits. L'instruction qu'on peut tirer des faits. est indépendante de la sagesse des opinions; et même entre celles-ci, les plus folles sont peut-être les plus instructives. Une opinion. insensée conduit à des actions insensées, et les désastres qui en résultent produisent les avertissements les plus salutaires.

La folie de nos ancêtres est donc plus instructive pour nous que leur sagesse et cependant, ce n'est pas à leur folie, mais à leur sagesse que nous réfèrent, pour notre instruction, les prétendus sages de notre temps.

Mais en supposant que nos ancêtres fussent aussi bons juges de leurs intérêts que nous le sommes des nôtres, s'ensuit-il que leur opinion doive faire autorité pour nous ? non, puisqu'elle n'étoit point formée sur l'état des faits actuels, et qu'en faisant des lois pour eux,

DERECHO

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ils n'ont pas pu imaginer quelles seroient les circonstances où nous serions placés. La connoissance des faits est la première base d'un bon jugement, et cette base manque toutes les inductions qu'on veut tirer de l'autorité. Vouloir se guider par les opinions d'un autre siècle, ce seroit faire comme un voyageur qui, pour aller de Paris à Rome, aimeroit mieux -se fier à un itinéraire du douzième siècle qu'aut livre de poste le plus récent.

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