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sairement les inquiéter; en effet, ils n'avaient pas tort de regarder le voisinage de la France comme beaucoup plus à craindre que celui des Espagnols. Les Pays-Bas, possédés par une puissance éloignée et épuisée, leur tenaient lieu de barrière contre la prépondérance naissante de la France.

D'un autre côté, la position où se trouvaient les Espagnols fut cause qu'ils souhaitèrent ardemment de conclure une paix particulière avec la république. Ils n'oublièrent rien pour nourrir la méfiance que les Hollandais avaient conçue contre les Français. Ils y réussirent, quoique le cardinal eût retiré son projet d'échange; ils profitèrent alors des dispositions des Hollandais, qu'ils entretinrent en leur offrant des conditions avantageuses. Les plénipotentiaires de ceux-ci se laissèrent enfin engager, par le comte de Peñaranda, à conclure séparément avec l'Espagne au commencement de l'année 1647; cependant ils ajoutèrent aux articles qu'ils signèrent la clause que ces articles n'auraient l'effet d'un traité réel que lorsque la France aurait reçu une pleine satisfaction.

Les Hollandais jouèrent depuis le rôle de médiateurs entre la France et l'Espagne, et l'on vit naître, sur la fin de l'année 1647, une lueur d'espérance qu'on en viendrait à une paix générale par un accommodement des différends qui partageaient les Français, les Espagnols et les Portugais. On était déjà d'accord sur les principaux articles du traité, lorsqu'on se brouilla de nouveau sur celui qui regardait la restitution de la Lorraine. Les Espagnols exigeaient qu'on rendît au duc les places dans l'état où elles se trouvaient, au lieu que les Français prétendaient en démolir les fortifications.

A dire le vrai, ni les Français, ni les Espagnols n'avaient de penchant décidé pour la paix. Les Espa

gnols se flattaient qu'en faisant leur paix particulière avec la Hollande, il leur serait facile de reconquérir le Portugal et la Catalogne, et d'enlever même aux Français une partie de leurs conquêtes.

Le cardinal Mazarin, qui se trouvait alors à la tête du ministère en France, craignait qu'un temps de paix et de calme général au dehors ne fût préjudiciable à son autorité, et n'engendrât des factions et des troubles à l'intérieur; c'est ce qui le fit pencher pour la continuation de la guerre avec l'Espagne. La seule crainte qui le tourmentait était qu'on ne lui imputât d'avoir empêché la paix; aussi ne négligea-t-il rien pour en faire tomber l'odieux sur les Espagnols.

-Les Hollandais s'étant aperçus de ces dispositions réciproques, prirent enfin la résolution de signer définitivement leur traité avec l'Espagne; cette signature eut lieu à Munster le 30 janvier 1648'. Voici les principales conditions de ce traité, qui a occasionné, vers la fin du xvIII° siècle, les plus vives contestations entre les Hollandais et la maison d'Autriche.

Par le premier article, le roi d'Espagne reconnaît les Provinces-Unies comme États libres et souverains, sur lesquels il ne prétendra jamais rien, ni lui ni ses héritiers et successeurs. Cette reconnaissance de la part des Espagnols était d'autant plus précieuse pour les Hollandais, qu'ils l'avaient achetée par une guerre sanglante qui s'était prolongée pendant quatre-vingts

ans.

Par l'article 3, chacun conservait les pays, villes,

1 DU MONT, tom. VI, P. I, p. 429. SCHMAUSS, Corp. jur. gent. ac., p. 614. Un des principaux artifices dont les Espagnols s'étaient servis pour engager les Hollandais à signer séparément leur traité avec l'Espagne, fut de leur insinuer qu'il existait une négociation secrète entre la France et l'Espagne, ayant pour objet le mariage du roi avec l'infante, à laquelle on donnerait les Pays-Bas en dot.

places et terres dont il était en possession. Cet arrangement abandonna aux États-Généraux les conquêtes. qu'ils avaient faites sur les Espagnols, savoir:

1o Dans le Brabant, la ville et la mairie de Bois-leDuc, la ville et le marquisat de Berg-op-Zoom, la ville et la baronnie de Breda, la ville et le ressort de Mastricht, le comté de Vroenhove, la ville de Grave, et le pays de Kuyk.

2o Dans la Flandre, Hulst et ses dépendances, Axel et ses dépendances, avec les forts que les États tenaient au pays de Wæs..

