Page images
PDF
EPUB

l'empereur. Il fut affermi dans ce dessein par la cour de France, également intéressée au maintien de la constitution germanique.

Le cardinal de Richelieu, envoya auprès de lui le baron de Charnacé, chargé de négocier un accommodement entre la Suède et la Pologne. Une trêve de six ans entre ces deux puissances fut signée, le 25 septembre 1629, au camp du roi de Suède et sous la médiation de la France. Le même ministre négocia ensuite un traité d'alliance entre la France et la Suède. Elle fut conclue le 13 janvier 1631, à Berwald, dans la Nouvelle-Marche où était le quartier-général de Gustave, et la France promit de payer annuellement au roi de Suède une somme de deux cent quarante mille rixdalers à titre de subsides, aussi longtemps

que durerait la guerre d'Empire1.

Le roi de Suède, se trouvant libre du côté de la Pologne, fit des préparatifs pour son expédition d'Allemagne. Après avoir publié un manifeste, il fit sa descente dans l'île de Rugen, le 24 juin 1630, à la tête d'une armée qui ne passait pas quinze mille hommes. Arrivé dans la Poméranie et devant les portes de Stettin, il conclut avec le duc un traité d'alliance, qui le rendait maître de cette province dont il chassa les garnisons impériales. Étant entré ensuite dans les Marches, il offrit son alliance aux électeurs de Brandebourg et de Saxe. L'un et l'autre étaient peu disposés à contracter des liaisons avec le roi de Suède.

Cependant l'électeur de Saxe, encouragé par l'arrivée des troupes suédoises, prit le parti de convoquer, pour le mois de février 1631, à Leipzig, une assemblée de tous les États protestants de l'Empire. Il y

' LÉONARD, tom. V. DU MONT, tom. VI, part. I, p. 1. LONDORP, tom. IV, p. 73.

conclut avec eux une Ligue dont l'objet fut de mettre sur pied une armée, et de se donner des secours mutuels pour empêcher les contributions, exactions, passages et logements arbitraires et illégaux des troupes impériales'. Le roi de Suède avait envoyé à cette assemblée le célèbre Chemnitz, historien de la guerre suédoise. Il était chargé d'engager les princes protestants à faire cause commune avec le roi, ou du moins à lui payer des subsides. Chemnitz échoua dans sa double tentative, malgré les efforts du baron de Charnacé, ministre de France, qui se trouvait présent à cette assemblée.

Le but de l'électeur de Saxe, en se mettant à la tête de cette Ligue, était de tenir la balance entre l'empereur et le roi de Suède, afin de se faire rechercher par l'un et par l'autre, et se rendre ainsi l'arbitre de la paix; mais ce rôle était au-dessus de ses moyens, et il était aisé de prévoir qu'il serait la victime de sa politique.

L'empereur enjoignit aux alliés de Leipzig de renoncer à leur Ligue; et, sur leur refus, il fit marcher des troupes pour la dissoudre, pendant que Tilly eut ordre d'observer le roi de Suède. Ce prince s'arrêtait dans le Brandebourg, où il traitait avec l'électeur qui, ne sachant quel parti prendre, traînait la négociation en longueur. Pour obliger Gustave de sortir des Marches, et pour se ménager une occasion de lui livrer bataille, Tilly entreprit le siége de Magdebourg. Mais rappelons en quelques mots ce terrible drame.

Un prince de la maison de Brandebourg, nommé Christian-Guillaume, oncle de l'électeur, était archevêque ou administrateur de Magdebourg, au commencement de la période danoise de la guerre de trente

[blocks in formation]

ans. Étant entré dans la ligue danoise, il fut déclaré par l'empereur déchu de l'archevêché. Le chapitre élut à sa place le prince Auguste de Saxe, fils de l'électeur Jean-George; mais le pape ayant rejeté le prince saxon, adjugea l'archevêché à Léopold-Guillaume, fils cadet de l'empereur. Le prince Auguste trouva cependant moyen de se maintenir à Magdebourg, et Wallenstein échoua dans le siége de cette ville, qu'il entreprit en 1629. L'invasion du roi de Suède occasionna une révolution dans cet archevêché. L'ancien administrateur s'en empara, par le moyen d'un parti qu'il s'était ménagé dans la ville, et qui lui en facilita l'entrée pendant la nuit du 28 juillet 1630. Il obligea les magistrats et la bourgeoisie à le reconnaître comme archevêque et souverain. Il s'allia avec le roi de Suède, leva des troupes, et entreprit la guerre contre l'empereur. Un suédois, Thierry de Falkenberg, fut envoyé à Magdebourg, et y prit le commandement de la garnison. Tilly eut ordre de former le siége de cette place; il l'entreprit sur la fin de 1630. Les habitants, comptant sur l'assistance du roi de Suède, se défendirent courageusement, et se refusèrent à toutes les sommations que leur fit Tilly. Ce général emporta enfin la ville d'assaut le 10 mai 1631. Les citoyens se battirent en désespérés, même après la prise de la ville; mais leur commandant, Falkenberg, ayant été tué, ils perdirent enfin courage. Les soldats, furieux, assouvirent leur rage par le fer et par le feu. Presque tous les habitants furent passés au fil de l'épée. La ville fut ruinée de fond en comble, et il n'en resta que la cathédrale et quelques cabanes de pêcheurs1.

