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vives instances par le baron de Rorté, son résident. Mais l'électeur, obsédé par son gendre, le landgrave de Hesse-Darmstadt, persista dans sa résolution. Cette conduite du landgrave indigna tellement le cardinal de Richelieu, qu'il projeta de le faire enlever à Giessen, où il faisait sa résidence1.

Quelque préjudiciable que fût la paix de Prague à la cause commune et à l'intérêt particulier du parti protestant, cependant l'exemple de l'électeur de Saxe, et plus encore la situation fâcheuse des affaires de la Suède, agirent si efficacement sur l'esprit des princes d'Empire, qu'ils s'empressèrent à l'envi d'accepter la paix et de faire leur accommodement avec l'empereur. Oxenstiern, incertain pendant quelque temps sur le parti qu'il devait prendre, entra lui-même en négociation avec l'électeur de Saxe, pour tâcher de faire comprendre la Suède dans la paix; mais l'empereur s'étant refusé de traiter directement avec cette couronne, et l'électeur ne faisant que des propositions. peu acceptables, le chancelier rompit les conférences, jugeant plus convenable aux intérêts de la Suède et à sa dignité, de courir le risque de se voir refoulée hors de l'Empire que de subir de honteuses conditions.

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Période française. Après la bataille de Nordlingue et la défection du parti protestant, par son adhésion à la paix de Prague, les affaires de la Suède étaient tombées dans une entière décadence. On devait craindre que cette puissance ne pût pas se maintenir longtemps en Allemagne. L'empereur aurait alors regagné une prépondérance qui eût renversé le système germanique et l'équilibre politique de l'Europe. Cette considération engagea le cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII, à changer de plan. Il s'était borné jusque

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FEUQUIÈRES, Lettres et Négociations, tom. III, p. 350.

alors à soutenir la Suède par des subsides en argent; mais il jugea maintenant indispensable de faire marcher des troupes à son secours. Il prit cette résolution immédiatement après l'affaire de Nordlingue, et à l'occasion des offres que les Suédois, qui avaient besoin de leurs troupes, lui firent, de livrer à la France les places qu'ils tenaient en Alsace, à l'exception de celle de Benfeld. La remise de ces places se fit en vertu d'un traité signé le 9 octobre 1634, par lequel le roi s'engagea à laisser ces villes dans le même état où elles avaient été jusque alors, sans déroger en rien aux droits que l'Empire avait sur elles, et à les rendre à la paix, suivant ce qui en serait ordonné1.

C'est ainsi que les Français entrèrent en Alsace, et y prirent possession de la plupart des places, à l'exception de Strasbourg qui maintint son indépendance, et de Benfeld qui resta au pouvoir des Suédois jusqu'à la conclusion de la paix générale. Les maréchaux de Brézé et de La Force amenèrent, sur la fin de 1634, une armée française en Alsace, pour défendre cettè province contre les Impériaux. La ville libre de Colmar se mit sous la protection du roi par une capitulation particulière, qui fut signée le 1er août 1635.

Un nouveau traité entre la Suède et la France, ampliatif et explicatif de tous les précédents, fut signé, le 28 avril 1635, à Compiègne, par le grand chancelier Oxenstiern en personne, et Le Bouthillier et Chavigny, ministres de Louis XIII. Le cardinal se décida alors à déclarer, le 19 mai 1635, la guerre aux Espagnols, alliés de l'empereur, et à envoyer en même temps des troupes en Empire sous le nom de troupes auxiliaires; car on voulait laisser à l'empereur l'hon

1 LÉONARD, Traités de Paix, tom. V. DU MONT, tom. VI, part. I, p. 79.

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LÉONARD, tom. III, p. 43. DU MONT, tom. VI, part. I, p. 444.

neur de déclarer, le premier, la guerre à la France, ce qu'il fit en 1636.

-Pour resserrer encore davantage les nœuds de leur alliance avec les Suédois, les Français conclurent un nouveau traité qui fut signé à Wismar le 20 mars 1636. Il y fut convenu que la France attaquerait les pays héréditaires de la maison d'Autriche, situés sur le Rhin, pendant que la reine de Suède ferait la guerre en Bohême et en Silésie; que la France payerait annuellement à la Suède un million de subside, et qu'on ne traiterait que conjointement avec l'ennemi commun. Cette alliance fut depuis renouvelée à différentes reprises, en 1638 et 1644.

