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Cette paix ne stipulait rien ni pour la sûreté de la mer Baltique ni pour celle des États de la basseSaxe, alliés du roi de Danemark. Les ducs de Mecklenbourg, entre autres, y étaient sacrifiés à la vengeance de l'empereur. Si jamais le système germanique a été menacé d'un renversement total, ce fut certainement à cette époque. L'électeur palatin et tous ses adhérents dépouillés de leurs États; le roi de Danemark forcé à une paix ignominieuse; les protestants soumis aux rigueurs de l'édit de restitution, et les princes, en général, tenus dans l'obéissance par une armée de plus de 200,000 hommes répartie dans tout l'Empire, sous les ordres du fier Wallenstein qui levait des contributions et commandait en maître; tout semblait avoir conjuré la ruine de l'ancien système.

Pour affermir sa domination absolue en Empire, Ferdinand n'avait besoin que de conserver les forces qu'il y tenait sur pied, et de les augmenter même suivant l'exigence des temps et des circonstances. Il aurait dû garnir surtout les côtes de la mer Baltique, pour tenir en respect les puissances du nord, et donner au roi de Suède de l'occupation du côté de la Pologne avec laquelle ce prince était en guerre; mais Ferdinand suivit une politique entièrement opposée à ses véritables intérêts. Sa paix avec le Danemark lui fit abandonner le projet d'équiper une flotte sur la mer Baltique, parce qu'il croyait n'avoir rien à craindre du roi de Suède dont il méprisait la faiblesse. Il divisa imprudemment ses forces, en envoyant des secours en Italie aux Espagnols contre les Français. Il réveilla ainsi la jalousie du gouvernement français, qui se reprochait d'avoir imprudemment contribué à l'agrandissement d'une puissance rivale. L'empereur poussa l'insouciance au point de congédier Wallenstein, son plus habile général, et de licencier la meilleure partie

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de ses troupes dans l'instant même qu'il se voyait attaqué par le roi de Suède. Voici ce qui le décida à cette étrange résolution.

-Il avait convoqué, en 1630, une diète électorale à Ratisbonne, dans le but d'engager les électeurs à élire roi des Romains, son fils l'archiduc Ferdinand; car, au milieu du pouvoir arbitraire qu'il avait usurpé, l'idée ne lui vint pas de se passer d'une pareille formalité, pour transmettre à son fils la couronne impériale. Les électeurs se voyant recherchés par l'empereur, se concertèrent pour lui demander hautement le redressement de leurs griefs. Ils se plaignirent du grand nombre de troupes dont l'Empire était inondé, de la manière arbitraire dont les quartiers des soldats étaient distribués, des contributions forcées, des excès et des insolences de toute espèce que ces mêmes. troupes se permettaient. Ils se déchaînèrent surtout contre Wallenstein qu'ils appelaient le rebut et l'exécration du genre humain, lui attribuant tous les maux et tous les désordres dont l'Empire souffrait; ils exigèrent même sans détour que l'empereur le renvoyât de son service. Ce prince, effrayé de l'agitation qu'il voyait dans les esprits, crut devoir donner aux électeurs une marque de condescendance. Il fit une grande réforme dans ses troupes, et ne conserva sur pied que trente-neuf mille hommes; l'armée de la Ligue fut réduite à treize mille, et Wallenstein reçut sa démission. Ce général, cherchant probablement à parer le coup qui le menaçait, s'était rendu en personne à la diète de Ratisbonne, en sa qualité de duc de Meklenbourg, et y avait étalé un faste et une magnificence qui achevèrent de le perdre. Après ces actes de complaisance, l'empereur comptait sans doute voir couronner ses vœux par l'élévation de son fils à la dignité de roi des Romains; mais ses espérances furent trom

pées par les intrigues de la France. Brulart de Léon, ambassadeur du roi, et le fameux Père Joseph, capucin', envoyés à la diète par le cardinal de Richelieu, aidèrent les électeurs à jouer l'empereur et facilitèrent par là l'exécution des projets du roi de Suède2. Ils conclurent, le 13 octobre 1630, avec l'empereur, un traité par lequel les deux puissances promettaient de ne pas assister leurs ennemis qui étaient alors déclarés, ou qui se déclareraient par la suite; mais le cardinal refusa de ratifier ce traité auquel les ministres de France n'avaient pas été autorisés. La diète de Ratisbonne se sépara sans avoir procédé à l'élection pour laquelle l'empereur avait fait tant de sacrifices.

