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ville de Donawerth dans son état primitif, tant pour le civil que pour l'ecclésiastique.

Enfin le dixième grief se rapportait à la justice, à la réforme de la Chambre impériale, à l'abolition des tribunaux provinciaux, tels que celui de Rothweil, à l'établissement de quatre cours souveraines en Empire, composées chacune d'assesseurs en nombre égal des deux religions.

Les catholiques opposèrent le refus le plus positif à la plupart de ces demandes, qualifiées de griefs. Cette matière fut une de celles qui éprouvèrent les plus vives contradictions au congrès, et dont la négociation fut des plus difficiles et des plus compliquées. Dans les premiers moyens que les protestants mirent en avant pour la composition des griefs, ils demandèrent, entre autres, que la possession des biens ecclésiastiques médiats et immédiats fût réglée sur le pied de l'année 1618, et que les prélats qui embrasseraient dorénavant la religión protestante avec la majorité de leur chapitre jouissent du droit de réformer. Les catholiques, au contraire, exigèrent que la réserve ecclésiastique fût conservée dans toute sa force. Ils n'accordaient autre chose aux protestants, sinon qu'ils seraient maintenus, en conformité de la paix de Prague, pour quarante ans seulement, et sur le pied du 12 novembre 1627, dans la possession des biens ecclésiastiques immédiats et médiats dont ils s'étaient emparés depuis la paix de religion'.

Dès la première proposition que firent les ministres de France le 4 juin 1645, ils demandèrent, en dédommagement des pertes que leur gouvernement avait

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éprouvées et des dépenses qu'il avait faites, ou, comme on disait alors, à titre de satisfaction, la souveraineté de Metz, Toul et Verdun, la haute et basse Alsace, la ville de Brisach avec le Brisgau, les villes forestières et Philippsbourg. Ils se réservèrent en même temps la faculté de retrancher de leurs prétentions, d'y ajouter et d'y changer tout ce qui leur paraîtrait nécessaire à eux et à leurs alliés.

Les ministres de l'empereur répondirent, le 27 décembre, que leur maître ne devait aucune satisfaction à la France, mais que bien plutôt il avait droit de demander un dédommagement pour le tort que la France lui avait fait en se mêlant des affaires d'Allemagne.

Le comte de Trauttmansdorff espéra qu'en offrant à la France la souveraineté de Metz, Toul et Verdun, avec la forteresse de Moyenvic, et en s'engageant à raser les fortifications de Brisach, on la porterait à se désister de sa demande, relativement à l'Alsace. Mais ce ministre se trompa : dans la conférence du 7 janvier 1646, les ministres de France déclarèrent que leur maître demandait la cession des deux Alsaces, y compris le Sundgau', et les villes forestières, de la même manière que des princes de la maison d'Autriche avaient possédé ces pays, avec Philippsbourg et son territoire; ils ajoutèrent que le roi consentirait à tenir cette province à titre de fief d'Empire, pourvu qu'on lui accordât voix et séance à la diète.

Pour l'intelligence de cette prétention, et surtout de la suite de cette négociation, il faut observer d'abord que la province d'Alsace, ou cette vallée renfermée entre le Rhin et les Vosges, qui s'étend depuis Bâle

'Le Sundgau est regardé comme une partie de la haute Alsace, ou comme une province particulière, selon que le mot Alsace est pris dans un sens plus ou moins restreint.

jusqu'au point où le Seltzbach se jette dans le Rhin, se divisait en deux parties, la haute et la basse Alsace, entre lesquelles le ruisseau dit Eickenbach, et le canal nommé Landgraben, faisaient la limite. Ce ruisseau séparait aussi les diocèses de Bâle et de Strasbourg. La plus grande partie de la haute Alsace formait ce qu'on appelait le landgraviat de la haute Alsace qui, à titre de fief de l'Empire, mais sans voix à la diète, appartenait, avec pleine supériorité territoriale, à la branche cadette de la maison d'Autriche, qui régnait dans le Tyrol. Dans un sens géographique, on donnait le titre de landgraviat de la haute Alsace à toute la province de la haute Alsace, située au sud de l'Eickenbach, et qui comprenait, outre le véritable landgraviat de la haute Alsace, quelques autres territoires entièrement indépendants de la maison d'Autriche; telles étaient la seigneurie de Ribeaupierre', celles de Horbourg et Riquevir, les abbayes de Murbach et d'Andlau, l'immunité de Ruffach, ancien domaine des évêques de Strasbourg, et quelques villes libres faisant partie de la confédération des dix villes impériales. Toute la noblesse de cette province qui, anciennement, avait été immédiate, et plusieurs seigneuries et abbayes, s'étaient depuis longtemps vues forcées de faire leur soumission aux landgraves.

