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mêmes règles pour leur conclusion et pour leurs effets. « Le droit de conclure un traité, d'engager la foi publique à l'égard d'un gouvernement étranger est incontestablement un des attributs de la souveraineté.

«En tout pays, il appartient au dépositaire du pouvoir exécutif, au chef de l'État, mais il ne lui appartient pas partout d'une manière absolue et illimitée. Dans les républiques et les monarchies mixtes, le concours de la représentation nationale est nécessaire pour valider définitivement le résultat des négociations, soit en toutes matières, soit en matière de finances et de commerce. Quelquefois ce concours s'exerce d'une manière directe et formelle, quelquefois d'une manière indirecte, mais non pas moins efficace, par le vote des lois nécessaires pour que les engagements contractés puissent recevoir leur exécution.

<< En principe, et surtout dans les monarchies absolues, rien ne semblerait s'opposer à ce que les chefs des États signassent eux-mêmes les traités. On en a même vu de nos jours, dans un cas bien spécial, il est vrai, un exemple mémorable, celui de la SainteAlliance. Néanmoins, des considérations faciles à comprendre ont fait prévaloir un usage différent. Les traités sont signés par des commissaires délégués à cet effet.

<< Ces commissaires, qui, le plus souvent, ne sont autres que le ministre des affaires étrangères d'un des gouvernements contractants, et les agents diplomatiques ordinaires accrédités auprès de ce gouvernement par l'autre État ou les autres États engagés dans les négociations, doivent, en tout cas, être munis de pleins pouvoirs indiquant, en termes généraux, l'objet sur lequel ils sont autorisés à traiter, et promettant la ratification et l'exécution des clauses auxquelles ils donneront leur consentement. La communication de

ces pleins pouvoirs est énoncée en tête du traité, qui se termine ordinairement par la spécification du délai dans lequel il devra être ratifié et les instruments de la ratification être échangés.

<< Sur ce point de la ratification, il s'est élevé souvent une controverse qui divise les publicistes. Est-ce une simple formalité, une sorte d'enregistrement destiné seulement à donner à l'acte un caractère authentique, mais qu'on n'a pas droit de refuser? Est-ce, au contraire, un complément, une sanction volontaire et libre par conséquent?

Il est à remarquer que ceux qui soutiennent la première opinion, l'opinion de l'obligation absolue de ratifier, sont généralement disposés à admettre que, dans le cas où le négociateur aurait dépassé les limites de ses instructions, cette obligation n'existerait plus. A vrai dire, une pareille restriction suffit pour détruire la règle à laquelle on l'applique, et pour donner gain de cause à l'opinion contraire. En effet, les instructions d'une des parties ne pouvant évidemment pas être communiquées à la partie adverse, il sera toujours libre au gouvernement qui les a données de dire que son agent n'y est pas resté fidèle. La question devient donc une question de bonne foi, d'appréciation, dont chacun, en réalité, reste juge en ce qui le concerne.

«< En résumé, il paraît difficile de soutenir que la ratification ne soit qu'une pure formalité et de contester absolument à un gouvernement le droit de la refuser; mais ce qui n'est pas douteux, c'est que ce droit ne doit être exercé que pour des motifs trèsgraves; et qu'un pareil refus, fait sans cause évidente et sérieuse, constitue, sinon un cas de rupture entre deux États, au moins un très-mauvais procédé.

« Les traités sont perpétuels ou temporaires. Les traités de paix ont essentiellement le caractère de la

perpétuité; s'il en était autrement, ce ne seraient que des trêves, des armistices. Les traités de commerce ou de navigation, au contraire, ne peuvent guère être que temporaires, puisqu'ils se rapportent à des intérêts mobiles que chaque gouvernement doit, pour rester indépendant, se réserver le droit de régler de temps en temps, suivant les variations des circonstances. Quant aux traités qui ont pour objet l'exécution d'une mesure spéciale, d'un projet déterminé, il est évident qu'ils expirent au moment où le but dans lequel ils avaient été conclus se trouve atteint.

« Quelquefois, en ce qui regarde les traités temporaires, la durée en est fixée dans l'acte même; quelquefois on convient qu'ils cesseront d'être en vigueur à un moment donné s'ils ne sont pas renouvelés auparavant; quelquefois, au contraire, il est stipulé qu'à moins qu'une des parties n'en dénonce l'expiration à une époque fixée, ils continueront à être exécutés jusqu'à un autre terme également désigné.

