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nique. Déjà elle peut contre-balancer la France; la restauration de Charles II éloigne encore ce moment. Le Portugal secoue le joug de l'Espagne, et la France l'aide à recouvrer son indépendance. La Suède, sous Christine et son successeur, reste l'alliée fidèle de la France, et malgré l'affaiblissement que lui causent les guerres brillantes mais stériles de Charles X, elle conserve encore son éclat. La France paraît un moment menacée de perdre le sien par les troubles de la Fronde, cette scène comique et nationale où les plus grands intérêts furent mis en jeu par les intrigues les plus bizarres; mais Mazarin résiste au démagogue cardinal de Retz, réduit à l'impuissance le grand Condé, et, en même temps qu'il triomphe de ses ennemis, il conclut la paix des Pyrénées (1659) et assure la domination de la France.

TROISIÈME ÉPOQUE.

1660-1679. Cette époque, qui fut pour la France l'âge d'or du règne de Louis XIV, a pris aussi en Europe le nom de ce monarque, et cela suffit pour prouver que pendant sa durée la France exerça la prépondérance. Elle en abuse et fait craindre à l'Europe des dangers dont elle-même l'avait délivrée en combattant la maison d'Autriche. Au mépris de ses renonciations, Louis fait la conquête des Pays-Bas et de la FrancheComté. Par la triple alliance, la Hollande, la Suède et l'Angleterre opposent une résistance efficace aux entreprises de la France, et Louis XIV est bientôt forcé de signer la paix d'Aix-la-Chapelle (1668) au prix de ses conquêtes, dont il ne conserva que douze places fortes sur la frontière des Pays-Bas. Bientôt il reprend les armes contre la Hollande; elle est sur le point de succomber, mais Guillaume III, prince d'Orange, digne héritier de celui qui avait défendu les libertés de son

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pays contre la tyrannie de Philippe II, ne cesse de lutter il forme une ligue contre la France; mais celle-ci résiste aux efforts réunis de l'Autriche, de l'Espagne et de l'Empire; elle conclut des paix séparées, dicte des lois à Nimègue (1679); elle est alors à sa plus haute élévation.

QUATRIÈME ÉPOQUE.

1679-1715.- Louis XIV laisse voir son dessein d'étendre les frontières de la France sur la rive du Rhin; il s'établit par violence en Alsace, et porte en même temps une armée dans les Pays-Bas espagnols. -Ces infractions aux traités les plus solennels allument une nouvelle guerre. Guillaume monte sur le trône d'Angleterre, et devient un ennemi redoutable; la ligue d'Augsbourg s'organise, et bientôt, dans toute l'Europe occidentale, il n'est pas un État qui puisse maintenir sa neutralité. La paix devient nécessaire à tous. Un congrès s'assemble à Ryswyk (1697). La France y montre une modération feinte. Louis convoite la succession d'Espagne que le testament de Charles II assure à son petit-fils. Une nouvelle coalition s'organise pour empêcher cet accroissement immense de la maison de Bourbon. Le génie de Marlborough et celui d'Eugène font descendre la France de son élévation; et, malgré les avantages qu'elle retient à Utrecht (1713), à Rastadt et à Bade (1714), l'Europe est rassurée contre son ambition. Désormais elle sera essentielle au maintien de l'équilibre, au lieu de l'empêcher, de le combattre et de le rompre.

Pour ce qui est des peuples du Nord, leurs relations politiques avaient semblé fixées jusqu'à cette époque de manière à prévenir toute querelle fâcheuse. Les traités d'Oliva, de Roschild, de Copenhague et de

Kardis étaient devenus, pour eux, ce que les traités de Munster, d'Aix-la-Chapelle, de Nimègue et de Ryswyk étaient pour les puissances du Midi. Mais par une coïncidence bien remarquable, de nouvelles familles, presque au même temps, vinrent prendre possession des trônes, et les changements qui survinrent furent dus en grande partie au caractère personnel des souverains. Parmi eux on vit s'élever deux hommes extraordinaires, qui devaient rivaliser de gloire et fixer l'admiration.

Nous touchons, en effet, à la plus grande époque de l'histoire du Nord, puisque le commencement du xvIIe siècle voit éclater cette terrible guerre de vingt ans, où Pierre le Grand et Charles XII se disputèrent avec acharnement la victoire, entraînant dans leurs querelles tous les peuples qui les avoisinaient, et excitant ainsi un soulèvement général.