-Le traité dont nous venons de parler réglait aussi l'affaire de la succession de Mantoue, qui était ouverte depuis la mort de Vincent II, de la branche aînée de la maison de Gonzague, décédé en 1628. En vertu de · ce traité, le duc de Nevers, protégé par la France, fut maintenu dans le duché contre le duc de Guastalle que soutenaient l'empereur et les Espagnols. Le duc de Nevers et celui de Guastalle appartenaient l'un et l'autre à la maison de Gonzague; mais le premier était plus proche agnat, et, en cette qualité, la succession

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Son véritable nom était François Leclerc de La Tremblaye. Né en 1577, il avait d'abord été connu dans le monde sous le nom de baron de Mafflée. Il avait renoncé au siècle dès 1599. Il fut employé sous la minorité dans diverses négociations. Richelieu, n'étant encore qu'évêque de Luçon, lui dut son retour à la cour: il jouit ensuite de la confiance la plus intime du cardinal, sous lequel il dirigeait une partie du département des affaires étrangères, et qui disait de lui : Je ne connais aucun ministre en Europe, en état de faire la barbe à ce capucin, quoiqu'il y ait une belle prise. A sa mort (1638) le cardinal assista à ses funérailles, et dit avec émotion: Je perds ma consolation et mon unique secours, mon confident et mon appui.

2 LE VASSOR, Hist. de Louis XIII, tom. X, p. 425 et 441. * DU MONT, tom. V, part. II, p. 615.

lui revenait incontestablement d'après la loi féodale'. Les Espagnols voulaient l'exclure comme partisan de la France, et lui préféraient le duc de Guastalle. De nouvelles contestations qui s'élevèrent à la suite du traité de Ratisbonne, furent cause que cette affaire ne fut terminée qu'en 1632. Dès le 31 mars 1631, le duc de Savoie conclut avec la France, à Quérasque, un traité secret, par lequel il céda au roi la ville de Pignerol, à condition que le duc de Mantoue lui céderait un équivalent dans le duché de Montferrat. Cependant le roi de France s'obligea de rendre Pignerol, par deux autres traités qui furent conclus avec l'empereur les 10 avril et 30 mai 1631, aussi à Quérasque. Lorsque, en vertu de ces conventions, les troupes impériales eurent évacué Mantoue et la Valteline, la France, secrètement d'accord avec le duc de Savoie, trouva un prétexte pour ne pas restituer Pignerol. Le duc réclama l'assistance du duc de Feria, gouverneur de Milan, qu'il savait hors d'état de le secourir. Il conclut ensuite avec la France deux traités simulés et patents; par l'un, qui fut signé le 19 octobre 1631, à Mille-Fleur, il remit en dépôt entre les mains du roi, pour six mois seulement, la ville et la citadelle de Pignerol; par l'autre, signé à Turin, le 5 juillet 1632, le duc céda cette place à Louis XIII. Nous n'avons fait que rappeler ici ces traités qui n'eurent qu'une influence secondaire sur les affaires générales de l'Europe.

'Le duc de Nevers et le duc de Guastalle descendaient de François II, marquis de Mantoue; mais le duc de Nevers descendait de son fils aîné, Frédéric ler, duc de Mantoue, tandis que la branche de Guastalle avait été fondée par un fils cadet de François II: Louis de Gonzague, troisième fils du premier duc de Mantoue, avait épousé l'héritière de la maison de Nevers.

2 DU MONT, tom. VI, part. I, p. 9. LÉONARD, tom. IV, p. 60 et 78.

Période suédoise.

La confédération des États de la basse Saxe étant dissipée, et le roi de Danemark ayant été forcé à la paix, on devait craindre que la maison d'Autriche ne fût enfin maîtresse de faire la loi à tout l'empire, et qu'aucune puissance étrangère n'osât plus prendre les intérêts du corps germanique. Ce fut néanmoins dans ces circonstances que le roi de Suède, suscité par le cardinal de Richelieu, parut sur la scène, et s'érigea en défenseur de ce corps contre la formidable maison qui l'opprimait.

Gustave-Adolphe, fils de Charles IX, réunissait au plus haut degré toutes les vertus d'un grand roi. Il était en guerre avec le roi de Pologne, qui lui disputait le trône de Suède. Les secours que l'empereur avait donnés aux Polonais, ses alliés, n'avaient point arrêté les succès de Gustave, qui s'était emparé, dans le cours de cette guerre, de toute la Livonie et d'une grande partie de la Prusse polonaise. Il lui était facile de pousser encore plus loin ses avantages, s'il n'avait pas cru devoir se mêler des affaires de l'Empire, qui d'abord n'avaient paru le toucher que faiblement. Mais ce prince était trop éclairé pour tarder à s'apercevoir que l'indépendance et le lustre de sa couronne étaient inséparablement liés à la conservation du système germanique. Il sentit que, si l'empereur parvenait à bouleverser ce système et à étendre sa domination sur la mer Baltique, il mettrait bientôt les puissances du nord dans sa dépendance. D'ailleurs il était à appréhender que l'empereur, pour faire une diversion en faveur du roi de Pologne, n'attaquât la Suède, et il était plus avantageux de le prévenir. Toutes ces considérations déterminèrent Gustave-Adolphe à interrompre le cours de ses victoires dans le Nord, pour porter ses armes en Empire, afin d'en secourir les princes opprimés et mettre un frein à l'ambition de

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