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magement pour la partie de la Poméranie dont on la privait.

Pour licencier leurs troupes, les Suédois demandérent vingt millions d'écus d'Empire, équivalant à dix mois de solde pour trente-quatre mille fantassins, et dix mille hommes de cavalerie. Un député de l'armée suédoise, Erskeine, vint à Osnabruck pour soutenir ses prétentions.

La satisfaction de la Suède fut terminée au mois de février de l'année 16471. Cette négociation fut facilitée par les dispositions particulières de la reine de Suède, qui penchait pour la paix, pendant que le chancelier Oxenstiern, qui se trouvait à la tête des affaires de ce royaume, jugeant la guerre profitable au maintien de son autorité, ne voulait la paix que sous les conditions les plus avantageuses. La reine, soupçonnant Oxenstiern le fils de s'entendre avec le père pour traîner la négociation en longueur, donna des ordres secrets à Salvius, et adressa à ses ministres au congrès de graves reproches, qui ne regardaient proprement que seul Oxenstiern 2.

le

Avec la satisfaction de la Suède on régla aussi celle du landgrave de Hesse-Cassel. Cette maison avait bien mérité de la cause des protestants. Guillaume V avait été le premier et le plus constant allié de GustaveAdolphe. Après sa mort, arrivée en 1637, sa veuve, Amélie Élisabeth, comtesse de Hanau, qui prit la tutelle de son fils mineur, resta fidèle à cette alliance, et développa un grand caractère. Les Suédois et les Français comprirent le landgrave Guillaume VI dans leur première proposition d'une indemnité. La landgrave douairière fit monter très-haut ses prétentions: elle

MEIERN, tom. IV, p. 330.

2 Mémoires de la reine Christine, tom. 1, p. 110 et 126.

demanda les évêchés de Fulde, de Paderborn et de Minden, une partie de l'électorat de Mayence; savoir : les bailliages de Fritzlar, de Neustadt, Naumbourg et Amonebourg; une partie de l'électorat de Cologne, savoir: Arensberg et six bailliages du duché de Westphalie; enfin, Stromberg et Bocholt, de l'évêché de Munster.

Rien ne fit plus de sensation que cette prétention d'une princesse dont les troupes avaient peu ménagé les possessions du clergé, et qui n'était pas dans le cas des électeurs de Brandebourg, des ducs de Mecklenbourg et des autres princes fondés à réclamer un dédommagement pour les pertes que la satisfaction de la Suède leur faisait éprouver. Les ministres de France même trouvaient ses demandes exorbitantes, et le comte d'Avaux répugnait aux sécularisations que cette princesse demandait; mais le duc de Longueville la favorisa, non pas pour tout ce qu'elle prétendait, mais cependant pour une partie. L'évêque d'Osnabruck lui ayant représenté combien il serait scandaleux que Jésus-Christ et sa divine mère fussent dépouillés de leurs vêtements pour en couvrir une femme hérétique: «<ll faut faire beaucoup, dit le duc, en faveur d'une dame aussi vertueuse que madame la landgrave; pourquoi, messieurs, surmontez-vous vous-mêmes et donnez toute satisfaction à madame en ce qu'elle désire. »

La manière dont on avait satisfait à la demande de la Suède força de donner des compensations aux États qui avaient été dépouillés en faveur de la première. On avait enlevé une partie de la Poméranie à l'électeur de Brandebourg; le duc de Mecklenbourg réclamait un dédommagement pour Wismar, que la Suède avait obtenu. Les princes de Brunswick enfin en demandaient pour les coadjutoreries de Magdebourg et de Halberstadt, auxquelles ils étaient obligés de renoncer. L'É

glise dut fournir tous ces différents dédommagements; on la dépouilla de plusieurs évêchés et bénéfices qui furent sécularisés.

Les principaux objets étaient ainsi réglés; mais il resta toujours deux points sur lesquels on eut toute la peine possible à s'accorder; c'était l'amnistie et les griefs de religion. Les Suédois persistèrent à exiger une amnistie illimitée, qui devait même comprendre les sujets des pays héréditaires de la maison d'Autriche.

Le chancelier Oxenstiern croyait pouvoir demander que tous les évêchés et autres grands bénéfices ecclésiastiques en Allemagne alternassent dans la suite entre les catholiques et les protestants'. Si l'on en croit les Négociations secrètes, son intention était même de pousser l'égalité entre les deux religions, jusqu'à faire tomber aussi la couronne impériale sur la tête d'un prince luthérien.

Ce ne fut que dans le cours de l'année 1648 qu'on put s'entendre sur l'amnistie et les griefs de religion; on régla alors les stipulations relatives à l'exécution et à la sûreté, ou la garantie de la paix.

