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différents articles à son avantage, et se permit des voies de fait qui produisirent enfin la guerre de Trente ans. Voici quels étaient les points que les interprétations contradictoires données à cette paix par les catholiques et les protestants rendirent litigieux.

1o Les catholiques soutenaient que la liberté de conscience qui était stipulée par cette paix, ne regardait que les États immédiats d'empire et non les sujets protestants des princes catholiques, auxquels la paix n'accordait d'autre droit que celui d'émigrer. Les protestants avançaient, au contraire, que la liberté de conscience regardait aussi les sujets, et que la faculté d'émigrer n'était qu'une faveur de plus que le traité leur accordait.

2o Les catholiques refusaient aux princes et États protestants la faculté de mettre la main sur les biens ecclésiastiques médiats que les ecclésiastiques catholiques avaient possédés dans leurs États, aux époques de la transaction de Passau et de la paix de religion. Les protestants, au contraire, croyaient pouvoir séculariser ces biens, même après la paix de religion, en vertu du droit de réformer, qu'ils s'arrogeaient en leur qualité de seigneurs territoriaux.

3o Les protestants prétendaient que, par la paix de religion, la juridiction des évêques catholiques était suspendue, sans réserve, à l'égard des adhérents de la confession d'Augsbourg.

Les catholiques, au contraire, voulaient sauver cette juridiction dans tous les cas où son exercice leur paraissait compatible avec les principes de la religion protestante. Tels étaient, à leur avis, les causes matrimoniales, l'exercice des droits du pape, etc.

4o Les catholiques avançaient que les avantages de la pacification ne regardant que les catholiques et ceux qui professaient la confession d'Augsbourg, les par

tisans de Zwingle et de Calvin, autrement dits réformés, ne pouvaient pas s'en prévaloir, comme n'étant pas de vrais adhérents de la confession d'Augsbourg, parce qu'ils n'adoptaient pas la confession non variée, telle qu'elle avait été présentée à l'empereur CharlesQuint, à la diète d'Augsbourg de 1530.

5o Enfin la grande contestation regardait la réserve ecclésiastique, que les protestants soutenaient être en opposition avec leur honneur et leur conscience, puisqu'elle gênait les États aussi bien que leurs sujets, dans l'exercice de la faculté d'embrasser la confession d'Augsbourg; qu'elle déclarait les protestants inhabiles à posséder des biens ecclésiastiques, et qu'elle les mettait même dans le cas de poursuivre à main armée ceux de leur croyance qui cherchaient à se maintenir dans la possession de ces biens. Selon eux, l'admission de cette réserve anéantirait toute égalité entre les États des deux religions, vraie base de leur bonne intelligence, et ferait naître une source intarissable de désunion et de discorde.

Les catholiques, pour sauver la réserve qu'ils envisageaient comme la plus forte barrière contre les progrès de la réformation, protestaient que leur conscience ne leur permettait pas d'admettre les novateurs dans la jouissance des biens ecclésiastiques destinés originairement, et par l'intention des fondateurs, à la subsistance du clergé catholique ; ils observaient d'ailleurs que, les protestants permettant le mariage des prêtres, tous les évêchés deviendraient successivement des principautés séculières et héréditaires.

Les catholiques ajoutaient que les ministres des princes luthériens ayant signé la paix sans protester contre la réserve, il ne leur était plus libre de revenir contre cette clause, qui faisait une partie intégrante de la paix.

2

Ce raisonnement du parti catholique n'empêcha pas les protestants de s'emparer successivement, en dépit de la réserve, d'une vingtaine d'archevêchés, évêchés et abbayes, États immédiats de l'Empire; savoir: des archevêchés de Magdebourg et de Bremen, des évêchés de Lébus, Havelberg, Camin, Lubeck, Brandebourg, Naumbourg, Mersebourg, Ratzebourg, Verden, Meissen, Minden, Halberstadt, Schwérin, et des abbayes de Hirschfeld, Saalfeld, Walkenried, Quedlinbourg, Herforden, Gernrode.

Les violations continuelles de la réserve ecclésiastique, et par conséquent les contraventions à la paix de religion que se permettaient les protestants, causèrent un grand mécontentement aux catholiques, et les portèrent quelquefois à des voies de fait. De là, une longue suite de troubles qui commencèrent sous le règne du faible Rodolphe II, et qui amenèrent enfin la guerre de trente ans. Nous allons en citer quelques exemples.