Quant à la basse Alsace que jusqu'au x11° siècle on appelait le Nordgau, en opposition du Sundgau, la maison d'Autriche n'y exerçait aucune supériorité territoriale. Le landgraviat de la basse Alsace ne lui avait jamais appartenu ce fief avait été vendu, en 1358, aux évêques de Strasbourg, à l'exception des districts dont les seigneurs de Falckenstein et de Lichtenberg avaient trouvé moyen de s'emparer. Tout ce

'Cette seigneurie passa, en 1673, par mariage, à la maison palatine de Birkenfeld.

que la maison d'Autriche possédait dans le bas Rhin, se réduisait aux droits dont elle jouissait, en vertu de l'avoierie, ou, comme on l'a appelée ensuite, de la préfecture des dix villes impériales, ou de la préfecture de Haguenau, parce que cette ville libre en était le chef-lieu. L'avoyer était tenu de défendre et de protéger ces villes confédérées; elles lui prêtaient serment d'obéissance, mais non de soumission, et lui payaient une légère rétribution annuelle. Outre les dix villes, une quarantaine de villages, la plupart situés dans la proximité de Haguenau, faisaient partie de la confédération; mais l'avoyer n'exerçait, ni sur les uns ni sur les autres, la moindre supériorité territoriale. Anciennement, cette avoierie avait été temporaire; elle avait été conférée ensuite, à titre héréditaire, à la maison de Luxembourg, à la maison palatine, et enfin, en 1558, à titre d'engagement, à celle d'Autriche.

Après s'être récriés pendant quelque temps contre l'injustice de dépouiller de leur héritage les enfants mineurs de l'archiduc Léopold, qui, jusqu'à sa mort arrivée en 1632, avait été constamment l'ami de la France, les ministres impériaux cédèrent à la sollicitation de l'électeur de Bavière, entièrement dévoué à la France, et, dans l'espoir de sauver le Brisgau et les - quatre villes forestières, offrirent, le 14 avril 1646, à la France, les deux Alsaces, y compris le Sundgau, à titre de landgraviat d'Alsace, de la même manière que les princes d'Autriche les avaient possédées, avec voix et séance à la diète. Ils y ajoutèrent une réserve en faveur de l'immédiateté et de la liberté des États et Ordres, de sorte que ceux qui, avant le commencement de la guerre, avaient été immédiatement soumis à l'empereur, fussent rétablis en leur ancien état1.

Les ministres de France ayant fait entendre que leur

' MEIERN, tom. III, p. 167. ADAMI, P, 309. BOUGEANT, p. 520.

gouvernement ne renoncerait pas à la possession de Brisach, ceux de l'empereur firent, le 29 mai 1646, une nouvelle proposition. Ils offrirent, outre les évêchés de Metz, Toul et Verdun, la ville impériale de Metz, Pignerol et Moyenvic, le Sundgau, le landgraviat de la haute Alsace, avec Brisach et la préfecture provinciale de la basse Alsace; expression inexacte, au lieu de laquelle ces ministres auraient dû se servir de celle de préfecture provinciale de Haguenau et des dix villes impériales. Ils les offrirent avec tous les vassaux, sujets, villes, châteaux, droits et appartenances, en pleine propriété et avec toute juridiction et supériorité, de la même manière que la maison d'Autriche les avait possédées, avec la seule différence que le roi de France ne serait pas soumis, à ce titre, à la souveraineté de l'Empire. Enfin ils ajoutèrent que le roi rétablirait tous les États immédiats des deux Alsaces dans la possession de leur ancienne liberté et immédiateté1.

Les plénipotentiaires français ne furent pas satisfaits de cette proposition; ils demandèrent « que, pour éviter toute sorte de contestations à l'avenir, la hauté et la basse Alsace et le Sundgau demeurassent au roi à perpétuité, et appartinssent à l'avenir à la couronne de France, en toute propriété et souveraineté, francs et quittes de toute sorte de sujétion et dépendance, quelles qu'elles puissent être, et que pour cet effet les déclarations, cessions, renonciations, tant de l'empereur et de l'Empire que de la maison d'Autriche, fussent fournies en bonne forme sans aucune réserve ni exception, hormis pour ce qui appartenait dans lesdits pays aux évêques et villes de Strasbourg et de Bâle. » Il n'y a qu'un point sur lequel les ministres de France

'MEIERN, tom. III, p. 34. ADAMI, p. 314. Négociations secrètes, tom. III, p. 198. BOUGEANT, p. 526.

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