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être nuisible, à moins d'une longue préparation. Leur donner la liberté subitement, c'étoit les jeter dans l'oisiveté, dans la misère et dans tous les crimes qui en sont les résultats naturels.

Tout écrivain peut débiter ou faire débiter ses productions, et il peut les faire circuler librement tant par la poste que par toute autre voie, sans avoir jamais à craindre aucun abus de confiance. Je ne dis rien encore sur les dangers de cette liberté illimitée, -- mais je ne puis m'empêcher de faire observer la niaiserie de l'expression. L'auteur vouloit dire que tout abus de confiance seroit un délit : mais ce qu'il dit, c'est que le délit est impossible, tellement impossible qu'on n'a point à le craindre, comme s'il suffisoit de cette déclaration pour que le Gouvernement ou les particuliers n'eussent plus la faculté de commettre un abus de confiance.

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Les lettres, en particulier, doivent être sacrées pour tous les intermédiaires qui se trouvent entre celui qui écrit et celui à qui il écrit.

Examinons-le style et la chose. Ce mot sacré que signifie-t-il ? qu'elle manière de parler pour un Législateur? Quoi! il suffit de mettre une calomnie, un plan de conspiration, un

projet d'assassinat dans une lettre, pour que

cette lettre soit sacrée ? L'ouvrir sera un

l'on re

sacrilége? Ce délit si c'en est un, sera rangé dans cette classe de délits que garde vulgairement comme les plus grands! ce sera un attentat contre la Religion, contre Dieu même !

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Quant à l'acte lui-même, est-il de l'intérêt public que le Gouvernement puisse ouvrir les lettres? Voilà la question. Si la loi le lui défend, la poste devient un instrument terrible entre les mains des malfaiteurs et des conspirateurs. Dans l'intention de protéger les communications des individus la loi expose le public au plus grand des dangers. Il est des crimes. si nuisibles qu'on ne doit se priver d'aucun des moyens de les prévenir on de les mettre en évidence. Peut-on dire que la crainte d'avoir ses lettres ouvertes gêne les correspondances honnêtes, les liaisons de commerce, les épanchements de l'amitié ?

Il est vrai que si la simple confidence de sentiment entre particuliers pouvoit constituer un crime, l'ouverture des lettres pourroit devenir un moyen terrible de tyrannie. Mais c'est là qu'il faut placer les précautions pour empêcher l'abus. C'est ce qu'on a fait en An

gleterre, où le Secrétaire d'État peut faire ouvrir les lettres, selon sa prudence, sans que cela soit permis à aucun autre.

Tout homme est pareillement le maltre d'aller ou de rester, d'entrer ou de sortir et même de sortir du royaume et d'y rentrer, quand et comme bon lui semble.

Il ne s'agit pas ici du citoyen seulement, mais de tout homme, de tout étranger comme de tout François. Tous sont maîtres d'aller ou de rester, d'entrer ou de sortir, de sortir du royaume et d'y rentrer comme bon leur semble. L'absurdité ne peut aller plus loin. La police n'a-t-elle rien à dire ? Ne peut-on point interdire de passages, fermer d'édifices publics, empêcher d'aller et de venir dans des places. fortes, etc. etc. Avec ce droit illimité, comment s'avise-t-on d'avoir des prisons et d'y renfermer des malfaiteurs? Comment l'auteur de cette déclaration a-t-il toléré les lois contre les Émigrés ? Ces lois n'étoient-elles pas le démenti le plus formel aux droits de l'homme ?

Je n'impute pás ces intentions extravagantes à l'auteur de l'article. Il a terminé le précédent par ces mots : la loi seule peut marquer les bornes qu'il faut donner à cette liberté comme à toute autre, et je suppose que le mot

pareillement à la tête de celui-ci annonce que la liberté d'aller et de venir est soumise à la même restriction. Mais alors la proposition qui semble dire beaucoup, ne dit rien du tout. « Vous pouvez tout faire excepté ce que les »lois vous défendent. » Dangereuse ou insignifiante, voilà l'alternative où l'on se trouve sans cesse dans cette déclaration.

Enfin tout homme est le maître de disposer de son bien de sa propriété et de régler sa dépense ainsi qu'il le juge à propos.

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Ici point de restriction légale. La proposition est illimitée. Si par disposer de son bien l'auteur entend qu'on en peut faire tout ce qu'on veut, la proposition est absurde à l'extrême. N'y a-t-il pas des limites nécessaires à l'emploi de la propriété ? Un homme devroit-il avoir le droit de faire après sa mort des fondations, soit religieuses, soit anti-religieuses aux dépens de sa famille ? La loi ne doit-elle pas même empêcher un individu de déshériter ses enfants sans cause assignable?

Régler sa dépense comme il le juge à propos, est une bonne expression de ménage: un maître peut parler ainsi à son intendant, Mais est-ce là le style d'un Législateur? Les mineurs, les insensés, les prodigues doivent

être sous des restrictions positives pour leurs dépenses. Il est des cas où de certaines lois somptuaires peuvent être convenables. On peut avoir de bonnes raisons d'interdire les jeux de de hasard, les loteries, les festins publics, les donations à la manière des Romains, et mille autres espèces de dépenses.

La loi n'a pour objet que l'intérêt commun, elle ne peut donc accorder aucun privilége à qui que ce soit.

La première proposition est fausse dans le fait. La loi ne doit avoir pour objet que l'intérêt commun voilà ce qui est vrai. Cette erreur revient perpétuellement dans le cours de ce petit ouvrage.

Mais la conséquence qu'on tire de ce prinoipe est-elle juste? Ne peut-il pas y avoir des priviléges fondés sur l'intérêt commun?

Dans un sens, tous les pouvoirs sont des priviléges, dans un autre sens, toutes les distinc tions sociales en sont aussi. Un titre d'honneur un Cordon, un ordre de Chevalerie sont des priviléges. Faut-il interdire au Législateur l'emploi de tous ces moyens rémunératoires?

Il est un genre de privilége très - certainement avantageux,- celui qu'on accorde en Angleterre pour un temps limité à l'inventeur

« EelmineJätka »