Page images
PDF
EPUB

tandis que la raison et son intérêt doivent lui commander de n'avoir qu'un prix pour tous les acheteurs. Il est dangereux, parce qu'en accordant des préférences, il excite des haines' et allume des guerres cruelles. Serait-il chimérique d'espérer qu'on pourrait convaincre les puissances maritimes de cette vérité, et de les amener à convenir que, chez chacune d'elles, tous les commerçants étrangers seront soumis aux mêmes droits, aux mêmes lois, et y seront reçus aux mêmes conditions, chaque gouvernement faisant à cet égard les règlements intérieurs qui lui paraissent utiles, mais sans nulle faveur pour aucune puissance? >>

Mais si aucune nation ne doit jamais sans un juste motif favoriser le commerce d'une nation plus que celui d'une autre, ne peut-elle pas favoriser son propre commerce plus que celui des autres nations? Oui sans doute elle le peut, mais elle ne doit cependant jamais exclure de son marché l'industrie étrangère, pour que les autres nations n'excluent pas la sienne de leur marché, et même pour ne pas priver l'industrie nationale d'une émulation qui lui est toujours plus ou moins nécessaire; car l'expérience a démontré que tout produit national qui ne peut pas soutenir la concurrence d'un produit étranger similaire surchargé d'une taxe de vingt-cinq pour cent, ne doit pas être encouragé, parce qu'en dernier résultat il est plus nuisible au consommateur qu'il n'est profitable au

Le Portugal n'a été livré deux fois par la France à la discrétion de l'Espagne, que parce qu'il avait favorisé, dans ses traités avec l'Angleterre, les draps anglais plus que les draps français.

Par le célèbre traité de commerce que l'ambassadeur anglais Methuen conclut, en 1701, avec la cour de Lisbonne, le gouvernement portugais s'engageait à permettre l'entrée de toutes les étoffes de laine de la Grande-Bretagne sur le même pied qu'avant la prohibition faite en 1684, à condition que les vins de Portugal payeraient un tiers de moins que ceux de France aux douanes d'Angleterre.

producteur. Un tarif uniforme et modéré sur tous les produits étrangers, voilà le seul mode restrictif qui puisse être favorable au commerce d'une nation.

Les restrictions sagement limitées peuvent donc quelquefois être utiles, tandis que les prohibitions absolues sont toujours nuisibles et même impolitiques. Qui dit commerce dit échange; on ne peut pas vendre aux étrangers sans leur acheter; repousser leurs produits, c'est leur donner le droit de repousser les vôtres, et vous condamner à l'isolement.

Tout l'art de bien régler le commerce extérieur est de favoriser l'exportation des produits manufacturés et l'importation des produits bruts, parce qu'une nation qui échange des produits manufacturés contre des produits bruts, gagne la main-d'œuvre; et tout l'art de bien régler la navigation extérieure est de se ménager les bénéfices du transport. Une nation doit donc exporter elle-même ses propres produits et importer les produits étrangers, ou les recevoir de la nation même qui les a créés; néanmoins elle ne doit jamais donner les bénéfices du transport à une nation tierce, quand elle peut les gagner elle-même; c'est là le but ainsi que le motif des actes de navigation. Le plus fameux de ces actes, celui de la Grande-Bretagne, rédigé par Cromwell et publié seulement sous Charles II, en 1660, était rigoureusement appliqué dans l'origine; mais, depuis quelques années, il a subi des modifications importantes, notamment dans les conventions signées avec la Prusse, le 2 avril 1824, avec la France, le 26 janvier 1826, et avec l'Autriche, le 24 décembre 1829 et le 3 juillet 1838.

Les formes observées pour les traités de commerce sont les mêmes que celles qui sont usitées pour les traités de paix ou d'alliance. Ils peuvent contenir, en général, trois sortes de stipulations, savoir la par

faite réciprocité dans les rapports mutuels de la navigation et du commerce des deux pays; le traitement de la nation la plus favorisée, c'est-à-dire la concession réciproque aux navires et sujets respectifs des mêmes priviléges et avantages qui ont été antérieurement, ou qui seraient dans l'avenir accordés aux nations les plus favorisées sous ce rapport; ou enfin le traitement national, qui consiste à faire jouir, dans les ports, rades et places de commerce, les sujets et navires de la puissance amie, des mêmes priviléges et avantages que les règlements du pays accordent aux nationaux et aux navires indigènes.

