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Dans l'article XIX de l'acte d'Union, l'objet des Écossois étoit de conserver leurs lois et leur procédure, et de ne pas tomber sous le système légal de l'Angleterre. Mais dans toute sa teneur, on y observe une attention soutenue à ne pas priver l'Écosse du bénéfice éventuel des réformes. Voilà le modèle à suivre. On doit, dans de pareils actes, ménager au plus foible toute la sécurité nécessaire, sans nuire à son intérêt futur.

Résumons. On pourra faire des lois perpétuelles quand on sera parvenu à un état de choses perpétuel on pourra prendre un engagement perpétuel quand on aura la certitude que les circonstances où on le prend seront perpétuelles.

Mais les lois, et surtout les lois politiques, ne sont-elles pas, par leur nature, des dispositions faites pour l'avenir? N'est-ce pas leur principal mérite de fixer l'inconstance des

cessaire qu'on ne pourroit changer, dit-il, la liturgie de l'une ou de l'autre, sans exposer l'union même à un grand danger.

Si par exemple on vouloit supprimer dans la liturgie anglicane l'article de la damnation universelle pour le crime d'être né, c'est-à-dire né en péché originel, l'Union, selon Blackstone, seroit exposée à un danger imminent !

hommes, et de leur donner cette sécurité qui ne tient qu'à la permanence?

Oui, sans doute, et l'appréhension de l'instabilité des lois est un sentiment très-raisonnable comme très-utile. Il est la sauve-garde naturelle de tout ce qui est bon. A l'exception des règlements temporaires, les lois sont faites dans un esprit de perpétuité: mais perpétuel n'est pas synonyme d'irrévocable. Dans la langue des lois et des traités, on entend par-là une perpétuité éventuelle et conditionnelle, qui signifie qu'autant que les raisons qui ont servi de motif à la loi subsisteront, la loi doit subsister de même. On ne prévoit point de changement, mais des que l'état des faits sera altéré, c'est-à-dire dès que la raison de la loi aura cessé et fait place à des contre-raisons prépondérantes, la loi devra subir un changement. Durante ratione, duret lex. Cessante ratione, cesset lex. Cessante ratione legis, duret lex, est une absurdité frappante.

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Ce n'est pas en déclarant les lois immuables qu'il faut chercher à leur donner de la stabilité. Une telle déclaration ne peut que faire

(1) Voyez Traités de législation, Tom. III. p. 275. Promulgation des raisons des lois.

naître le préjugé le plus légitime contre elles.

C'est presque un aveu qu'elles ne peuvent pas être défendues par leur propre mérite, et que, laissées à elles-mêmes, elles ne subsisteroient pas long-temps.

Il y a un autre moyen qui a une tendance bien opposée, une tendance à exclure les mauvaises lois et à conserver les bonnes. Je l'appelle Justification. La justification de la loit consiste à lui annexer les raisons sur lesquelles elle est fondée.

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Pour faire des lois bonnes en elles-mêmes c'est-à-dire pour lesquelles on puisse assigner de bonnes raisons, il faut que le Législateur conçu le principe de l'utilité dans sa plus grande étendue, et qu'aucun intérêt séducteur ne l'ait fait dévier de son but: en un mot, il lui faut autant d'intelligence que probité. Mais pour faire des lois sans raison, et pour les déclarer irrévocables, il ne faut que de la puissance.

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L'auteur d'un Code de bonnes lois pourroit éprouver un légitime orgueil à la pensée d'enchaîner les générations futures: son triomphe seroit de leur laisser la liberté de les changer et de leur en ôter le désir.

II. Sophisme des vœux. Le vœu de Jephté.

Le sophisme est le même que dans les cas précédents. Toute la différence est dans le moyen. Là, une loi irrévocable étoit fondée sur la force du contrat. Ici, elle est fondée sur la force du serment. L'homme s'est engagé avec Dieu même. Le lien est indissoluble.

L'absurdité de ce raisonnement n'est pas difficile à démontrer. Le serment pris, le formulaire prononcé, -l'Être Tout-puissant devient-il garant de l'exécution? est-il tenu de punir l'infracteur, ou ne l'est-il pas ?

De ces deux propositions contraires, quelle est celle que vous adoptez? Si Dieu n'est pas tenu, l'obligation n'a aucune force, le serment ne donne aucune sûreté de plus.

Si Dieu est tenu, observez la conséquence. La puissance divine se trouve liée, et par qui? De tous les insectes qui rampent sur la terre sous la figure humaine, il n'en est pas un qui ne puisse de cette manière imposer des lois au Créateur de l'Univers.

Et à quoi est-il tenu?à maintenir les observances les plus frivoles, les plus incompatibles, infinies en nombre, absurdes et nui

sibles dans leurs contradictions, toutes les fois qu'il plaît à des Législateurs, à des tyrans ou à des fous d'assujettir les hommes à des serments, c'est-à-dire d'assujettir la Sagesse éternelle à exécuter leurs caprices.

L'obligation qu'on impose à la Divinité n'est, il faut l'avouer, qu'éventuelle. Aussi long-temps que le vœu est gardé, Dieu n'est appelé à aucun exercice de sa puissance. Mais dès qu'il est enfreint, il faut qu'il agisse, et cette action. consiste à infliger à l'infracteur des punitions qui ne produisent rien pour l'exemple, puisqu'elles sont secrètes et invisibles.

La peine, dira-t-on, étant infligée par un Juge infaillible et tout-puissant, sera exactement proportionnelle au délit.

Oui; mais à quel délit ? - Ce n'est pas celui qui consiste dans l'acte prohibé par le vœu, car cet acte prohibé peut être en lui-même non-seulement innocent, mais méritoire; et si cet acte est criminel, il est tel et doit être puni comme tel, indépendamment du serment. Ainsi le délit n'est autre que la profanation de la cérémonie, profanation qui est la même dans tous les cas, dans ceux où le vœu étoit salutaire, comme dans ceux où il étoit pernicieux.

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