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Le roi n'ayant point trouvé d'opposition de la part de Tilly, dont l'armée s'était dispersée, parcourut rapidement les provinces de Franconie, du haut Rhin, de Souabe et de Bavière. Toutes les villes lui ouvrirent leurs portes, et les princes protestants s'empressèrent à l'envi de contracter alliance avec lui. Il passa le Rhin aux environs d'Oppenheim, et s'empara de plusieurs villes du Palatinat et de l'Alsace. Se tournant ensuite contre Tilly, qui s'était retiré dans la Bavière, il prit Donawerth, et força, le 15 avril 1632, le passage du Lech, où Tilly perdit beaucoup de monde et reçut une blessure dont il mourut trois jours après l'action. Gustave s'avança jusqu'à Munich, dont il se rendit maître le 17 mai 1632. Ce prince aurait encore eu de plus grands succès si l'électeur de Saxe avait mis dans ses opérations autant d'activité que lui; mais, après la prise de Prague, le général Arnheim, commandant les troupes saxonnes, resta dans l'inaction et laissa à l'empereur le temps de rétablir ses forces et de mettre une nouvelle armée sur pied. Le roi eut beau représenter à ce général qu'il devait profiter de la consternation des impériaux pour pénétrer dans la Moravie et dans l'Autriche, où les nouvelles recrues de l'empereur ne lui opposeraient pas une grande résistance; il s'opiniâtra à perdre son temps devant Prague, et il est à présumer qu'il n'agissait ainsi qu'en vertu d'or

tenu le premier choc de cet habile général. Il est vrai que, par un de ces hasards singuliers, dont il est difficile de connaître les causes secrètes, il arriva que l'armée de Tilly, portée de nouveau à soixante mille hommes, se dispersa sans avoir rien fait; mais comment le roi pouvait-il prévoir un événement aussi singulier et aussi inexplicable? Le comte de Furstemberg, officier général dans l'armée de Tilly, qu'on regarde comme l'auteur des notes allemandes sur le Florus germanicus de Wassenberg, attribue la retraite de ce général devant l'armée du roi, infiniment inférieure à la sienne, à des ordres supérieurs, dont il ne lui appartenait pas d'approfondir les motifs.

dres supérieurs. L'électeur, en effet, craignait de se donner un maître dans la personne du roi de Suède, s'il secondait efficacement ce prince et lui facilitait les moyens de renverser la puissance de l'empe

reur.

On sent quel dut être alors le trouble de Ferdinand, qui, du faîte de la grandeur et de la fortune, se trouvait tout à coup sur le bord du précipice! Que de reproches ne se faisait-il pas de la facilité avec laquelle il s'était prêté aux demandes des électeurs, à la diète de Ratisbonne, et surtout au renvoi de Wallenstein! Il eut donc l'humiliation de se voir réduit à supplier un sujet orgueilleux qu'à l'époque de sa splendeur il avait offensé, et qui, dans sa détresse actuelle, était devenu son unique ressource. Il fit tout pour l'apaiser et pour l'engager à prendre le commandement d'une armée qui devait se former sous ses auspices.

Wallenstein, s'abandonnant à son ressentiment, fut longtemps inflexible, et ne se rendit qu'à des conditions extrêmement dures. Ayant enfin consenti à accepter le commandement, il mit en très-peu de temps sur pied une armée de quarante mille hommes, à la tête de laquelle il reprit Égra et Prague sur les Saxons; il les chassa de toute la Bohême, et marcha contre le roi de Suède, qui avait établi son camp auprès de Nuremberg. N'ayant pu l'engager dans une action, il transféra le théâtre de la guerre en Saxe, pour forcer le roi de quitter la Bavière et de renoncer au projet de pénétrer au centre des États Autrichiens. Wallenstein s'avança donc sur Leipzig, dont il se rendit maître le 12 novembre 1632. L'électeur rappela alors ses troupes de la Silésie, et implora l'assistance du roi de Suède. Quoique Gustave-Adolphe fût justement irrité de la conduite de ce prince et de celle de ses généraux, il ne jugea cependant pas qu'il fût prudent de l'aban

donner, de peur qu'il ne s'accommodât à tout prix avec la cour de Vienne.

