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dont les conseils dirigeaient celle de Vienne, avait encouragé les princes protestants à pourvoir à leur sûreté au moyen d'une confédération qui fut négociée par Jacques de Bongars. Ces princes en resserrèrent les nœuds après la rupture de la diète de 1608, et choisirent pour chef l'électeur palatin'. Le différend qui bientôt après s'éleva sur la succession de Juliers, donna une plus grande importance encore à cette association.

Jean-Guillaume, dernier duc de Juliers, mort en 1609, laissa une riche succession qui fut réclamée par une foule de prétendants. Ses États, situés sur le Bas-Rhin, se composaient des duchés de Juliers, de Clèves et de Berg, des comtés de Mark et de Havensberg, et de la seigneurie de Ravenstein. Les principaux aspirants étaient les maisons de Saxe, de Brandebourg et palatine de Neubourg. La première se fondait sur des lettres d'expectative que plusieurs empereurs lui avaient accordées. Les maisons de Brandebourg et de Neubourg faisaient valoir les droits des deux sœurs aînées du dernier duc de Juliers. Elles soutenaient de concert que les fiefs de Juliers étaient des fiefs féminins, au lieu que la maison de Saxe voulait les faire passer pour masculins.

L'électeur de Brandebourg et le prince palatin de Neubourg commencèrent par prendre conjointement possession de toute la succession, et passèrent, en 1609, à Dortmund, une convention par laquelle ils convinrent de posséder en commun les États contestés, et s'engagèrent à les défendre à forces réunies contre tous ceux qui voudraient les troubler dans leur possession, jusqu'à ce que leur propre différend fût vidé par sentence ou par accommodement. Cette démarche

1 LONDORP, Acta publica, tom. III, p. 509. DU MONT, tom. V, p. 505. 2 TESCHENMACHER, Annales Julia, Clivia, Montium. Du MONT, tom. V, part. II, p. 103.

des maisons de Brandebourg et de Neubourg choqua la cour impériale et celle de Madrid, qui virent avec peine l'agrandissement de deux princes attachés au luthéranisme, et ayant des intérêts opposés à la maison d'Autriche.

L'empereur, en sa qualité de seigneur direct, prétendit être en droit de séquestrer toute la succession contestée, jusqu'à ce que les titres de tous les prétendants eussent été discutés. Il ordonna à l'archiduc Léopold, évêque de Passau et de Strasbourg, de rassembler des troupes avec lesquelles ce prélat s'empara de Juliers, et montra le dessein de vouloir chasser les princes de Brandebourg et de Neubourg de tous les pays qu'ils avaient envahis.

Dans ces circonstances, les princes protestants s'assemblèrent à Halle en Souabe en 1610; ils y renouvelèrent l'Union, et résolurent de donner des secours à l'électeur de Brandebourg et au duc de Neubourg'. Henri IV y envoya de Boissise; ce ministre conclut avec les princes unis un traité par lequel le roi s'engagea à faire marcher une armée à leur secours*.

Les Hollandais, craignant l'agrandissement des Autrichiens sur le bas Rhin, prirent le même parti. L'intention de Henri IV était de profiter de cette circonstance pour exécuter le grand projet qu'il avait formé de cimenter la paix perpétuelle entre les nations européennes par l'abaissement de l'Autriche, à laquelle il comptait enlever, outre la dignité impériale, les royaumes de Hongrie et de Bohême, et toutes ses possessions dans les Pays-Bas, en Italie et en Allemagne, qu'il destinait à des princes et États moins puissants3.

Du MONT, tom. V, part. II, p. 27.

3.

2 DU MONT, tome V, part. II, p. 135. LÉONARD, tome III, part. I, p. 3 Les historiens de la vie de Henri IV ne parlent point de ce projet ;

La maison de Saxe n'accéda pas à l'Union des princes protestants, afin de se rendre la cour impériale favorable dans l'affaire de la succession de Juliers. Cette tergiversation fit perdre à cette maison la direction du corps évangélique qui passa, pour quelque temps, à la maison palatine.

-Pour ne pas être pris au dépourvu, les princes catholiques de l'Empire convoquèrent, de leur côté, à Wurtzbourg, une assemblée des membres de leur communion, et y conclurent la Ligue dont Maximilien, duc de Bavière, fut déclaré le chef1.

