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gnols, dont ils craignaient moins le voisinage que celui de la France.

La prise de Corbie en Picardie, par les Espagnols, en 1636, donna les plus vives alarmes à la ville de Paris, et même au cardinal de Richelieu, qui voulut, dit-on, quitter le ministère.

En 1639, le 7 juin, le marquis de Feuquières, qui assiégeait Thionville, fut battu par Piccolomini. Le siége d'Arras, en 1640, est fameux par les efforts que firent les Espagnols pour jeter du secours dans cette place, et par les combats qui se livrèrent à cette occasion.

En 1641, le 6 juillet, se donna la bataille de la Marfée, près Sedan, gagnée par le comte de Soissons, qui, ennemi du cardinal, avait embrassé le parti de l'Espagne. Il ne jouit pas de sa victoire, car il fut tué à la fin de cette action.

L'année 1643 est remarquable par la belle victoire de Rocroi en Champagne, que remporta, le 19 mai, à l'âge de vingt-deux ans, le duc d'Enghien, depuis célèbre sous le nom du grand Condé.

-La France voulant aussi attaquer les Espagnols en Italie, mit dans ses intérêts le duc de Savoie, avec lequel elle se ligua par un traité signé à Rivoli en Piémont, le 11 juillet 16351. On y comprit les ducs de Mantoue et de Parme. Le principal commandement fut donné au duc de Savoie, et on convint de ne traiter ni de paix ni de trêve que conjointement. Par des articles secrets, on régla le partage du duché de Milan entre les ducs de Savoie et de Mantoue; le roi de France se réserva quelques places et districts du côté du Piémont.

Les opérations commencèrent en Italie par la réu

' DU MONT, tom. VI, part. I, p. 109. LÉONARD, tom. IV, p. 84.

nion du maréchal de Créqui au duc de Savoie, qui gagna, le 23 juin 1636, sur le marquis de Léganès, la bataille du Tésin. La mésintelligence s'étant mise entre les chefs, cette guerre n'eut point de résultat, et la mort du duc Victor-Amédée Jer, survenue en 1637, occasionna une minorité orageuse. François-Hyacinthe, son fils, étant en bas âge, Christine de France, fille de Henri IV, duchesse douairière, prit la tutelle et la régence en vertu d'une disposition du feu duc. Louis XIII exigea impérieusement de cette princesse qu'elle renouvelât son alliance avec la France. La tutelle lui était contestée par ses beaux-frères, le cardinal Maurice de Savoie et le prince Thomas de Carignan, grand-père du célèbre prince Eugène. Les Espagnols, bien aises d'une division qui leur promettait une occasion favorable pour expulser les Français de l'Italie, se déclarèrent pour les princes, contre la douairière, et engagèrent l'empereur à leur conférer la tutelle du jeune duc. Les tuteurs s'emparèrent de plusieurs places dans le Piémont, et le prince Thomas surprit même la ville de Turin; mais le comte d'Harcourt, ayant forcé, en 1640, les Espagnols dans leurs retranchements de Casal, reprit la capitale. Le même général vainquit le cardinal de Savoie devant Yvrée, le 14 avril 1641, et obligea le prince Thomas de lever le siége de Chivas. Enfin les princes firent leur accommodement avec la duchesse, leur belle-sœur. Par un traité, signé en 1642, ils la reconnurent en sa qualité de tutrice et régente. Au moyen de quelques avantages qu'on leur réserva, ils renoncèrent à leur alliance avec l'Espagne, et entrèrent dans celle de la France. Le prince Thomas, déclaré général de l'armée française en Italie, chassa, depuis, les Espagnols de toutes les places qu'ils tenaient dans le Montferrat et dans le Piémont1.

Ce fut en 1644 que le prince DE MONACO, pour se débarrasser de la

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- Du côté de l'Espagne, il arriva des événements très-favorables pour les Français. Les comtés de Catalogne, de Roussillon et de Cerdagne se révoltèrent en 1640; Duplessis-Besançon conclut avec eux, au nom du roi de France, le 6 décembre 1640, à Barcelone, un traité d'alliance par lequel le roi leur promettait de l'assistance; ils se soumirent à la France par un autre traité que le roi signa à Péronne le 19 septembre 1641'. Les Français s'emparèrent, pendant la campagne de 1642, de tout le Roussillon, et firent successivement la conquête de la Catalogne.

La révolte de cette province fut suivie de près de l'insurrection du Portugal; les Espagnols en furent chassés, et l'on y proclama, en 1640, Jean IV, de la maison de Bragance. Ce prince, pour s'affermir sur le trône, commença par s'allier avec la France par un traité signé à Paris, le 1er juin 1644. Cette puissance s'engagea à fournir au nouveau roi de Portugal un certain nombre de vaisseaux; mais les ambassadeurs

garnison espagnole qu'il avait dans sa capitale, mit son pays sous la protection de la France, et s'engagea à entretenir cinq cents hommes que le roi y fit entrer. Ce traité fut signé à Péronne le 8 avril. Pour in- . demniser le prince de ses terres en Espagne, le roi lui donna le duché de Valentinois. Le droit de la France d'avoir garnison à Monaco, a été reconnu par le traité de Paris du 30 mai 1844; elle y a renoncé par le traité du 20 novembre 1815.