Guebhard, comte de Truchsess, archevêque de Cologne, ayant embrassé le calvinisme pour épouser une comtesse de Mansfeld, prétendit conserver son archevêché, au mépris de la réserve ecclésiastique. Le chapitre lui substitua Ernest de Bavière, qui, soutenu par plusieurs princes catholiques, réussit à chasser son adversaire en 1584'.

A la mort de Jean de Manderscheid, évêque de Strasbourg, en 1592, les chanoines de la cathédrale se partagèrent sur l'élection d'un nouvel évêque. Les protestants élurent Jean-George, prince de Brandebourg, qui faisait alors ses études à Strasbourg. Les chanoines catholiques se décidèrent pour Charles de Lorraine, cardinal-évêque de Metz. Il s'ensuivit une guerre dont

THUANUS, MICHEL AB ISELT, de Bello coloniensi.

l'Alsace fut le théâtre, et qui ne fut terminée que par la transaction de Haguenau, en 1604', par laquelle le prince de Brandebourg résigna l'évêché en faveur du cardinal de Lorraine, pour une somme d'argent, et huit chanoines protestants furent maintenus dans leurs prébendes pour quinze ans. Cette transaction fut renouvelée, en 1619, pour sept ans, et aux mêmes conditions2.

Les troubles de Strasbourg furent suivis de près par ceux d'Aix-la-Chapelle. Les persécutions que le duc d'Albe exerçait dans les Pays-Bas avaient attiré dans cette ville libre et impériale un grand nombre de réfugiés flamands qui, non contents d'y trouver la liberté de conscience, s'emparèrent des principales places de la magistrature. Les magistrats catholiques en ayant porté leurs plaintes au conseil aulique, ce tribunal, par une sentence rendue en 1593, ordonna de remettre les choses sur l'ancien pied. L'exécution de cette sentence ayant été déférée aux archevêques de Trêves et de Cologne, ainsi qu'au duc de Clèves, ces princes rétablirent, en 1598, les magistrats catholiques, chassèrent de la ville les ministres protestants, et y défendirent tout autre culte que le catholique3.

Un sort plus triste fut réservé à la ville impériale de Donawerth, qui faisait partie du cercle de Souabe. Quoiqu'elle eût embrassé dans le xvi° siècle la doctrine. de Luther, elle n'en avait pas moins conservé dans son enceinte l'abbaye catholique de Sainte-Croix; mais l'abbé s'étant avisé de renouveler une procession qui n'avait pas eu lieu depuis longtemps, la bourgeoisie insulta ce prélat et dispersa la procession. L'empereur

' DU MONT, Corps diplomatique, tom. V, part. II, p. 43. THUANUS. 2 DU MONT, tom. V, part. II, p. 47.

THUANUS.

mit la ville au ban de l'Empire, et chargea de l'exécution de cette sentence le duc de Bavière, en contravention aux lois de l'Empire qui déféraient au cercle de Souabe et au duc de Wirtemberg, en sa qualité de capitaine de ce cercle, l'exécution de la sentence, en supposant toutefois qu'elle eût été rendue d'une manière légale. Le duc de Bavière, à la tête de ses troupes, attaqua la ville, s'en rendit maître, y abolit l'exercice de la religion protestante, chassa les ministres, priva la ville de son indépendance, et la réduisit en ville municipale de la Bavière. Cet événement est de 16071.

La conduite arbitraire de l'empereur et du duc de Bavière causa dans les esprits une grande fermentation, qui se manifesta à la diète assemblée à Ratisbonne en 1608. L'empereur y ayant demandé des subsides contre les Turcs, les princes protestants déclarèrent hautement qu'ils ne voteraient point sur cet objet, à moins qu'on ne commençât par redresser leurs griefs. Ils se plaignirent amèrement des procédures illégales et arbitraires du conseil aulique, et surtout de ce qui avait été fait contre les villes d'Aix-la-Chapelle et de Donawerth. Ils déclarèrent qu'en matière de religion, ils ne se soumettraient plus à la majorité des suffrages des États assemblés en diète, où les catholiques dominaient. Cette dispute fit rompre la diète de Ratisbonne.

-Les princes protestants jugèrent alors nécessaire de consolider l'Union qu'ils avaient renouvelée, en 1594, dans une assemblée tenue à Heilbronn. Henri IV, roi de France, en avait été le premier moteur. Ce prince voulant contrarier les projets de la cour de Madrid,

JOCHERS Donauwerthische Relation; FABERS bestændige Informatio, THUANUS.

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