-La paix de Westphalie fut signée à Munster et à Osnabruck, le 24 octobre 1648. Ce jour, les ministres français et suédois se rendirent en grand cortége chez ceux de l'empereur, et ces derniers vinrent ensuite chez les ministres de France et de Suède, pour apposer leurs signatures à l'instrument de la paix. Les secrétaires d'ambassade portèrent le traité à signer aux députés de l'Empire, qui avaient été désignés et choisis pour la signature'. La paix fut publiée le lendemain. L'échange des ratifications avait été fixé par

1 Mémoires de la reine Christine, tom. I, p. 118.

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le traité à deux mois. Il n'eut lieu que le 18 février 1649.

:

Les traités de Westphalie sont composés de deux instruments le traité entre la France, l'empereur et l'Empire, qui fut rédigé à Munster', et la paix entre la Suède, l'empereur et l'Empire, signée à Osnabruck. Ces deux traités cependant doivent être envisagés comme s'ils n'en formaient qu'un, et toutes les stipulations contenues dans l'un sont censées être aussi comprises dans l'autre; mais, comme tout ce qui concernait l'Allemagne a été traité principalement à Osnabruck et par l'intervention de la Suède, on regarde le traité d'Osnabruck comme celui qui a proprement décidé les affaires de l'Empire.

-La paix de Westphalie ne fut pas générale pour toutes les puissances qui avaient été impliquées dans la guerre, et qui avaient participé à la négociation. Les puissances principales belligérantes étaient, comme nous l'avons dit, l'empereur, l'Espagne, la France et la Suède. L'empereur et l'Espagne avaient pour alliés dans cette guerre les États catholiques de l'Empire. La France et la Suède avaient pour alliés le roi de Portugal, les États-Généraux des Pays-Bas, les ducs de Savoie et de Modène, et les États d'Empire de la confession d'Augsbourg. On distingue des alliés les adhérents, qu'on regarde comme des alliés d'un ordre inférieur, tels que des villes ou États médiats, qui avaient été impliqués dans la guerre.

La paix ne fut proprement conclue qu'entre l'empereur, la France, la Suède et les alliés ou adhérents des uns et des autres en Empire. Ainsi la guerre continua

'Le traité fut signé au nom de l'empereur, par les comtes de TRAUTTMANSDORFF et de NASSAU et Isaac VOLMAR; et du côté de la France, par SERVIEN seulement; mais le duc de LONGUEVILLE et d'AvAUX furent nommés dans le préambule. CONTARINI signa en qualité de médiateur.

entre la France, assistée de la maison de Savoie, et l'Espagne, qui avait pour allié le duc de Lorraine. Elle fut pareillement continuée entre l'Espagne et le roi de Portugal.

Les Espagnols avaient déjà fait à Munster même, au commencement de l'année 1648, leur paix particulière avec les États-Généraux des Provinces-Unies des PaysBas. C'était de la part de ces États une infraction manifeste au traité qu'ils avaient conclu à la Haye avec le roi de France, le 1er mars 1644, et par lequel ils s'étaient engagés à ne faire la paix avec les Espagnols que conjointement et d'un commun consentement avec la France'.

Ce qui avait aliéné à la France les esprits de ces républicains, c'était que, dans le cours de la négociation de 1646, le cardinal Mazarin avait proposé l'échange des Pays-Bas catholiques et de la Franche-Comté contre la Catalogne et le Roussillon2. Ce projet dut néces

1 « L'on ne pourra conclure aucun traité que conjointement et d'un commun consentement, et la France ni aussi l'État des ProvincesUnies ne pourront avancer leurs négociations avec l'Espagne l'un plus que l'autre (art. 3).

<< Et afin que les ennemis perdent l'espérance de séparer les intérêts de la France d'avec ceux des Provinces-Unies, en facilitant le traité des uns et reculant ceux des autres, lesdits plénipotentiaires seront respectivement obligés, toutes les fois qu'ils en seront requis, de déclarer aux ministres d'Espagne qu'il y a obligation mutuelle de ne conclure que conjointement et d'un commun accord, et même de n'avancer pas plus un traité que l'autre » (art. 4).

La conclusion de ce traité avait été regardée par Contarini comme un coup de maître des négociateurs français, car, jusque-là, Saavedra s'était vanté qu'il pouvait en une après-soupée commencer et conclure le traité d'Espagne avec les Hollandais. La France ne devait pas supposer qu'on lui manquerait de foi; mais une république est toujours sujette à de grandes variations, et lorsqu'elle est nouvelle surtout, elle se permet beaucoup pour se consolider.

2 On trouve le mémoire du cardinal Mazarin, relatif à cet échange, dans les Négociations secrètes, tom. III, p. 20.

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