1

Il y a peu de tableaux plus horribles que cetu du sac de Magdebourg pendant trois jours le soldat s'y abreuva de crimes, s'enivra de

Le roi de Suède publia un manifeste pour se justi-fier de n'avoir pas secouru Magdebourg. Il en rejeta la faute sur les électeurs de Brandebourg et de Saxe, qui non-seulement avaient refusé d'être ses alliés, mais n'avaient pas même voulu lui donner les sûretés nécessaires pour son passage par leurs pays. A la fin, fatigué des lenteurs qu'il éprouvait de la part de l'électeur de Brandebourg, il marcha sur Berlin, et le força de lui accorder, par un traité, droit de garnison à Spandau, et le libre passage à Custrin. Il établit enfin son camp à Werben, à l'endroit où la Havel se jette dans l'Elbe'. Tilly vint l'attaquer dans ce camp; mais ayant été repoussé avec perte, il prit la résolution de tomber sur l'électeur de Saxe, pour forcer le roi de quitter sa position sur l'Elbe, qui était très-avantageuse.

- L'électeur ayant été vainement sommé par Tilly de renoncer à la ligue de Leipzig, ce général pénétra dans la Saxe à la tête d'une armée de quarante mille hommes, et se rendit maître de Mersebourg et de Leipzig. L'électeur se porta à Torgau, et supplia le roi de Suède de venir à son secours. Gustave, qui avait tout lieu d'être mécontent de ce prince, fit d'abord quelques difficultés ; mais il signa ensuite généreusement l'alliance; et, ayant passé l'Elbe du côté de Wittemberg, à la tête d'une armée de vingt-deux mille hommes, il fit sajonction avec l'électeur près de Dieben, entre Wittemberg et Leipzig. Les deux armées combinées marchèrent sur cette dernière ville, dans l'intention de combattre les impé

débauches et de sang. Plus de quarante mille personnes furent immolées. De quatre mille maisons, cent quarante seulement échappèrent aux flammes. Et comme pour ajouter à l'horreur du carnage, par un contraste révoltant, Tilly, qui présidait à ces scènes infernales, entonna, sur les ruines fumantes, le chant sacré du Te Deum!

On trouve le plan de ce camp célèbre dans le Theatrum europæum, tom. II.

riaux. L'aile droite était commandée par le roi, et l'électeur commandait la gauche. Tilly comptait éviter la bataille jusqu'à l'arrivée d'un renfort considérable qu'il attendait; mais le général Pappenheim, qui commandait la cavalerie impériale, ayant eu l'imprudence d'engager le combat, on en vint à une action générale, le 7 septembre 1631, dans les champs appelés Breitenfeld, aux environs de Leipzig'. Le corps saxon, composé en grande partie de troupes nouvellement levées, fut facilement mis en fuite; l'électeur se retira à Eulenberg, et les impériaux se croyaient sûrs de la victoire; mais le roi de Suède manœuvra si bien sur son aile droite, qu'il finit par battre complétement l'ennemi. Tilly, dangereusement blessé, se retira à Halle, et de là à Halberstadt. Il y eut du côté des impériaux sept mille six cents hommes de tués, sans compter ceux qui périrent dans la fuite. GustaveAdolphe poursuivit les fuyards jusqu'à Halle, dont il se rendit maître. Ce fut dans cette ville qu'il tint conseil avec l'électeur sur le parti à prendre pour la continuation de la guerre. Il y fut décidé que l'électeur attaquerait la Silésie et la Bohême, pendant que le roi se porterait en Franconie et dans les autres provinces de l'Empire".

C'est le champ de bataille du 18 octobre 1843.

2 CHEMNITZ, Histoire de la guerre de Suède, p. 209. PUFFENDORF, de rebus Sueciæ. PIASECIUS, p. 130. ARCHENHOLZ, p. 371. Theatrum europæum, tom. II, p. 432.

3

Des écrivains modernes ont critiqué cette résolution du roi de Suède, et ont prétendu qu'il aurait mieux fait de pénétrer lui-même dans les pays héréditaires de l'empereur, en laissant à l'électeur le soin de faire la guerre en Empire; qu'en suivant ce parti, il lui aurait été facile de percer jusqu'au centre des États d'Autriche, et de forcer l'empereur à la paix. Archenholz, dans son histoire de Gustave-Adolphe, l'a justifié de ce reproche. Tilly s'étant, dit-il, retiré en Empire, où il rassemblait de nouvelles forces, il aurait été imprudent, de la part du roi, d'envoyer contre lui les Saxons qui, à la journée de Leipzig, avaient à peine sou

« EelmineJätka »