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Bohême, et de vouloir même attenter à la vie de son souverain et de sa famille. Ce qui est certain, c'est que Wallenstein fit faire des ouvertures au marquis de Feuquières pendant son séjour à Dresde, et qu'il en fit pareillement au chancelier Oxenstiern. On ne saurait cependant décider si ces propositions étaient sérieuses ou si elles n'étaient qu'un leurre pour les alliés. Quoi qu'il en soit, ses ennemis en ayant profité pour le rendre suspect, l'empereur le fit assassiner à Égra1 le 25 février 1634, et chargea son fils Ferdinand, roi de Hongrie, du commandement en chef de l'armée2.

. Aussitôt après la mort de Wallenstein, les Saxons, sous les ordres du général Arnheim, reconquirent la Lusace, et envahirent la Silésie. Ils défirent les impériaux à Liegnitz, le 3 mai 1634, et leur tuèrent plus de quatre mille hommes. Les succès du roi de Hongrie réparèrent bientôt cet échec. Ce prince, après s'être emparé de Ratisbonne et avoir chassé les Suédois de toute la Bavière, se porta dans la Souabe et entreprit le siége de Nordlingue.

--Les généraux suédois, Gustave Horn et le duc de

' PIASECIUS, p. 468. CHEMNITZ. PUFFENDORF.

2 WALDSTEIN (c'est l'orthographe que conservent ses descendants) avait alors 53 ans. Toujours adonné à l'astrologie judiciaire, il venait de consulter son astrologue Apostolo-Zeni, qui lui avait dit que son heure fatale n'était pas encore passée. Au milieu de la nuit, au moment où il se préparait à prendre quelque repos, un capitaine irlandais, Lesly, entre dans sa chambre, suivi de six hallebardiers, et il tombe sous leurs coups redoublés. L'empereur, pour donner l'ordre formel de livrer le général rebelle mort ou vif, se fondait sur le rapport d'un nommé SCESINA que WALDSTEIN avait envoyé à Vienne, et qui, le trahissant, l'accusa d'entretenir des intelligences secrètes avec le roi de Suède dès l'année 1630. FERDINAND fit dire un millier de messes pour le repos de l'âme de WALDSTEIN, ce qui semblerait indiquer de vifs regrets. Au reste, FOERSTER a récemment publié les lettres et une biographie de WALDSTEIN, dans le dessein de le justifier; et les descendants de cette illustre famille ont fait valoir, auprès du conseil aulique, leurs droits << sur les biens indûment confisqués du duc de FRIEDLAND. »

Weimar, s'étant approchés pour dégager cette ville, il s'y donna, le 6 septembre, une grande bataille dont l'issue fut très-malheureuse pour la Suède. Le premier jour les Suédois eurent l'avantage; mais le lendemain ils furent entièrement défaits et perdirent plus de six mille hommes, sans compter les prisonniers. Gustave Horn était du nombre des derniers, et le duc de Weimar fut sur le point d'éprouver le même sort'.

La défaite de Nordlingue ruina le parti suédois en Empire. Oxenstiern s'épuisait depuis longtemps en négociations pour engager les cercles de la basse Allemagne d'accéder à l'alliance de la Suède, à l'exemple des cercles supérieurs. Il avait indiqué, à Francfort sur Mein, une assemblée générale de tous les États protestants. Cette assemblée venait de se former, lorsque la nouvelle de la défaite des Suédois la dissipa et rompit toutes les mesures d'Oxenstiern.

L'électeur de Saxe fut le premier qui abandonna la Suède; il n'avait jamais été son allié sincère. Le landgrave de Hesse-Darmstadt, un des plus zélés partisans de la maison d'Autriche, saisit la circonstance de la défaite de Nordlingue pour engager l'électeur, qui était son beau-père, à entamer à Pirna une négociation avec les impériaux. On parvint à y signer un traité, le 23 novembre 1634; mais ce traité ayant été porté à Prague pour la ratification, l'empereur y fit de grands changements. Quelque préjudiciables qu'ils fussent aux intérêts de l'électeur, il les accepta cependant; et le traité, ainsi modifié, fut signé de nouveau à Prague, le 30 mai 1635'. En voici les principaux articles:

1 PIASECIUS. CHEMNITZ. PUFFENDORF. La relation de Gustave Horn dans les Mémoires du cardinal DE RICHELIEU, tom. I, p. 429.

2

Voyez ce traité dans LONDORP, tom. IV, p. 458. Du MONT, tom. VI, part. I, p. 89, et dans un ouvrage imprimé en 1636 et intitulé : Pirnaische und Pragische Friedenspacten, zusampt angestellter Collation

La paix de Prague ne stipula, en faveur de ceux qui avaient offensé l'empereur, qu'une amnistie trèslimitée. L'électeur palatin en fut nommément exclu, ainsi que tous les États d'Empire qui avaient pris fait et cause pour lui. A la suite de la paix de Prague se trouve un recès particulier, qui indique tous ces États, tels que l'électeur palatin, le duc de Wirtemberg, le margrave de Bade-Dourlach et un grand nombre de comtes d'Empire, comme Lowenstein, Erbach, Isenbourg, Eberstein, Nassau, Hanau, Wied', etc. L'électeur les sacrifiait tous au ressentiment de l'empereur, qui disposait de leurs pays soit en faveur de sa maison, soit en faveur d'autres princes, ses créatures'. En général l'empereur n'accordait la restauration que de ceux qui avaient été dépouillés depuis 1630, ou qui étaient trop éloignés pour qu'il pût disposer de leurs possessions.

