Page images
PDF
EPUB

règne et les conquêtes du grand Frédéric, les idées du siècle et celles de la Révolution française, mises en circulation, ont anéanti l'ancienne confédération germanique. La confédération du Rhin ne tient qu'à un système provisoire. Les princes qui ont acquis voudraient peut-être la consolidation du système; mais les princes qui ont perdu, les peuples qui ont souffert des malheurs de la guerre, les États qui redoutent la trop grande puissance de la France, s'opposeront au maintien de la confédération du Rhin, chaque fois que l'occasion s'en présentera. Les princes, même agrandis par le nouveau système, tendront à s'en éloigner, à mesure que le temps les consolidera dans les possessions qu'ils ont obtenues. La France finirait par voir arracher de ses mains un protectorat que sûrement elle aurait acheté par trop de sacrifices.

L'empereur pense qu'à une époque finale, qui ne peut tarder à se produire, il conviendra de rendre la confédération des puissances de l'Europe à toute leur indépendance.

<< La monarchie d'Autriche, qui possède trois vastes royaumes, doit être l'âme de cette indépendance, à cause de la situation topographique de ses États; mais elle n'en doit pas être la dominatrice. En cas de rupture entre les deux empires de France et de Russie, si la confédération des puissances intermédiaires était mue par une même impulsion, elle entraînerait nécessairement la ruine de l'une des parties contendantes. L'empire français serait plus exposé que l'empire russe.

<«< Le centre de l'Europe doit se composer d'États inégaux en puissance, qui auront chacun une politique qui leur sera propre ; qui, par leur situation et leurs rapports politiques, chercheront un appui dans le protectorat des puissances prépondérantes. Ces États sont intéressés au maintien de la paix, parce qu'ils

seront toujours victimes de la guerre. Dans ces vues, après avoir élevé de nouveaux États, après en avoir agrandi d'anciens, afin de fortifier pour l'avenir notre système d'alliance, il est un intérêt majeur pour l'empereur et en même temps pour l'Europe; c'est d'établir la Pologne. Sans la réédification de ce royaume, l'Europe reste sans frontière de ce côté; l'Autriche et l'Allemagne se trouvent face à face avec le plus puissant empire de l'univers.

« L'empereur prévoit que la Pologne, comme la Prusse, sera par la suite l'alliée de la Russie; mais si la Pologne lui doit sa restauration, l'époque de l'union de ces États sera assez éloignée pour laisser l'ordre établi se consolider. L'Europe étant ainsi organisée, il n'y a plus de raison pour que la France et la Russie soient en rivalité; ces deux empires auront les mêmes intérêts commerciaux, ils agiront d'après les mêmes principes. >>

On sait, hélas! quel cruel retour de la fortune a mis au néant cette nouvelle carte de l'Europe, en précipitant du trône celui qui marquait ainsi, de son épée victorieuse, la limite de tous les États.

MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

On a dû comprendre déjà par l'ensemble des définitions qui précèdent, quelle tâche immense est imposée au ministre placé à la tête du département des relations extérieures. Ce n'est donc plus une question à faire, s'il faut un homme d'un génie supérieur et de connaissances spéciales pour cette direction suprême; aussi le choix du souverain ne peut s'arrêter, pour ce premier poste de l'État, que sur un homme tout à la fois d'une grande

sagesse et d'une expérience profonde, d'un beau caractère et de talents éprouvés, et qui, par l'éclat de ses services, par son dévouement aux intérêts du pays, et par sa réputation de loyauté, se soit concilié la confiance du prince, l'appui de l'opinion nationale et l'estime de l'étranger.