la

Les clauses principales de ces traités portent habituellement sur l'exportation, l'importation et le transit des marchandises, sur le tarif des douanes, les péages, les droits de navigation, sur les droits, priviléges et obligations des sujets respectifs habitant le territoire de chacune des parties contractantes; sur les fonctions que remplissent les consuls, et sur les immunités dont ils doivent jouir; sur le commerce des neutres pendant guerre, et les marchandises qualifiées contrebande guerre; ils règlent, ou plutôt ils interdisent l'exercice des droits d'aubaine et de détraction, aujourd'hui presque partout abolis; dans la prévoyance de l'éventualité d'une guerre, ou ils stipulent que les négociants pourront continuer leur séjour, ou ils fixent un délai passé lequel ils devront se retirer. Enfin, s'il y a lieu, les parties se mettent aussi d'accord sur quelques articles du droit des gens qui ne sont pas encore généralement reçus dans la pratique chez toutes les nations.

de

Mais il convient de toucher ici quelques mots d'une alliance d'un genre nouveau, œuvre tout allemande, d'un avenir immense, et qui attire en ce moment l'attention universelle. Il s'agit des associations que forment

plusieurs États, dans le but d'établir entre eux un système commun et uniforme de douanes, et de ne plus figurer ainsi qu'un seul État commercial.

Le mot Zollverein est, comme on le sait, le nom appellatif de ces associations, mais il désigne d'une manière toute spéciale la grande union commerciale et douanière de laquelle font partie la plupart des États de la Confédération germanique, ayant à leur tête la Prusse comme directrice.

Les éléments du problème étaient fort simples, mais combien difficile était la solution! que d'obstacles à aplanir, que d'oppositions à vaincre, mais aussi quel honneur pour l'Allemagne d'avoir donné un tel exemple à l'Europe!

Et voyez, déjà cet exemple a traversé les monts; Pie IX, Charles-Albert et Léopold viennent d'en doter l'Italie. Assurément, les associations douanières ont donné le signal d'une révolution dans le commerce européen, elles ont porté un coup décisif au régime prohibitif; et quant à l'Allemagne, elle lui devra d'être reconstituée en puissance du premier rang.

Il y a vingt ans, au moment où se manifestèrent les premières idées d'associations, une multiplicité infinie de lignes de douanes hérissaient de toutes parts les États de la Confédération germanique. Chaque État avait les siennes. De là des entraves intolérables pour les communications commerciales; de là aussi pour les gouvernements une dépense annuelle de soixante millions de florins. Or, on vint à reconnaître qu'il était possible de réduire cette dépense à deux millions! en ramenant la ligne de frontières qu'il s'agissait de surveiller, dans l'intérêt des douanes, à six cent quatrevingt-dix milles d'Allemagne, au lieu de deux mille neuf cent trente milles que l'on comptait alors, la frontière vers l'étranger non comprise.

Il se forma donc, dès 1821, quelques associations particulières, ayant pour but l'abaissement des barrières de douanes; mais ce n'est qu'en 1828 qu'une véritable association fut conclue entre les deux royaumes de Bavière et de Wurtemberg, auxquels se joignirent les principautés de Hohenzollern-Hechingen et Sigmaringen.

Dans la même année, la Prusse, qui déjà, en 1826, avait fait des concessions pour faciliter les relations des territoires enclavés, signait avec le grand-duché de Hesse et les duchés d'Anhalt un traité fondé sur les principes de l'alliance bavaro-wurtembergeoise; tandis que d'une autre part se formait l'union des États de Thuringe.

En 1833, la Bavière, la Hesse électorale, le grandduché de Hesse, la Prusse et le Wurtemberg, auxquels se joignirent bientôt, d'abord la Saxe royale, puis les États de Thuringe, conclurent un traité à Berlin, pour douze années, avec faculté de prorogation successive pour d'autres et semblables termes, et dès lors ces États ne formaient plus qu'un seul État commercial d'environ dix mille milles carrés de surface, ayant une population de plus de vingt-deux millions d'âmes.

D'un autre côté, on forma l'association hanovrienne, composée du Hanovre, de l'Oldenbourg, de Schaumbourg-Lippe et de Brunswick, qui depuis s'en est séparé. Malgré les difficultés de la position, le Hanovre se maintient et lutte avec la persévérance bien connue de son gouvernement.

Enfin, en 1842, par suite des traités renouvelés à Berlin, en 1841, et des accessions de Brunswick et du grand-duché de Luxembourg, l'association s'étendait sur une surface de vingt-huit mille lieues carrées, comprenait une population de près de vingt-huit mil

« EelmineJätka »