Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][ocr errors]

4. Ils entraînent toujours une perte de temps et un affoiblissement d'attention pour les objets que l'on discute.

5. Ils supposent, de la part de ceux qui les emploient ou qui les adoptent, un défaut de sincérité ou un défaut d'intelligence.

6. Plus ils sont suspects de mauvaise foi, plus ils ont, si je puis m'exprimer ainsi, une propriété irritante. Ils prennent souvent un caractère de mépris et d'insulte, et tendent à produire des débats pleins d'aigreur.

Le mal des sophismes peut se diviser en deux branches, mal spécifique, mal général.

Par le mal spécifique, j'entends l'effet immédiat de tel sophisme contre une bonne mesure ou en faveur d'une mauvaise.

Par le mal général, j'entends cette dépravation morale ou intellectuelle que produit l'habitude de raisonner sur de faux principes, ou de se jouer de la vérité même, en pervertissant la plus noble faculté de l'homme.

S'agit-il de délibérations qui aient de la publicité, le mal du sophisme ne se borne pas à son opération sur l'Assemblée : il en résulte de plus un mal externe, celui qui se répand dans

le public, selon le degré d'influence que le Sophisme exerce.

1

Le résultat s'offre de lui-même. A proportion de ce qu'on fait pour détruire ou affoiblir çes moyens d'erreur, on donne à l'intelligence publique un plus haut degré de force, et à la morale publique une plus grande pureté. On place toutes les institutions utiles sous la sauvegarde de la raison, et l'on prépare pour le Gouvernement le succès de toutes les bonnes me

sures.

9

I I.

CLASSIFICATION.

UNE classification des sophismes présente

des difficultés considérables et peut-être invincibles. Ceux qui viennent se placer sous un genre peuvent, dans plusieurs cas, se ranger sous un autre, et l'on retombe dans le vice des divisions arbitraires.

1.o La première méthode qui se présente est de les classer selon les partis politiques. Cette division auroit donné, à Rome, les sophismes des Patriciens et ceux des Plébeïens, — à Florence, ceux des Noirs et ceux des Blancs, <- en Angleterre, ceux des Whighs et ceux des Torys; ou mieux encore ceux du parti Ministériel et ceux de l'Opposition: mais quand on voudroit mettre cette division en œuvre, on s'apercevroit bientôt qu'elle n'est pas assez distincte, et qu'elle est sujette de plus à l'inconvénient d'irriter ceux qu'on voudroit instruire.

2.° On peut trouver un second principe de demarcation, en observant qu'ils s'appliquent

A

à différentes facultés de l'ame ou à différentes passions. On pourroit, d'après ce principe, les ranger sous les dénominations suivantes : sophismes, 1.° ad verecundiam, 2.° ad quietem, 3.° ad socordiam, 4.° ad metum, 5.° ad superstitionem, 6.° ad superbiam, 7.° ad odium, 8.° ad amicitiam, 9. ad invidentiam, 10. ad judicium (1). Mais on trouveroit dans cette division beaucoup de vague; cependant elle á quelque utilité, et, en conséquence, on a référé chaque sophisme à la disposition de l'ame à laquelle il s'adresse.

3. On peut encore les diviser en conside rant leur destination ou leur but spécial. Les

(1) Ces affections ou passions ont toutes un nom propre en françois; mais on a préféré de les énoncer dans une langue morte, à raison de la clarté et de la brieveté qui en résultent. La modestie, l'amour du repos, la paresse, la crainte, la superstition, l'orgueil, la haine, l'amitié, l'envie. Le mot étranger est plus saillant, et se sépare mieux des notions vulgaires qui importunent l'esprit dans les recherches de cette nature. On a suivi l'exemple de Locke; il a fait usage de dénominations latines pour quatre espèces d'arguments:

1.o Ad verecundiam; 2. ad ignorantiam; 3.o að hominem; 4.o ad judicium.

Ad marque plus nettement le but que la proposition françoise à.

DERECHO

RID

uns sont destinés à écarter une question sans l'examiner; - les autres à la différer pour gagner du temps; les autres à l'obscurcir, si on ne peut se dispenser de la traiter. J'appellerai les premiers, sophismes d'autorité ou de préjugés; les seconds, sophismes dilatoires; les troisièmes, sophismes de confusion. Je me suis attaché à cette distribution, non comme satisfaisante à tous égards, mais comme moins défectueuse que les autres: elle m'a présenté un fil qui conduit assez naturellement d'un sophisme à l'autre, et donne une facilité de plus pour les retenir (1),

(1) Cet arrangement n'est pas celui de M. Bentham.. Il avoit rangé les sophismes sous trois classes; 1.o ceux qui sont propres au parti ministériel, 2.o ceux qui sont propres au parti de l'Opposition, 3.o ceux qui sont communs aux deux partis. Il reconnoissoit toutefois que cette division n'avoit pas le vrai caractère d'une classification logique; les sophismes rangés dans l'une de ces classes pouvoient souvent se placer dans les deux autres. Mais j'avois une raison de plus pour ne pas me conformer à ce plan. Mon objet étoit d'effacer la couleur du polémique anglois qui dominoit dans l'ouvrage, et de lui donner un intérêt général. J'avois en conséquence traité tous ces sophismes comme autant d'articles indépendants; mais un ami très-éclairé m'a suggéré la division que j'ai suivie, et dans laquelle tout s'est placé,

« EelmineJätka »