Ce que nous disons du chef du Département politique, du ministre qui préside aux rapports si variés, si multipliés, si versatiles et tout à la fois environnés de ténèbres et d'écueils, d'un État avec tous les autres États, n'est pas moins applicable, dans lagénéralité, aux collaborateurs de ce ministre et aux agents supérieurs chargés de faire prévaloir au dehors les intérêts de la nation; c'est du concert de tous, en effet, de leur concours simultané, que dépendent le succès ou la nonréussite des vues et des plans du gouvernement, et c'est par leur sagesse que se maintiennent la tranquillité, l'honneur, la dignité d'un peuple; tandis que leurs fautes peuvent l'entraîner dans des querelles ou lui susciter des guerres dont les résultats sont incalculables. Toutes les parties de l'administration intérieure sont dirigées d'après des règles connues: on exige, on ordonne, la loi ou l'autorité parle. Mais il en est tout autrement à l'égard des relations extérieures : là on ne peut rien exiger, rien prescrire; il faut demander, patienter, dissimuler le moindre mot inconsidéré peut blesser toute une nation; une fausse démarche, un calcul erroné, une combinaison incomplète, une simple indiscrétion peuvent compromettre à la fois la dignité du chef de l'État, l'intérêt national et la réputation de l'homme qui en est chargé; et il est d'autant plus facile à celui-ci de s'égarer qu'il n'a pas de données fixes pour se diriger; qu'il n'a ni lois, ni règlements qui tracent méthodiquement sa conduite, son langage, ses idées, que tout ce qui le regarde dé

:

pend de la trempe de son esprit, de son instruction, de son expérience, de ses méditations; que rarement il peut se déterminer d'après des certitudes; qu'il est presque toujours obligé de s'arrêter aux simples probabilités; enfin, que le moindre incident, un événement invraisemblable peuvent renverser les plans les plus sagement combinés.

AMBASSADEURS'.

On ne sait pas assez ce qu'il faut de génie et d'habileté, d'érudition spéciale et d'expérience pour constituer un chef suprême des relations à l'extérieur, néanmoins ce que nous en avons fait connaître peut encore servir à donner une mesure de la haute importance des fonctions d'ambassadeur, en prenant ce mot dans le sens générique, c'est-à-dire tout agent diplomatique.

Rien de plus difficile en effet : plaire en inspirant la confiance, l'estime; pénétrer avec adresse et sans exciter la plainte ni même la défiance, jusqu'au fond des forces, des ressources, des projets du gouvernement auprès duquel il réside; dans les négociations qui doivent terminer les guerres, et que l'on peut appeler les batailles décisives de la diplomatie, ne pas se tromper sur le

'On n'est point d'accord sur l'étymologie du mot ambassadeur. Quelques auteurs le font dériver de l'espagnol embaxador, embiar, envoyer; d'autres disent qu'il vient du latin ambasciator, et trouvent, dès 1415, un envoyé qualifié de præsidens ambasciata, chef de l'ambassade; d'autres enfin, par une interprétation de douce raillerie, assurent qu'il tire son origine de l'italien ambascia, peine, affliction, chagrin, comme si l'on avait voulu marquer les traverses qu'au sein même des grandeurs et de l'éclat, un ambassadeur est exposé à subir dans ses négociations.

point fixe de l'échelle des avantages à obtenir ou des sacrifices à consentir, au delà ou en deçà duquel on compromet le succès ou on l'achète trop cher; dans le cours des surveillances politiques qui sont le devoir habituel des ministres, resserrer de plus en plus les nœuds de l'alliance; en maintenir les droits et l'intention; ne pas laisser les puissances rivales prendre ou menacer la position de préférence et de prédilection que l'on est chargé de conserver; aux approches des orages et des causes de rupture, retarder la catastrophe; ne pas laisser se développer les germes de refroidissement ni les motifs ou les prétextes de mécontentement, presque toujours aigris ou envenimés par les défenseurs des intérêts contraires; user habilement de l'ascendant personnel du caractère, de l'estime obtenue, de la confiance méritée, du souvenir des services et des complaisances pour ranimer les amitiés ébranlées; à l'égard de son pays, s'exposer à tout, même à déplaire, et montrant les choses telles qu'elles sont et non pas telles que le désirent le souverain ou ses ministres; par exemple, effrayer utilement par un tableau fidèle et sincère de la force, de la puisdes ressources du pays, afin de faire rejeter le dessein d'une guerre, en n'en dissimulant pas les chances possibles ni les résultats probables; tels sont les devoirs imposés au diplomate; voilà le bien qu'il peut faire et le mal qu'il peut détourner; voilà sa haute et difficile mission; belle et honorable carrière; œuvre du temps, des mœurs, du progrès des lumières : c'est le génie de la paix personnifié, qui semble envoyé pour balancer le génie de la guerre et pour consoler les hommes.

sance,

Mais si l'on est parvenu à donner une idée précise de la nature et de l'objet d'une mission diplomatique, il n'est pas aussi facile d'indiquer la marche que doit

« EelmineJätka »