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ne s'expliquèrent pas clairement alors, parce que leur gouvernement n'avait pas arrêté ses idées à cet égard. Le roi de France demandera-t-il que l'Alsace lui soit cédée en toute souveraineté, et par conséquent détachée de l'Empire germanique, ou, de même que le roi de Danemark était État d'Empire pour le Holstein, consentira-t-il à tenir cette province à titre de fief, avec voix et séance à la diète? Un mémoire, adressé le 16 avril 1646, aux plénipotentiaires français, les autorisait à souscrire à cette dernière condition, pourvu que le fief fût conféré non-seulement au roi, mais à tous les rois de France, ou au moins à tous les princes alors vivants de la maison royale et à leurs descendants. Le roi offrit de contribuer aux collectes de l'Empire dans la proportion d'un électeur. Cependant les plénipotentiaires discutèrent, dans un mémoire qu'ils envoyèrent en cour le 9 juillet 1646, la question de savoir ce qui conviendrait le plus au roi, de posséder l'Alsace en souveraineté, ou de la posséder en fief. Parmi les avantages que présentait le second mode, ils comptent celui de la possibilité de voir les rois de France élevés au trône impérial. Ils disent que si le roi était membre de l'Empire, les princes en seraient d'autant mieux autorisés à entrer avec lui en alliance, que la voix qu'il aurait à la diète, lui donnerait une influence plus directe dans les affaires du corps germanique. Parmi les inconvénients attachés à la qualité d'État d'Empire, les ministres comptent celui de se voir peut-être un jour mis au ban de l'Empire.

Les ministres de l'empereur déclarèrent qu'ils ne pouvaient délibérer sur la dernière demande des ministres de France, et qu'elle concernait les États d'Empire. En conséquence, ils les firent convoquer pour le 9 juin 1646; mais les ministres de France qui comptèrent parvenir plus sûrement à leur but, en met

tant la désunion parmi les États, trouvèrent moyen d'empêcher cette assemblée.

Le 31 mai 1646, les ministres impériaux remirent une nouvelle déclaration, portant que l'empereur renonçait, pour lui et toute la maison d'Autriche, à tous droits, propriétés, domaines, possessions et juridictions qu'ils avaient eus jusqu'à présent sur la ville de Brisach, le landgraviat de la haute et basse Alsace, le Sundgau et la préfecture provinciale des dix villes impériales en Alsace; que le landgraviat des deux Alsaces et le Sundgau, ainsi que la préfecture provinciale des dix villes impériales, avec tous leurs vassaux, sujets, villes, bois, tous les droits régaliens, et toute juridiction et supériorité, appartiendront, sans aucune contradiction de la part de l'empereur, de la maison d'Autriche ou de quelque autre que ce fût, au roi de France; que celui-ci sera tenu de laisser non-seulement les évêques de Strasbourg et de Bâle, mais aussi tous les autres Ordres des deux Alsaces, immédiatement soumis à l'Empire, la noblesse de toute la basse Alsace, ainsi que les dix villes impériales qui reconnaissaient la préfecture de Haguenau, dans la possession de leur liberté et immédiateté, de manière qu'il ne pourra jamais prétendre sur eux aucune supériorité royale, mais qu'il sera content des droits appartenant aux princes autrichiens, et cédés par le traité à la couronne de France1.

Ce fut d'après ces bases que la satisfaction de la France fut réglée, le 13 septembre 1646, dans une conférence entre les ministres de cette puissance, ceux de l'empereur et ceux des médiateurs'; la ratification des États d'Empire fut réservée. Aussitôt que les ex

'MEIERN, tom. III, p. 714.

2 Ibid., p. 723. ADAMI, chap. XVIII, § 5.

pressions de cette cession furent connues, il s'éleva de plusieurs côtés des réclamations, principalement de la part des dix villes impériales qui soutenaient que l'avoierie ne pouvait être cédée sans leur consentement, et de l'évêque de Strasbourg, qui se plaignait de la cession du landgraviat de la basse Alsace, attaché à son siége; et, comme un grand nombre d'États d'Empire étaient vassaux des évêques de la Lorraine, on demanda qu'il fût expressément statué que la qualité de vassal, qui n'a aucune analogie avec celle de sujet, ne pût jamais préjudicier à l'immédiateté de ces États.

