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Dès les premiers moments où la France avait pris les armes, le pape Urbain VIII n'avait cessé de l'exhorter à renoncer à l'alliance des protestants, et à se réconcilier avec la maison d'Autriche. Des négociations avaient donc été entamées, mais, des deux parts, l'empressement n'avait été qu'apparent. L'opinion, que les princes, aujourd'hui, ne manquent jamais de consulter pour la suivre ou pour la combattre, était déjà devenue une puissance. Tous les États qui se faisaient la guerre voulaient faire croire aux peuples qu'il ne tenait pas à eux qu'elle ne fût terminée, mais que leurs ennemis s'y refusaient; de là les fausses démonstrations, les propositions insignifiantes, les ouvertures simulées. Dans le fond, personne ne voulait encore sérieusement la paix, excepté ceux qui payent la guerre de leur sang et de leur argent, et qui éclataient en murmures. Les souverains espéraient des victoires qui leur assureraient de nouveaux avantages; les généraux désiraient des commandements qui leur procuraient des richesses ou de la gloire; les ministres, et surtout Richelieu, voulaient se rendre nécessaires.

Cependant, malgré ces raisons secrètes et ces intérêts cachés, le pape, en 1636, vint à bout, par ses sollicitations, d'engager les princes catholiques à convenir d'un lieu de réunion pour négocier. Les Français proposaient Ulm, Worms, Francfort, villes impériales de la confession d'Augsbourg. L'empereur proposait Constance, Trente, Augsbourg et Francfort; mais le pape désigna Cologne, où il envoya le cardinal Ginetti, avec la qualité de légat et de médiateur entre les princes catholiques. L'empereur et le roi d'Espagne envoyèrent dans cette ville des députés chargés de negocier sous la médiation du chef de l'Église. La France fut invitée à y envoyer aussi des plénipotentiaires. Mais cette puissance, qui regardait les conférences de

Cologne comme un piége qu'on lui tendait, pour la séparer de ses alliés, et pour entamer une négociation particulière, n'envoya personne à Cologne. Elle était certaine au moins que les Hollandais et les Suédois ne prendraient jamais part à des conférences tenues sous la médiation du pape.

-Le comte d'Avaux, ministre de France, eut ordre de se rendre à Hambourg, où la Suède envoya Jean-Adler Salvius. Dans ces conférences on resserra, par un nouveau traité, les nœuds de l'alliance qui subsistait entre les deux couronnes. Il fut signé le 16 mars 1638 1. Ce traité portait expressément que les deux puissances n'entreraient dans aucune négociation pour la paix, si ce n'était conjointement et de concert, dans le cas même où l'on s'assemblerait dans des endroits séparés comme Cologne pour la France, Hambourg et Lubeck pour les Suédois.

Les négociations languirent depuis, et plusieurs années s'écoulèrent avant qu'on pensât sérieusement à la paix; de manière que l'alliance de 1638, qui n'avait été conclue que pour deux ans, expira sans que la paix eût été faite. Cette alliance fut renouvelée, pour durer jusqu'à la paix, par un traité qu'on signa à Hambourg, le 30 janvier 1641 2.

L'empereur conçut, dans l'intervalle, le projet de traiter, avec les princes et États d'empire, sans la participation des puissances étrangères; dans cette vue il convoqua, en 1640, une diète à Ratisbonne, pour y délibérer sur les moyens de finir la guerre et de rendre le calme à l'Empire. Il y proposa une amnistie qui rétablirait les choses dans l'état où elles avaient été avant la guerre; mais lorsqu'il s'agit de régler les conditions de cette amnistie, les protestants trouvèrent que les

' DU MONT, Corps dipl., t. VI, part. I, p. 161. 2 DU MONT, Corps dipl., t. VI, part. I, p. 207.

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restrictions proposées équivalaient à celles qu'on avait
énoncées dans le traité de Prague. En effet, les sujets
héréditaires de l'empereur, aussi bien
que l'électeur
palatin et les adhérents de ce prince, en étaient exclus.
L'empereur proposa de renvoyer les griefs pour la re-
ligion à un comité qui serait choisi entre les États des
deux cultes. Il consentit enfin à traiter avec les puis-
sances étrangères, à Munster et à Osnabruck, villes
que le comte d'Avaux avait proposées. On pensait
qu'il fallait deux endroits différents, non-seulement à
cause de l'affluence des ministres qui devaient se trou-
ver au congrès et qu'il aurait été difficile de réunir dans
un même lieu, mais encore pour éviter les rencontres
du nonce apostolique avec les ministres des puissan-
ces protestantes, ainsi que les contestations qui au-
raient pu s'élever sur le rang entre la France et la
Suède. Munster et Osnabruck semblaient convenir
préférablement à nombre d'autres villes, parce qu'elles
ne sont éloignées que de six lieues l'une de l'autre, et
que les communications entre ces deux villes étaient
faciles.

-L'empereur ayant échoué dans son projet d'accommodement particulier avec les princes et États d'empire, alliés de la France et de la Suède, renoua la négociation pour la paix générale, à Cologne et à Lubeck. On convint enfin d'un traité de préliminaires, qui fut signé à Hambourg le 25 décembre 1644, sous la médiation du roi de Danemark'. Ce traité porte que le congrès se tiendrait en même temps à Munster et à Osnabruck en Westphalie, et que ces deux assemblées seraient réputées n'en faire qu'une; que les deux villes seraient déclarées neutres et déliées du serinent de fidélité qui les liait à l'empereur et à leurs évêques;

MEIERN, Acta pacis Westph., t. 1, p. 8.

qu'on délivrerait de part et d'autre des lettres de saufconduit pour les plénipotentiaires qui devaient se rendre au congrès, et que l'empereur nommément en accorderait aux États d'empire alliés ou adhérents de la Suède ou de la France; qu'il en accorderait de même à la duchesse de Savoie, à laquelle il donnerait le titre de tutrice de son fils et de régente des États de Savoie. Enfin l'ouverture du congrès fut fixée au 25 mars de l'année 1642.

Ce terme se passa néanmoins sans que le congrès s'ouvrît, parce que chacune des puissances belligérantes espérant d'un jour à l'autre que les événements de la guerre lui deviendraient plus favorables, les préliminaires n'avaient pas été ratifiés. L'empereur se flattait sans cesse de pouvoir réussir à diviser ses ennemis, en s'accommodant séparément avec l'un ou avec l'autre. Cette disposition des esprits servit à entretenir et à multiplier les difficultés qui s'élevèrent sur la ratification des préliminaires. L'empereur soutint que le comte de Lutzow, son ministre, avait outrepassé ses pouvoirs en signant ce traité. Il repoussa la neutralité stipulée pour les villes de Munster et d'Osnabruck. Il persista à refuser le titre de tutrice et de régente à la duchesse de Savoie, et s'opposa aux lettres de sauf-conduit qu'il s'agissait d'expédier en faveur des ministres des princes et États d'empire, alliés avec la France et la Suède. La forme même de ces lettres de sauf-conduit donna lieu à de longues discussions.

Enfin les principales difficultés ayant été aplanies, et les préliminaires ayant été ratifiés, on fixa de nouveau l'ouverture du congrès au 11 juillet 1643. Ce fut depuis cette époque que les ministres de toutes les puissances se rendirent successivement à Munster ou à Osnabruck, et formèrent le congrès qui se trouva bientôt composé de la manière suivante :

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