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1 DU MONT, tom. VI, part. I, p. 497. LÉONARD, tom. IV.

Quand le duc d'OLIVAREZ apprit que le Portugal avait secoué le joug de l'Espagne, il entra chez Philippe IV, et lui dit en riant: Je félicite votre Majesté des nouvelles acquisitions qu'elle vient de faire.· Quelles? répondit le monarque. Il a pris fantaisie au duc de Bragance de se faire proclamer roi, et votre Majesté pourra confisquer ses immenses domaines. Ce trait de courtisan n'a pas été surpassé. On ne pouvait, en effet, annoncer avec plus d'art un événement d'une si haute importance; car la révolution qui venait d'enlever le Portugal à l'Espagne avait été aussi complète que rapide, et devait être aussi décisive et aussi durable qu'elle avait été inattendue.

* DU MONT, tom. VI, part. I, p. 214. LÉONARD, tom. IV.

portugais ne purent obtenir que la France promît de ne point faire la paix avec l'Espagne, sans y comprendre le Portugal.

-Parmi les événements de la guerre sur le Rhin et en Empire, un des plus remarquables fut le siége du Vieux-Brisach, entrepris, en 1638, par le duc de Weimar. La possession de cette forteresse, située sur le Rhin, et dominant à la fois l'Alsace et le Brisgau, parut indispensable à ce prince pour la sûreté du nouvel État que la France lui avait fait espérer sur le Rhin. La maison d'Autriche mit aussi de son côté la plus grande importanceà conserver cette place, qu'elle regardait comme la clef qui ouvrirait l'Empire aux Français. Le duc fut obligé de livrer plusieurs batailles aux Impériaux, avant de pouvoir former ce siége. La première se donna le 28 février, à Buckeneum, près de Rhinfeld, où le succès fut à peu près égal de part et d'autre; mais, le 3 mars suivant, le duc en livra une seconde près de Lauffenbourg, où il remporta une victoire complète, et fit prisonniers les . quatre généraux impériaux, Savelli, Jean de Werth, Sperreuter et Enckenfort. Maître alors des villes forestières, il entreprit le blocus de Brisach. Les généraux Savelli et Goetz s'en étant rapprochés, Bernard sortit de ses lignes, et les attaqua le 9 août, près du village de Wittenweyer. Un événement singulier eut lieu pendant cette action dans la chaleur du combat, le duc s'empara de l'artillerie des ennemis, qui lui prirent la sienne, en sorte qu'on se canonnait réciproquement avec l'artillerie de l'adversaire. Enfin, la victoire se décida en faveur de Bernard, qui resserra la ville de plus près, et en forma le siége en règle. Ces échecs n'empêchèrent pas les Impériaux de rassembler de nouvelles forces, avec lesquelles ils marchèrent encore une fois au secours de cette place, sous les ordres

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du duc de Lorraine et des généraux Lamboy et Gotz Le duc de Lorraine se proposait d'attaquer les assiégeants sur la rive droite du Rhin, pendant que les deux autres généraux opéreraient sur la rive gauche. Le duc de Weimar, instruit de la marche des ennemis, alla au-devant du duc de Lorraine avec une partie de ses troupes, et le défit, le 15 octobre, à Thann, dans la haute Alsace. Les généraux Lamboy et Goetz furent aussi repoussés, le 24 du même mois, à l'attaque des lignes devant Brisach, après un combat fort opiniâtre, où ils perdirent beaucoup de monde. Ces victoires réitérées entraînèrent enfin la reddition de la ville, qui capitula le 7 décembre, après avoir essuyé toutes les horreurs de la famine. La belle défense de Brisach fit un honneur infini à son commandant, qui était de la famille de Reinach.

La France demanda vainement que le duc de Weimar lui livrât cette place; il était résolu d'en faire la capitale de la souveraineté qu'il voulait se former sur le Rhin. Il y eut à ce sujet des explications fort vives entre lui et le comte de Guébriant. Les projets du duc s'évanouirent par sa mort, arrivée au mois de juillet 1639 une fièvre chaude emporta, à l'âge de trentesix ans, ce prince, un des plus grands capitaines de son siècle1.

La France, la Suède, l'électeur palatin, et l'empereur même, firent des démarches pour avoir l'armée du duc; mais elle passa à la solde de la France, à la suite d'un traité que ses chefs conclurent, le 3 octobre, avec le comte de Guébriant, agissant au nom du roi. Ce traité rendit aussi la France maîtresse des places que le duc tenait en Allemagne et dans le Brisgau. Le commandement en chef de l'armée weima

'Histoire du maréchal de Guébriant, p. 226.

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