Une année se passa sans qu'il fût question de mettre la dernière main à l'affaire de la satisfaction de la France. Enfin, le 7 novembre 1647, les plénipotentiaires français communiquèrent à ceux de l'empereur l'article tel qu'ils voulaient qu'il fût inséré dans le traité. Ils n'avaient eu aucun égard, dans cette rédaction, aux réclamations qui s'étaient élevées contre cet article. Ils demandèrent en même temps que les États signassent un acte particulier de cession de l'Alsace et des Trois-Évêchés. Cette partie des négociations n'a jamais été rendue publique; les pièces officielles qui la concernent, sont restées ensevelies dans les archives de Vienne, Nous parlerons, en donnant le sommaire du traité, de la différence frappante qui se trouve entre celui-ci et l'acte particulier de cession, tel qu'il fut adopté dans cette conférence.

Il fallut cependant faire munir le traité de la signature des États. Comme les ministres français étaient moins contents des plénipotentiaires réunis à Munster que de ceux qui se trouvaient à Osnabruck, Servien porta l'affaire devant ces derniers. Il les trouva moins dociles qu'il ne l'avait espéré. Le 3 août, ils prirent un conclusum portant que la cession faite à la France,

en Alsace, ne concernait que les domaines de la maison d'Autriche; que la translation de la préfecture des dix villes au roi de France ne pouvait porter aucun préjudice à ces villes, et que la satisfaction de la France ne s'étendait pas sur les États des diocèses ou districts des Évêchés.

Servien fut très-mécontent de cette résolution; il déelara « qu'il n'était point en son pouvoir de rien tenter de nouveau sur la satisfaction de la France; que cet article ayant été arrêté ci-devant d'un commun consentement, et même avec la clause qu'on n'y pourrait rien changer, il ne lui était pas permis de contrevenir à cette convention1. » En vain les délégués des États protestèrent-ils qu'ils ne prétendaient rien changer à ce qui avait été convenu, mais seulement expliquer le sens par une déclaration signée par les deux parties; Servien s'y refusa. Alors les États prirent le parti de rédiger un acte par lequel ils déclarèrent que la cession de l'Alsace ne comprenait que les seuls domaines de la maison d'Autriche, et qu'elle ne devait porter aucun préjudice aux Ordres et à la noblesse immédiate de cette province. Cet acte, qui est du 13 août 1648, fut remis à Servien, et adressé à Louis XIV, accompagné d'une lettre; mais Servien ne l'accepta pas, et M. de Brienne, secrétaire d'État de France, auquel le résident du duc de Wurtemberg à Paris, présenta ces deux pièces, rendit le paquet sans l'avoir décacheté ",

Cependant les plénipotentiaires des États ayant traité séparément, à Osnabruck avec les ministres de France, et y ayant conclu la paix, ceux de l'empereur les invitèrent à signer aussi l'acte particulier de cession, sans lequel le consentement de l'empereur

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1 BOUGEANT, tom. III, p. 444.

PFEFFEL, Comment. de limite Galliæ, Argent. 1785, p. 442.

ne suffisait pas. Ils leur présentèrent alors l'acte tel qu'il avait été convenu dans la conférence du 7 novembre 1647. Il fut signé le 24 octobre 1648. Nous en ferons connaître le contenu en donnant le sommaire du traité.

-La France étant parvenue à faire régler définitivement sa satisfaction, elle s'entremit pour obtenir celle de la Suède. Cette puissance exigeait une triple satisfaction; savoir, pour elle-même, pour la landgrave régente de Hesse, et pour l'armée suédoise.

Les plénipotentiaires suédois demandèrent, pour leur couronne, la Silésie, dans laquelle ils tenaient encore quelques places, telles que Jægerndorff, Glogau, Jauer; la Pomeranie avec l'évêché de Camin, la ville de Wismar, l'archevêché de Bremen et l'évêché de Verden, pour tenir le tout à titre de fiefs d'Empire avec voix et séance à la diète. Ils se relâchèrent depuis sur l'article de la Silésie; mais la principale contestation roula sur la Poméranie, à cause de l'opposition de l'électeur de Brandebourg. L'ancienne maison des ducs de Poméranie s'étant éteinte pendant la guerre de Trente ans, avec le duc Bogislas XIV, décédé en 1637, sa succession fut réclamée par l'électeur de Brandebourg, en vertu des traités de confraternité passés entre ses prédécesseurs et les anciens ducs de Poméranie, dans les années 1330 et 1499. Aussi les États de cette province n'avaient-ils pas balancé à prêter serment à l'électeur. Les Suédois réclamaient la Poméranie, soit par droit de conquête, soit en vertu de leur alliance avec le dernier duc 1. Enfin on convint de partager cette province entre la Suède et la maison de Brandebourg, et on accorda à cette maison un dédom

'PUFFENDORF, de rebus Suecicis, p. 292.

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