Le roi de France, désirant s'attacher plus particulièrement le duc de Weimar, un des principaux élèves de Gustave-Adolphe, fit avec lui différents traités, qui furent signés à Saint-Germain en Laye, le 26 octobre 1635. Le roi promit de faire toucher au duc, pendant la guerre, quatre millions par an, à condition qu'il entretiendrait une armée de dix-huit mille hommes, dont six mille de cavalerie, et qu'il la commanderait sous l'autorité du roi, comme général des forces des princes d'Allemagne confédérés. Le roi abandonna au duc le landgraviat d'Alsace, y compris la préfecture de Haguenau, pour en jouir à titre de landgrave, avec tous les droits qui avaient ci-devant appartenu dans cette province à la maison d'Autriche, et on lui donna l'espoir de la lui faire définitivement céder par la paix. Les places que les Français tenaient en Alsace, passèrent ainsi entre les mains du duc de Weimar, qui les conserva jusqu'à sa mort en 1639, époque où elles retombèrent au pouvoir de la France.

1 LÉONARD, Traités avec la Suède, tom. V, p. 14. DU MONT, tom. VI, part. I, p. 123.

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-L'année suivante, le 24 octobre, le marquis de Saint-Chaumont signa, à Wesel, un traité d'alliance avec le landgrave de Hesse-Cassel, qui promit de fournir un corps de dix mille hommes, dont trois mille à cheval, contre un subside annuel de deux cent mille rixdalers. Cette alliance fut renouvelée, le 22 août 1639, après la mort du landgrave, par sa veuve, tutrice du jeune landgrave et princesse distinguée par son grand caractère.

—La France fit la guerre en même temps dans les Pays-Bas, en Italie, en Espagne et en Allemagne. Le manifeste1 qui la déclara, en 1635, aux Espagnols, allégua, entre autres motifs, l'emprisonnement de Philippe-Christophe de Sottern, électeur-archevêque de Trèves. Pour garantir son pays des suites de la guerre, ce prince s'était mis, par un traité signé en 1632', sous la protection de la France, et avait reçu garnison française dans plusieurs de ses places. L'empereur manifesta hautement son indignation de cette conduite qu'il taxa de félonie; ses alliés, les Espagnols, profitèrent de la sécurité des Français, pour surprendre, au mois de mars 1635, l'électeur dans sa capitale, d'où ils l'emmenèrent prisonnier au delà des Pyrénées.

-Avant d'attaquer les Espagnols, la France rechercha des alliés. Elle se ligua avec les États-Généraux des provinces unies des Pays-Bas, insurgés contre l'Espagne depuis 1568. La grande trêve conclue en 1609 étant expirée, la guerre avait recommencé entre les deux nations en 1621, et la France avait conclu avec la république différents traités par lesquels elle promit des subsides aux États-Généraux. Tels furent le traité

1 DU MONT, tom. VI, part. I, p. 35. 2 DU MONT, tom. VI, part. I, p. 35.

de Compiègne, du 10 juin 1624, et celui de La Haye, du 17 juin 1630; mais, par toutes ces conventions, la France n'avait pas promis de fournir des troupes, et il ne pouvait rien arriver de plus heureux aux Hollandais que l'occasion de cimenter leur liberté et leur indépendance par la réunion de leurs armes avec celles de la France. Ils reçurent donc à bras ouverts la proposition qu'elle leur en fit. L'alliance fut signée à Paris, le 8 février 16351. On convint, par ce traité, d'un partage des Pays-Bas espagnols entre la France et les États-Généraux. La France devait avoir Cambrai et le Cambrésis, le Luxembourg, les comtés de Namur, de Hainault, l'Artois et la Flandre, jusqu'à une ligne qu'on tirerait depuis Blankenberg, entre Dam et Bruges, jusqu'à Rupelmonde. Tout le reste des PaysBas espagnols fut adjugé aux États-Généraux. On s'engagea à ne faire ni paix ni trêve que d'un consentement

commun.

-En conséquence de ce traité, les armées françaises, sous les ordres des maréchaux de Chatillon et de Brézé, entrèrent dans les Pays-Bas, et gagnèrent, le 20 mai 1635, sur les Espagnols, la bataille d'Avein, dans le Luxembourg, à la suite de laquelle elles firent leur jonction avec le prince d'Orange, près Mastricht. On s'attendait aux plus grands succès de la part des armées combinées; mais le défaut de subsistances fit périr par la faim et par les maladies un grand nombre de Français.

Les campagnes suivantes ne furent pas beaucoup plus brillantes dans les Pays-Bas; elles se réduisirent pour la plupart à des siéges. On a soupçonné les Hollandais d'avoir mis à dessein de la lenteur dans leurs opérations, afin de conserver les Pays-Bas aux Espa

' DU MONT, tom. VI, part. I, p. 84. LÉONARD, tom, V, Traités avec la Hollande, p. 47.

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