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vement à l'égard de la plupart des princes protes

tants.

La réformation occasionna, en Allemagne, deux guerres civiles: l'une, sous Charles-Quint, fut terminée par la transaction de Passau et la Paix de religion; l'autre, sous Ferdinand II, finit par la paix de Westphalie.

Ce dernier traité est une suite et un complément des premiers, et sert souvent à les interpréter; il est donc nécessaire, pour l'intelligence de la paix de Westphalie, de remonter à la transaction de Passau et à la Paix de religion, ainsi qu'aux guerres qui les ont amenées, et auxquelles la politique eut autant de part que le zèle religieux.

L'ambition de Charles-Quint et de Ferdinand II profita du dévouement des catholiques d'Allemagne pour essayer de renverser la constitution de l'Empire, et de s'assurer un pouvoir absolu. Ce plan inspira de l'inquiétude à quelques autres États qui, craignant pour leur sûreté particulière autant que pour la perte de l'équilibre général, s'unirent aux princes protestants d'Allemagne contre les empereurs et le parti catholique. Ainsi, les mêmes traités qui maintinrent le protestantisme en Empire, consolidèrent aussi la constitution germanique, et établirent l'équilibre du pouvoir en Europe.

A la Diète que Charles-Quint convoqua à Worms, peu après son élévation au trône impérial, il fit passer un édit qui proscrivait Luther et tous ses adhérents, c'est-à-dire qu'en les déclarant hors la paix publique, il ordonnait de les traiter comme ennemis de l'Empire, et de les punir selon toute la rigueur des lois.

Cet édit, publié en 1521, eût peut-être excité alors une guerre civile, si des soins plus pressants et des guerres étrangères n'eussent engagé l'empereur à en

différer l'exécution jusqu'en 1546. Quoique adopté par la majorité des suffrages, l'édit ne fut point compris dans le recès de la diète de 1521. On prétend que l'opposition des princes qui favorisaient Luther, et la modération de l'électeur de Mayence, qu'on accusait d'être un partisan secret de la nouvelle doctrine, le firent rejeter de cet acte.

-L'animosité des princes catholiques, et la rigueur avec laquelle ils exécutèrent, contre leurs sujets luthériens, les articles de l'édit, faisant craindre aux princes de la communion de Luther de voir une union se former entre les États catholiques et l'empereur, les engagèrent à penser aux moyens de pourvoir à leur sûreté. Ils conclurent une ligue, qu'on nomma Confédération de Smalkalde, d'une petite ville de Franconie où les princes tenaient leurs assemblées. Cette association, qui fut consolidée en 1536, choisit pour chefs l'électeur Jean-Frédéric de Saxe, et Philippe le Magnanime, landgrave de Hesse'.

On est surpris qu'un prince aussi puissant que Charles-Quint n'ait pas pensé à attaquer sur-le-champ les princes ligués, pour faire servir l'asservissement de l'Allemagne à l'exécution de ses projets ambitieux. Les forces dont il pouvait disposer, secondées par l'activité de son génie et par le zèle inconsidéré des catholiques, auraient pu cimenter pour toujours l'empire de l'Autriche en Allemagne, par la destruction du parti protestant. Loin d'adopter ce plan, dont l'exécution ne présentait alors que peu de difficultés, il s'épuisa par des guerres et des expéditions inutiles et ruineuses, et laissa aux princes unis le temps d'affermir leur ligue, et d'y faire entrer les puissances étran

On le trouve en latin dans Du MONT, Corps dipl., tom. IV, p. 335. 2 DU MONT, Corps dipl., tom. IV, partie II, p. 75 à 444,

gères. Ce ne fut que sur le déclin de son âge qu'il pensa sérieusement à leur faire la guerre; mais alors ses infirmités, l'épuisement de ses finances et les contrariétés qu'il éprouvait de la part des puissances jalouses de sa grandeur, ne lui permirent plus de former une entreprise qui exigeait de grands moyens, de l'activité et du courage.

Décidé enfin à attaquer les princes confédérés, il s'allia secrètement avec Maurice, duc de Saxe, chef de la branche Albertine de cette maison, en lui faisant espérer l'électorat dont il comptait dépouiller l'électeur Jean-Frédéric, cousin de Maurice.