3o Dans le Limbourg, la copropriété des trois quartiers d'outre-Meuse, savoir: Fauquemont, Dalem et Rolduc ces quartiers appartiendront, est-il dit dans le traité, conjointement au roi d'Espagne et aux ÉtatsGénéraux, sur le pied qu'ils les tenaient alors. Cette clause fut changée par une convention postérieure signée en 1661 à la Haye, et par laquelle le pays d'outreMeuse fut partagé entre le roi d'Espagne et les ÉtatsGénéraux. Les villes et châteaux de Fauquemont et de Dalem restèrent aux États-Généraux.

Par l'article 5, chacun conserva de même ce qu'il tenait aux Indes orientales et occidentales, sur les côtes d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. Par cet article, l'Espagne abandonna aux Hollandais toutes les conquêtes qu'ils avaient faites sur les Portugais dans les différentes parties du monde, pendant que le Portugal était une province de la monarchie espagnole. Ce sacrifice n'était pas grand de la part des Espagnols; depuis 1640, ils faisaient de vains efforts pour soumettre le Portugal, et ne pouvaient, par conséquent, guère se flatter de reconquérir ces possessions éloignées. Aussi ne firent-ils aucune difficulté de céder aux Hollandais, par le même article 5, leurs droits sur tous les lieux et places que les Portugais avaient

repris sur eux, depuis 1644, dans le Brésil, de même que sur les lieux et places que les Hollandais pourraient conquérir dans la suite, sans infraction au présent traité, c'est-à-dire qu'ils pourraient conquérir sur les Portugais, aux Indes et en Amérique.

Enfin, il est aussi stipulé, par l'article 5, que les Espagnols retiendront leur navigation aux Indes orientales dans l'état où elle se trouvait alors, sans pouvoir l'étendre, et que les habitants des Provinces-Unies s'abstiendront pareillement de la fréquentation des places que les Espagnols occupaient aux Indes orientales. Cette dernière clause occasionna de vives contestations entre les Hollandais et les Autrichiens, à l'époque de l'érection de la fameuse compagnie d'Ostende en 1722.

Par l'article 6, il est arrêté que, quant aux Indes occidentales, les sujets et habitants des deux États s'abstiendront réciproquement de naviguer et trafiquer dans les havres, lieux et places l'un de l'autre.

Le 14 article est devenu fameux; il porte que les rivières de l'Escaut, comme aussi les canaux de Sas,' Zwyn et autres bouches de mer y aboutissantes, seront tenus elos du côté des Provinces-Unies. Cet article, qui ferma l'Escaut, est devenu la cause de l'élévation rapide d'Amsterdam, mais il a ruiné le commerce d'Anvers, et a donné matière aux différends entre l'empereur et les États-Généraux qui éclatèrent en 1785.

Par l'article 17 et suivants, le roi d'Espagne accorde aux sujets des États-Généraux liberté de conscience dans ses États, sur le pied qu'elle avait été accordée aux Anglais par le dernier traité de paix.

Par un autre article, les sujets de la couronne d'Espagne et des Provinces-Unies sont déclarés capables de succéder les uns aux autres, tant par testament que sans testament, selon les coutumes des lieux.

La paix ayant été conclue entre l'Espagne et les États-Généraux des Provinces-Unies, la négociation languit à Munster entre la France et l'Espagne. On ne fit plus que des démarches stériles pour se rapprocher de part et d'autre. Les Français s'occupèrent plutôt de leur traité avec l'empereur et l'Empire, et des moyens d'en exclure les Espagnols, tout comme ceux-ci les avaient exclus de leur traité avec les Provinces-Unies. Pour cet effet, ils persistèrent à faire adopter, dans leur traité avec l'empereur et l'Empire, la clause qui porte que ni l'empereur ni l'Empire ne pourront donner du secours aux Espagnols, sous prétexte d'assistance due au cercle de Bourgogne ; que, cependant, ce cercle continuera à faire partie de l'Empire, après que les contestations entre la France et l'Espagne seront terminées1.

-Des stipulations à peu près semblables furent insérées dans le traité de Munster relativement au duc de Lorraine. Il y est arrêté que le différend touchant la Lorraine sera soumis à des arbitres ou décidé par le traité entre la France et l'Espagne, et qu'il sera libre à l'empereur et aux princes et États d'Empire de s'interposer par des voies amiables, sans user de la force des armes.

Quant aux ducs de Savoie et de Modène, alliés du roi de France contre l'Espagne, il est dit, dans le traité, que la guerre qu'ils ont faite et qu'ils font encore en Italie pour le roi, ne leur apportera aucun préjudice, c'est-à-dire de la part de l'empereur3.

Le traité de paix de Quérasque de 1631 est confirmé en faveur du duc de Savoie, et l'empereur s'engage à donner au duc, outre l'investiture de ses anciens fiefs

1

2

$3 du traité de Munster entre la France, l'empereur et l'Empire. $4.

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