Le roi marcha donc à grandes journées vers la Saxe, et campa d'abord à Naumbourg, d'où il se porta à Lutzen, dans l'évêché de Mersebourg, avec la résolution de livrer bataille aux impériaux avant le retour du général Pappenheim, qui avait été détaché par Wallenstein. Cette bataille s'engagea le 16 novembre 1632, et le roi y fut tué au premier choc, non loin de la pierre nommée Schwedenstein, qui s'élevait près de la grande route de Francfort à Leipzig, et que remplace, depuis 1837, un monument consacré à sa mémoire. L'opinion générale de ses contemporains le fait mourir par trahison. Les uns accusaient de ce crime un nommé Falkenberg, qui servait dans les troupes de l'empereur, et qui, ayant reconnu le roi, l'aurait ajusté les autres, comme Puffendorf, le font assassiner par le duc de Saxe-Lauenbourg, qui donna lieu à ce soupçon, parce qu'ayant quitté peu auparavant le parti de l'empereur, il s'était attaché à la personne du roi de Suède, et qu'aussitôt après l'événement il retourna aux impériaux, et se montra l'ennemi acharné des Suédois. Il paraît aujourd'hui hors de doute que Gustave, trompé par le brouillard, s'étant trop avancé, tomba dans un parti ennemi, et qu'il y trouva la mort. Telles sont les circonstances rapportées par un jeune officier suédois, le baron de Leubelfing, qui assista le roi dans ses derniers moments. Cet officier, blessé mortellement lui-même, fit. ce récit à son père dans la lettre qu'il lui écrivit avant de mourir. Suivant cette relation, le roi n'était accompagné que de huit personnes, du nombre desquelles était le duc de Saxe-Lauenbourg; ayant été entouré par les ennemis, il en avait tué six de sa propre main; mais, affaibli par les différentes blessures qu'il avait reçues, il

était tombé de cheval; et, au moment où le jeune Leubelfing faisait des efforts pour aider le roi à se relever, << un cuirassier impérial lui cassa la tête d'un coup de mousquet et, par une action si cruelle, termina la vie du plus grand roi du monde, les délices de ses sujets, la terreur de ses ennemis et l'admiration de l'Europe, dans la fleur de ses années et au milieu de ses triomphes. Il semble que ce prince eut quelque pressentiment de son malheur lorsque, peu de jours auparavant, voyant les peuples accourir en foule au-devant de lui, avec de grandes démonstrations de joie, de respect et d'admiration, il dit qu'il craignait bien que Dieu, offensé de leurs acclamations, ne leur apprit bientôt que celui qu'ils semblaient révérer comme un dieu n'était qu'un homme mortel!»>

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Cette nouvelle ébranla un instant l'armée suédoise; mais le duc Bernard de Saxe-Weimar, qui en prit le commandement après la mort du roi, sut si bien rallier et animer les Suédois à la vengeance, que tous les efforts de Wallenstein furent inutiles, et qu'il se vit forcé d'abandonner le champ de bataille et de se retirer dans la Bohême. Les impériaux perdirent dans cette bataille dix à douze mille hommes, et la victoire des Suédois fut complète. Cependant ils n'en recueillirent pas les avantages, parce que la mort de GustaveAdolphe alarma leurs alliés et fit pencher plusieurs d'entre eux pour la paix.

Le chancelier Oxenstiern, célèbre ministre de Gustave-Adolphe, eut besoin de toute sa prudence et de sa politique pour maintenir le parti suédois en Empire. II convoqua à Heilbronn, au mois de mars 1633, une

1 FOLARD, Histoire de Polybe, tom. I, p. 92, prétend que l'on cacha à l'armée la mort de son chef: il est démenti par tous les auteurs contemporains.

assemblée des États protestants des quatre cercles antérieurs, c'est-à-dire des deux cercles du Rhin et de ceux de Franconie et de Souabe. Les États de ces cercles conclurent une alliance formelle avec la couronne de Suède, et le chancelier Oxenstiern fut chargé de la direction générale des affaires de l'Union.

-Le marquis de Feuquières, ambassadeur extraordinaire du roi de France, y signa pareillement, le 6 avril 1633, un nouveau traité d'alliance par lequel Louis XIII s'engagea à payer annuellement à la Suède un million de livres tournois, aussi longtemps que durerait la guerre. Ce ministre se rendit de Heilbronn aux cours électorales deDresde et de Berlin, pour les inviter à accéder aux délibérations de cette assemblée et à faire alliance avec la Suède; mais il échoua dans cette double négociation. L'électeur de Saxe était mécontent de ce que la direction générale des affaires eût été confiée au chancelier Oxenstiern; quoique en guerre ouverte avec l'empereur, ce prince avait toujours une affection secrète pour la maison d'Autriche, et cherchait dès lors à se préparer les voies d'un accommodement'.

Après la mort de Gustave-Adolphe, les Suédois furent commandés par les généraux Gustave Horn, Jean Banner et le duc de Weimar. Wallenstein se borna à défendre l'entrée de la Bohême. Après avoir battu les Suédois près de Steinau en Silésie, le 18 octobre 1633, il s'empara de plusieurs places de cette province. La lenteur que ce général mit dans ses opérations fournit à ses ennemis le moyen de tramer sa perte. On l'accusa d'entretenir des intelligences secrètes avec les ennemis de l'empereur, d'aspirer à la couronne de

Mémoires pour servir à l'histoire du cardinal de Richelieu, tom. I,

p. 382.

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