Quant aux biens ecclésiastiques tant immédiats que médiats, dont les protestants s'étaient emparés depuis la transaction de Passau et la paix de religion, il fut décidé que la possession de ces biens se réglerait sur le pied du 24 novembre 1627, et que cet arrangement subsisterait pendant quarante ans, au bout desquels chaque parti rentrerait dans ses droits primitifs. Les États protestants, qui, en vertu de cette convention, restaient saisis de biens ecclésiastiques immédiats, ne devaient cependant pas siéger à la diète comme possesseurs de ces biens, ni, à ce titre, entrer dans les députations de l'Empire.

La paix de Prague ne parle pas de l'exercice de la

und Anweisung der Discrepanz und des Unterschieds zwischen denselben. PIASECIUS, CHEMNITZ, PUFFENDORF, et Mémoires de Louise-Juliane, p. 328 et 334.

1 DU MONT, tom. VI, p. 99.

2 Pirnaische und Pragische Friedenspacten, p. 269.

religion protestante dans les pays catholiques; les réformés en sont de même tacitement exclus.

La dignité électorale et le haut Palatinat sont confirmés au duc de Bavière, ainsi que la partie du palatinat du Rhin, que l'empereur lui avait conférée. On fait seulement espérer aux enfants de l'électeur dépossédé de fournir à leur entretien, s'ils rentraient dans le devoir, en faisant leur soumission à l'empereur.

L'expectative de la Poméranie et la succession de ce duché sont confirmées à l'électeur de Brandebourg. Le fils de l'électeur de Saxe conservera, sa vie durant, l'archevêché de Magdebourg, et l'ancien administrateur de la maison de Brandebourg recevra une pension annuelle de douze mille écus. Les bailliages magdebourgeois de Querfurt, Jüterbock, Damm et Burg, sont abandonnés à l'électeur de Saxe, à charge de les restituer contre un équivalent qui lui sera assigné. L'évêché de Halberstadt est assuré à l'archiduc Guillaume-Léopold, fils de l'empereur. Les dues de Meklembourg sont rétablis dans leur duché s'ils acceptent la paix.

La Lusace, qui, dès l'an 1623, avait été abandonnée à l'électeur de Saxe en dédommagement des frais de la guerre, lui est confirmée par la paix de Prague. Il la tiendra comme un fief mâle de la couronne de Bohême. Si les mâles de la branche électorale venaient à manquer, la Lusace passera aux filles de l'électeur Jean-George II et à leurs descendants mâles; mais, dans ce cas, il sera libre au roi de Bohême d'user du droit de retrait, en remboursant la somme pour laquelle cette province a été cédée à l'électeur, et qui se montait à soixante-douze tonnes d'or, c'està-dire à sept millions deux cent mille florins'. L'union

1 Cette cession de la Lusace est réglée par un traité particulier, qui se trouve à la suite de la paix de Prague, dans DU MONT, tom. VI,

héréditaire et le pacte de confraternité qui subsistaient depuis longtemps entre les maisons de Saxe, de Brandebourg et de Hesse, sont aussi confirmés.

Quoique ce traité ne fût proprement conclu qu'entre l'empereur et l'électeur de Saxe, il devait cependant avoir force de loi et de pragmatique-sanction en Empire, dès que la majorité des États y aurait adhéré.

Ce qu'on ne peut lire sans indignation, c'est que l'électeur de Saxe, dont les États avaient été deux fois sauvés par le roi de Suède, s'engageât, en vertu de ce traité, à réunir ses forces à celles de l'empereur et des autres princes qui adhéreraient à la paix, pour chasser les Suédois de l'Empire, s'ils refusaient d'en sortir de bon gré, moyennant un million de florins qu'on leur offrirait.

La France ne négligea rien pour détourner l'électeur de Saxe de cette paix honteuse, par laquelle il sacrifiait à l'empereur les intérêts les plus chers du corps germanique et ceux de la religion qu'il professait lui-même. Elle lui fit faire à ce sujet les plus

part. I, p. 404. Il fut convenu que, dans le cas où cette succession serait dévolue aux descendants mâles des filles de l'électeur Jean-George II, le partage se ferait d'après les branches, de manière cependant que la Lusace resterait indivise, et serait administrée par une régence commune. Jean-George II laissa trois filles; mais la troisième, mariée d'abord au prince royal de Danemark, Christian, fils de Christian IV, et, en secondes noces, au duc de Saxe-Altenbourg, ne laissa pas d'enfant mâle; de manière qu'en cas d'extinction de la branche Albertine de Saxe, la Lusace devrait passer aux descendants mâles des deux autres filles; savoir pour moitié à la maison de Hesse-Darmstadt, et pour moitié aux descendants de Frédéric III, duc de Sleswig-Holstein. Ceux-ci se divisent en trois branches : 1° la branche de Holstein-Gottorp, qui règne en Russie; 2° celle de Holstein-Eutin, qui a régné en Suède jusqu'en 1809; 3° celle de Holstein-Oldenbourg. Les stipulations relatives à cette réversibilité ont été changées par le traité de Vienne de 1815: l'Autriche y a renoncé; mais il n'a pas été question des droits des maisons de Hesse et de Holstein, qui subsistent en entier, au moins pour la partie de la Lusace qui est restée au roi de Saxe,

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