Une armée de près de cent mille confédérés contenait les forces de l'empereur sur le Danube; mais, Maurice ayant fait une invasion dans l'électorat de Saxe, Jean-Frédéric fut forcé d'abandonner ses alliés pour marcher à la défense de son pays. Cette diversion fut cause que toute l'armée des confédérés se dissipa sans coup férir. L'empereur, tournant ses forces contre l'électeur seul, le défit, en 1547, à la bataille de Mühlberg. Ce prince étant tombé lui-même au pouvoir du vainqueur, Charles-Quint abusa de son pouvoir pour faire prononcer contre lui une sentence qui le condamnait à avoir la tête tranchée. Il n'obtint la vie qu'après avoir signé, au camp de Wittemberg, une capitulation par laquelle il renonça à la dignité électorale pour lui et pour ses descendants, et consentit à être à jamais prisonnier de l'empereur.

Le landgrave de Hesse prit aussi le parti de la soumission, en signant, à Halle en Saxe, des conditions très-dures; le même jour, il fut privé de sa liberté.

Ces succès rendirent Charles-Quint l'arbitre de l'Empire. Le protestantisme et la constitution germanique couraient les plus grands dangers. A la diète que l'empereur convoqua à Augsbourg immédiate

ment après, il affecta le langage et les manières d'un dictateur. Un fort détachement de ses troupes, réparti dans la ville, lui servait de gardes, et tout le reste de son armée campait dans les environs. Ce fut dans cette diète que, de sa propre autorité, il transféra l'électorat de Saxe à Maurice, auquel il en accorda l'investiture solennelle. Il projeta, dans la même assemblée, la réunion des deux religions. Un formulaire, qu'il fit rédiger par des théologiens catholiques, n'accordait aux protestants que la communion sous les deux espèces, et le mariage des prêtres. Ce formulaire fut nommé Intérim, parce qu'il devait servir de règle et d'arrangement provisoire jusqu'à ce qu'un Concile libre et œcuménique eût statué définitivement sur les troubles qui déchiraient l'Église.

L'Intérim déplut également aux catholiques et aux protestants; mais l'empereur, n'écoutant aucunes remontrances, l'introduisit de force partout où il éprouva de l'opposition. Il mit même au ban de l'Empire les villes de Constance et de Magdebourg, qui avaient constamment refusé de le recevoir.

Après une conduite si arbitraire, et qui semblait annoncer le bouleversement total du système germanique, la prudence conseillait à Charles-Quint de renforcer ses troupes; sa présomption le porta, au contraire, à les congédier. Il en envoya une partie en Hongrie, une autre en Italie, et licencia tout le reste. L'épuisement de ses finances fut la cause de cette mesure impolitique. La source des richesses que lui envoyait le nouveau monde commençait à se tarir, et il avait perdu tout son crédit auprès des négociants de Gênes et de Venise, qui, auparavant, avaient coutume de pourvoir son trésor.

- Le nouvel électeur de Saxe crut devoir profiter de la confiance présomptueuse que l'abaissement du

parti de l'opposition avait inspirée à l'empereur, et du dénûment où ce prince se trouvait en effet par le renvoi de ses troupes et le délabrement de ses finances. Maurice était un homme d'un grand caractère; il était sincèrement attaché aux dogmes des protestants; et, mettant sa plus grande gloire à maintenir les droits des États de l'Empire, il ne voulut sacrifier à la reconnaissance qu'il devait à l'empereur ni les principes de sa religion, ni les intérêts du corps dont il était membre. D'ailleurs, Charles-Quint l'avait personnellement indisposé, en refusant à ses plus pressantes instances la liberté du landgrave de Hesse, son beaupère. Cachant ses vues sous le voile d'une politique artificieuse, Maurice recherchait des alliances, faisait des préparatifs de guerre, et détournait adroitement sur d'autres objets l'attention de l'empereur, qui, tranquille à Inspruck, s'occupait à traiter des affaires de religion avec le concile assemblé à Trente.

Maurice commença par solliciter la protection de Henri II, roi de France, qui, mieux que son prédécesseur François Ier, sentit l'avantage qu'il pourrait tirer de ses liaisons avec les princes d'Empire, pour contrarier les projets ambitieux de la maison d'Autriche. Le roi de France envoya Jean de Fresse, évêque de Bayonne, en Allemagne, pour négocier un traité avec Maurice et ses alliés. Ce traité fut conclu le 1er octobre 1551, à Friedwald en Hesse, et ratifié à Chambord, par Henri, le 15 janvier 1552. Il porte en substance que les alliés réuniront leurs forces pour procurer la liberté au landgrave de Hesse, et pour prévenir le renversement de l'antique constitution et des lois de l'empire germanique'. Il fut expressément convenu qu'on ne pourrait conclure ni paix ni trêve

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