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nouvelle qui n'aurait aucun trait à ces causes, les droits résultant de l'ancien traité étaient bien suspendus entre les parties belligérantes, comme tous leurs autres droits quant à leur exercice, mais qu'ils n'étaient pas éteints. Il semblait alors que cette guerre nouvelle terminée, on était autorisé, des deux côtés, à presser le rétablissement de l'ancien traité, comme on est en général fondé à demander de se remettre dans son premier état; en un mot, que ce traité devait reprendre toute sa vigueur, sans qu'une nouvelle négociation soit nécessaire.

Mais la pratique n'est point conforme à ce raisonnement, et l'usage des puissances européennes, de confirmer par un article exprès du nouveau traité ceux qui l'ont précédé, démontre la vérité du principe, que des traités de paix non renouvelés sont et demeurent abolis.

Lorsque plus de deux puissances étaient parties principales dans une guerre, et qu'à ce même titre elles traitent de la paix, chacune peut signer un acte particulier avec l'ennemi; et il n'en dérive ni droit ni obligation pour les autres puissances, à moins que tous ces traités ne soient ensuite réunis en un seul et même instrument. Ce dernier mode fut adopté pour les traités de Munster et d'Osnabruck. On peut encore dresser un instrument commun à chacune des puissances, ou bien laisser accéder une puissance comme partie principale contractante, et comme telle, ses droits et obligations deviennent les mêmes que si elle avait immédiatement signé le document.

Quant aux puissances qui ne sont qu'auxiliaires, ou qui n'ont qu'un intérêt secondaire dans la paix, une des puissances principales contractantes peut les comprendre dans le traité, soit en les désignant seulement comme devant participer au bienfait de la paix, soit

en stipulant un avantage quelconque en leur faveur, et, dans ce cas, un acte d'acceptation formelle n'est point nécessaire. Il se peut enfin que des puissances protestent, soit contre le traité, soit contre un ou plusieurs de ses articles, et alors elles font remettre aux parties principales contractantes un acte qui contient l'exposé de leurs griefs ou la réserve de leurs droits.

VII. Exécution et observation des traités de paix. Les engagements contractés datent, communément, du jour de l'échange des ratifications. Mais la manière même d'exécuter le traité donne souvent lieu à des doutes et à des discussions, pour interpréter le sens des stipulations; quelquefois il faut des suppléments et des conventions explicatives. Aussi, pour prévenir toutes ces difficultés, on ne manque jamais de déterminer ce mode d'exécution dans un article particulier. Cette précaution est surtout nécessaire à l'égard des remises de territoire; objet important qui nécessite quelquefois des congrès et des recès particuliers. Les négociations qui eurent lieu pour l'exécution de la paix de Westphalie, et surtout le congrès de Nuremberg, en 1649 et 1650, nous en offrent d'utiles exemples.

Quant à l'observation des traités de paix, ce que nous avons dit ailleurs de la fidélité due aux engagements trouve ici son application, et lorsqu'on réfléchit que la tranquillité des nations dépend de l'accomplissement de ce devoir sacré, on peut juger par là combien est coupable celui qui ne craint pas de se rendre parjure. Le vaincu lui-même ne saurait invoquer, pour rompre ses engagements, la crainte qui l'aurait obligé de les contracter.

Si l'on pouvait annuler une convention de ce genre, pour cause d'une injustice particulière, d'une lésion quelconque à laquelle les circonstances auraient forcé de consentir, il est évident que les traités de paix

n'auraient plus rien de solide; ils ne seraient plus que des trêves perfides, sous un vain prétexte facilement violées, si l'on était assuré du succès ou de l'impunité. Ce serait donc, en introduisant le système de la mauvaise foi la plus funeste, dénaturer ces heureux moyens du rétablissement de l'ordre, et ouvrir de nouvelles sources de maux plus fécondes ellesmêmes que celles qu'ils paraissaient devoir fermer. Les raisons ne manqueraient jamais, car il serait impossible de supposer que les deux partis, de quelque manière que se soient balancés les succès et les revers, sortissent jamais de l'état de guerre avec une égalité parfaite; que l'un ou l'autre eût reçu plus de dommages, ou qu'enfin il fût indemnisé assez largement pour n'avoir plus rien à réclamer.