Le génie inculte mais sublime de Pierre Ier enfanta le projet, inconnu à ses prédécesseurs, de prendre rang parmi les grandes puissances de l'Europe; et, par l'effet toujours certain d'une volonté forte et décidée, quand les moyens ne manquent pas, et qu'on sait les mettre à profit, il parvint aussitôt à réaliser ce glorieux dessein.

A peine échappé de l'obscurité et de la barbarie, il comprit que, pour se donner une existence en Europe, il fallait d'abord s'ouvrir un débouché dans la Baltique pour les immenses productions de son empire; que le commerce, en attirant les étrangers, ferait connaître ses ressources et sa puissance réelle, fondées sur cet excédant de richesses naturelles propres à l'exportation; que dès lors, son crédit, sa considération s'établissant par la renommée, il les soutiendrait et les augmenterait par l'établissement d'une marine redoutable; et qu'enfin il donnerait la loi au Nord

et se ferait bientôt rechercher de tout le reste de l'Europe.

La ligue du Nord contre Charles XII fournit à Pierre Ier l'occasion désirée de s'établir sur la Baltique, et le prétexte heureux de se mêler des affaires de la Pologne.

Les malheurs d'Auguste II le jetèrent dans les bras de ce voisin terrible. Pendant que le czar soufflait en Pologne le feu de la guerre intestine, le roi de Suède, enivré de gloire et de vengeance, ravageait ce royaume pour faire reconnaître Stanislas, et laissait la Livonie en proie aux armées russes, d'abord battues et toujours renaissantes; leurs progrès étaient lents mais sûrs. La bataille de Pultawa (1709) décide enfin du sort du nord de l'Europe. Elle consolida, d'une part, tous les travaux entrepris par Pierre le Grand, qui, ayant défait le corps d'armée suédois, avait pénétré à travers l'Ingrie jusqu'au golfe de Finlande, et dès l'année 1703, avait vu Pétersbourg sortir des marais de la Néva pour dominer bientôt sur toute la Baltique; et d'autre part, elle renversa en un instant la puissance colossale de Charles XII, qui avait commencé, dix ans auparavant, d'une manière presque miraculeuse, cette carrière de victoires qui ont immortalisé son nom et la valeur des Suédois.

Enfin quelques années plus tard, la Russie était devenue la première de toutes les puissances dans l'Europe orientale. Le chef habile de ce vaste empire était parvenu à donner une importance européenne à son armée et à la capitale de ses États; chaque jour il voyait s'agrandir cette ville de Pétersbourg, création admirable de son génie, et dès 1721, le czar avait pu entreprendre avec honneur de poser sur sa tête la couronne impériale.

Dans la période dont nous venons de retracer le caractère, les négociations et les traités commencent à marquer la place qu'ils occuperont désormais dans l'histoire. On voit peu à peu la violence disparaître. La guerre est devenue une science et une affaire de calcul; la grave politique captive tous les esprits, et le monde est gouverné par des ministres. Les rapports diplomatiques prennent une grande extension; la France surtout étend beaucoup les siennes; des ambassades solennelles et confiées à des personnages honorés portent les paroles du roi dans le nord et le midi de l'Europe; la Perse, la Moscovie, la Transylvanie reçoivent pour la première fois ses envoyés; mais. on reproche à Richelieu et à Mazarin l'emploi odieux et réprouvé des agents secrets, des perfides émissaires. Les compositions diplomatiques des ministres de Louis XIII peuvent être comptées parmi les belles productions de l'esprit, sous le rapport du choix des moyens, de l'art de se servir des hommes, et de l'adresse à faire naître ou à éluder les circonstances; mais trop souvent aussi le machiavélisme et l'intrigue viennent déparer les conceptions du génie.

On se servait anciennement de la langue latine pour les actes relatifs aux affaires d'État, pour les négociations et même dans les conférences. Les langues européennes, au moyen âge, n'étaient pas assez perfectionnées pour être écrites et servir aux documents. Ce fut vers le commencement du XIIIe siècle que l'usage de la langue nationale s'introduisit dans l'administration intérieure, tandis que la langue latine fut, comme de coutume, employée dans les relations extérieures jusqu'au xvII° siècle, époque où les légations permanentes se multiplièrent; mais les agents diplomatiques se seraient trouvés exclus, par l'ignorance de la langue du pays, de tout commerce avec les personnes illettrées,

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