Une chose qu'on a peine à comprendre, c'est qu'il 4-y ait eu un temps où les traités étaient périmés par la mort d'un des princes qui les avaient conclus; c'est qu'assez récemment encore, des publicistes aient cru devoir discuter la question, et, tout en se prononçant pour la négative, admettre cependant des réserves et des distinctions entre les traités réels et personnels. Une telle manière de voir, qui ne pouvait procéder que d'une confusion étrange dans les notions de la souveraineté politique, ne serait plus aujourd'hui soutenue par personne. A moins de stipulations expresses, dont il serait difficile de comprendre l'objet, il est bien entendu que les engagements contractés par le chef d'un État, et en cette qualité, lient aussi ses successeurs. Le même principe est applicable, lorsque ce n'est pas seulement la personne du prince,

mais la forme, l'essence même du gouvernement qui a changé, lorsqu'il y a eu révolution. Il est évident, en effet, que si un État a le droit de changer ses institutions intérieures sans que les autres États puissent lui en demander compte, c'est à la condition qu'il n'en résultera pour eux aucun dommage direct. Faire sortir d'une révolution l'annulation ou simplement la modification des rapports établis avec eux en vertu de conventions formelles, ce serait affecter leurs intérêts, porter atteinte à leurs droits, et par conséquent leur donner celui d'intervenir. Ces considérations ont une telle force d'évidence, qu'on s'étonne que l'entraînement des passions politiques ait jamais pu les méconnaître.

Il arrive quelquefois que les parties contractantes s'accordent pour placer l'observation d'un traité sous la garantie d'une tierce puissance. Ce cas est de plus en plus rare, parce que les gouvernements répugnent à se soumettre ainsi à une juridiction étrangère, et à donner à d'autres le droit de leur faire la loi, parce que d'ailleurs la garantie expose celui qui consent à s'en charger, à des complications, à des chances onéreuses de toute sorte, dont un intérêt très-puissant et très-direct peut seul expliquer l'acceptation.

<< Telles sont les considérations principales, et, à notre avis, les seules essentielles que présente la matière des traités. Les ouvrages consacrés au droit des gens en parlent cependant d'une manière beaucoup plus étendue; mais en y regardant de près, on reconnaîtra que le surplus de ce qu'ils en disent ne consiste guère qu'en application des règles puisées soit dans le droit civil, soit dans les inspirations du bon sens, et qui n'ont rien de spécialement relatif aux actes diplomatiques. >>

On distingue principalement deux sortes de traités, suivant que les nations se lient pour les intérêts de

leur sûreté, de leur conservation, ce sont les traités politiques, ou pour l'échange de leurs produits; ce sont les traités de commerce, qui eux-mêmes, depuis que l'industrie a pris en Europe un si grand essor, ont acquis une haute importance politique, nonobstant les questions controversées dont ils sont l'objet.

Deux nations faibles, qui sont voisines d'une nation forte, s'unissent par des conventions, afin de pouvoir se défendre, et deux nations agricoles ou manufacturières qui ont des produits différents établissent des liens entre elles afin d'échanger ces produits; d'où il résulte que tous les traités, soit politiques, soit commerciaux, doivent être fondés sur des avantages réci

proques. Observons toutefois que les traités politiques faits entre deux nations sont nécessairement plus avantageux à la plus faible, parce qu'elle reçoit plus qu'elle ne donne, et les traités commerciaux plus avantageux à la plus industrieuse, parce qu'elle trouve plus d'avantages dans le marché commun.

Une nation plus forte qu'une autre ne doit donc pas faire avec cette nation un traité politique, à moins qu'elle ne puisse pas se défendre contre une nation encore plus forte qu'elle, ou qu'elle ne trouve des compensations dans un traité commercial; et une nation moins industrieuse qu'une autre ne doit point faire avec cette nation un traité commercial, à moins qu'elle ne trouve des compensations dans un traité politique.

Tout autre traité de commerce est absurde et même funeste. «< Quoique j'aie conclu un traité de commerce avec la Russie, dit un ancien ambassadeur, ce succès ne m'aveugle pas, et ne m'empêchera pas de dire que l'usage de faire de pareils traités est absurde et dangereux. Il est absurde, car un traité de commerce est une promesse qu'un marchand fait à un autre de lui vendre ses denrées à un autre prix qu'à tout le monde,

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