Quelque moins bien traité que puisse être le vaincu, quelque différence qu'il y ait entre son état avant la guerre et l'état où le rétablit la paix, l'intention qu'il a eue, en traitant, de se délivrer de la crainte de plus grands maux, suffit pour faire regarder son consentement comme libre et volontaire, et lui ôter tout droit de violer ses engagements.

On pourrait faire une longue énumération des traités qui ont eu pour objet de mettre un terme à la guerre et de rétablir la bonne harmonie entre des puissances ennemies, puisque l'origine de ces conventions remonte aux premiers temps de l'organisation des sociétés. Mais il nous suffira de mentionner ici, parmi les traités que conclurent les Grecs, celui que Cimon imposa, l'an 470 avant Jésus-Christ, au roi de Perse Xerxès, et dont le traité d'Antalcide fut la cruelle expiation, puisqu'il rendait tributaire du roi barbare

toutes les villes de l'Asie Mineure; et celui de 404, qui mit fin à la guerre du Péloponèse et assura la prépondérance de Sparte sur Athènes. L'histoire de Rome fournit à elle seule d'innombrables traités de paix. Le premier qui ait été conservé en entier est celui que les Romains conclurent avec Carthage, l'an 509 avant Jésus-Christ. Viennent ensuite, parmi les plus remarquables, celui qui mit fin à la première guerre punique, 241 ans avant Jésus-Christ, et qui enleva la Sicile aux Carthaginois; celui de 201, qui termine la seconde guerre de ce nom, et réduisit Carthage à son territoire, et enfin celui de 189, conclu entre Rome et Antiochus, qui livra l'Asie aux Romains et coûta la vie à Annibal.

Après la destruction de l'empire d'Occident, les Barbares, qui envahirent les Gaules, l'Espagne, l'Italie et l'Angleterre, firent entre eux de nombreux traités, mais à l'exception de celui d'Andlau, conclu en 587 entre Gontran, roi de Bourgogne, et Childebert, roi d'Austrasie, qui est l'acte diplomatique le plus ancien, le plus complet de la première race qui soit arrivé jusqu'à nous, on ne doit tenir compte que de ceux dont l'influence a été manifeste sur la constitution politique de l'Europe, ou sur la situation particulière des grands États. Tels furent le traité de Verdun, en 843, qui fit trois parts de l'empire de Charlemagne; le traité d'Arras en 1435, qui prépara l'expulsion des Anglais hors de France; celui de Thorn, en 1466, qui soumit la Prusse à la suzeraineté de la Pologne; celui de Bâle, en 1499, qui assura l'indépendance des cantons suisses; celui de Cambrai, en 1529, par lequel François Ier renonça à ses prétentions sur le Milanais; la paix de Nuremberg, en 1530, confirmée à Augsbourg en 1555, qui constitua les rapports des Églises catholique et protestante en Allemagne; le traité de Cateau-Cambrésis, signé le 2 avril

1559, d'une part entre la France et l'Angleterre, à la quelle il enlevait le dernier poste qu'elle possédait en France, et ruinait ainsi le plan qu'elle avait formé, depuis deux siècles, d'avoir toujours quelques places sur les côtes, à la faveur desquelles elle pourrait recommencer ses invasions, et conclu le lendemain d'autre part, entre la France et l'Espagnè, qui imposait à Henri II les plus durs sacrifices; la paix de Vervins, en 1598, qui relève et constitue la France, anéantit la Ligue et ensevelit les prétentions de l'Espagne à la couronne de saint Louis; le traité de Stettin, en 4570, où les Danois renoncent à la Suède, et la Suède à la Norwége; et enfin le traité d'Anvers, en 1609, par lequel le roi d'Espagne admit en fait l'indépendance des Provinces-Unies que sanctionna le traité de Westphalie.

Une dernière question se présente, difficile à résoudre : Existe-t-il des moyens de maintenir la paix entre les nations?

Si l'on pouvait espérer un tel bien de la sagesse humaine, la combinaison des systèmes de l'équilibre et de la fédération conduirait assurément à une fin si désirable; tous deux, en effet, garantiraient la solidité de l'édifice; le premier représentant la force, et le second s'appuyant sur le droit.

Pour développer ce plan de pacification, il faut d'abord tracer le tableau de l'état actuel des puissances européennes, les considérer sous le rapport de leurs forces respectives, de leurs moyens d'agression et de résistance, et exposer enfin un système diplomatique fondé sur les limites naturelles des États.

Mais une pareille création de l'art, qui réclame des

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