L'armée des princes protestants, réunie aux troupes des Hollandais, entra dans le pays de Juliers, sous les ordres de Maurice, prince d'Orange, qui reprit, en 1610, la ville de Juliers sur les Autrichiens et leurs alliés les Espagnols. Un autre corps de ces mêmes princes s'établit en Alsace, pour y observer les mouvements des Autrichiens.

Les princes de la Ligue catholique ne tardèrent pas à mettre aussi leurs troupes en campagne. L'animosité des deux partis, excitée et fomentée par les puissances étrangères, menaçait l'Allemagne d'un embrasement général, lorsque l'assassinat de Henri IV et la mort de l'électeur palatin, chef de l'Union, causèrent un changement subit dans les affaires. La cour de France adopta une autre politique, et rappela aussitôt ses troupes. La perte d'un allié si puissant engagea les princes unis à entrer en accommodement avec la Ligue3. Celle-ci penchait aussi, de son côté, pour la paix, à cause des divisions qui s'étaient élevées dans

mais on en trouve le développement dans les Mémoires de Sully, publiés par l'abbé DE L'ÉCLUSE, au liv. XXX, p. 224 et 225.

1 DU MONT, tom. V, part. II, p. 118.

2 Mémoires de SULLY, liv. XXX, p. 452.

3 DU MONT, tom. V, part. II, p. 147. CARAFA, Germania sacra restaurata, p. 45.

la maison d'Autriche, sous le règne du faible empereur Rodolphe II. Ainsi les deux partis, cédant aux circonstances, firent taire pour le moment la haine et le ressentiment qu'ils nourrissaient l'un contre l'autre, et l'on signa, en 1610, des traités à Wilstett et à Munich'; mais comme ces conventions laissèrent subsister les causes de désunion, le feu continua à couver sous la cendre, et l'on put prévoir qu'il éclaterait à la première occasion.

Ce fut la Bohême qui la fournit; la guerre qui prit naissance dans ce pays s'étendit dans toute l'Allemagne, et bientôt, de proche en proche, finit par embraser une grande partie de l'Europe.

* DU MONT, tom. V, part. II, p. 147. CARAFA, Germania sacra restaurata, p. 43.

SECTION II.

« Et jamais on ne vit autant que dans ces circonstances la confirmation de cette triste vérité que la guerre nourrit la guerre. »

GUERRE DE TRENTE ANS.

Commencement de la guerre. - Défenestration de Prague. -Période palatine élection de Frédéric V. : Paix d'Ulm.-Bataille de Prague.

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- Translation de la dignité électorale, au duc de Bavière. - Période danoise bataille de Lutter. Édit de restitution. - Paix de Lubeck. Diète de Ratisbonne. - Paix de Ratisbonne. Période suédoise : bataille de Leipzig. — Bataille de Lutzen. - Traité de Heilbronn. — Bataille de Nordlingue. Paix de Prague. - Période française: traité de Compiègne. - Traité de Wismar. - Traité de Wesel. Événements de la guerre du côté des Français. — Traité de Paris. - Campagnes des Pays-Bas. Campagnes d'Italie. - Campagnes en Espagne. pagnes sur le Rhin. Événements de la guerre du côté des Suédois.

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Les troubles de Bohême, qui occasionnèrent la guerre de trente ans, eurent pour origine des lettres patentes de l'empereur Rodolphe II, connues sous le nom de lettres de majesté, par lesquelles il avait accordé, en 1608, aux évangéliques de ce royaume, «< le libre exercice de leur religion, partout et sans aucune distinction de lieux, avec le droit de faire construire des temples où ils le jugeraient à propos, sans que personne pût y trouver à redire1. » En conformité de ces lettres, les évangéliques voulurent élever des temples dans les territoires de l'archevêque de Prague et de l'abbé de Braunau. Ces prélats s'étant opposés, même par la force, à l'exécution de ce projet, les évangéliques convoquèrent tous les États de Bohême de leur communion. Cette assemblée eut lieu à Prague, malgré la dé

LUNIG, Reichsarchiv, Part. spec. erste Abtheilung, p. 55.

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